lundi 17 mars 2014

La mort de Mamadou Ndala, simple bavure ou acte planifié?

Le 2 janvier dernier, le colonel Mamadou Ndala, officier des FARDC, était tué dans l’explosion de son véhicule, non loin de Beni dans le Nord-Kivu. Cet officier avait conduit les troupes congolaises vers le succès total dans le combat mené contre la rébellion du M23. Certains auront dans un premier temps tenté de faire croire à l’implication du groupe armé sévissant en RDC, l’ADF-Nalu. Il semble pourtant beaucoup plus probable que le colonel fut attiré dans un traquenard monté par ceux qui n’avaient pas digéré la défaite de leurs poulains du M23. Il aurait ainsi payé le prix fort pour la victoire magistrale qu’il a donnée à la RD Congo.

1. Qui est ce Mamadou Ndala Moustapha?

Malgré ses trois noms à connotation ouest-africaine, Mamadou Ndala Moustapha est un digne fils de la RD Congo né en 1979 dans la ville de Watsa, en Province Orientale dans le nord-est de la RD Congo. Il n’a pas un cursus scolaire ou académique particulier. Il a intégré l’armée congolaise très jeune, en 1997, à l’époque où l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération de la RD Congo (AFDL) faisait sa fulgurante montée sur Kinshasa afin de mettre fin à la longue dictature du Maréchal Mobutu. Néanmoins, Mamadou fait partie de ces soldats mobiles qui ont récemment été formés par les instructeurs belges, angolais, américains, voire chinois pour les doter de capacités opérationnelles à se déployer rapidement sur les zones de combats à haut risque.
Colonel des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), Mamadou s’est vu confier plusieurs missions périlleuses dont la traque de Yakutumba à partir du Nord Katanga (axe Kalemie-Kabimba) dans les années 2011 d’où il s’était tiré vivant de justesse après que plusieurs de ses soldats y aient perdu la vie.
Il s’est plutôt révélé le personnage providentiel, l’oiseau rare pour la RD Congo dans l’épatante victoire en novembre 2013 des FARDC sur la coalition rwando-ougandaise; celle-là même qui, un an plus tôt, en novembre 2012 avait infligé une des plus grandes défaites aux FARDC avec d’innombrables dégâts humains et matériels sur les populations de Goma.
Sans minimiser les différentes contributions, dont particulièrement les missions de reconnaissance et d’identification des cibles ennemies facilitées par la Monusco en novembre 2013, les mérites et les talents de ce vaillant commando se sont vite révélés, à la grande surprise des coalisés et de tous les grands officiers qui l’ont précédé (1) dans cette tragédie de l’est de la RD Congo. Pour ce qui le différencie en tant que commandant, son secret aura visiblement été de n’avoir pas aligné aux fronts tous les sujets rwandais incrustés dans les FARDC au fil des négociations (2) antérieures truquées, d’avoir ravi les GSM aux militaires sur le champ de bataille afin de contrôler et coordonner sans interférence la communication militaire, d’avoir organisé convenablement le relèvement des militaires en des temps relativement courts afin de les renforcer et éviter ainsi de les exposer à la corruption légendaire (comme par le passé)…

La mort du Colonel Mamadou Ndala, ce 2 janvier 2014 à Matembo, une localité du territoire de Beni située dans le nord de la province du Nord-Kivu, est ainsi une perte énorme pour la RD Congo alors que son expertise pour pacifier l’est de la RD Congo en proie à une trentaine (3) de milices et groupes armés nationaux et étrangers était encore requise.


2. Infamie ou crime de lèse-majesté pour les coalisés et leurs complices nationaux!

Nombre de médias publics, communautaires et privés, brassent en cet instant une masse critique d’informations en rapport avec la mort tragique du Colonel Mamadou Ndala. Chacun oriente selon son angle de tir la lecture et l’analyse de la disparition de celui-là même que les congolais dans l’unanimité ont surnommé le libérateur de la province du Nord-Kivu. A la lecture des quelques analyses parcourues, la victoire sur le M23 n’a été rien d’autre qu’une victoire de l’armée congolaise sur l’armée rwandaise. Elle avait été pendant des décennies humiliée et soumise au dictat de cette dernière. Voilà l’infamie pour les coalisés et leurs complices nationaux et étrangers!

Néanmoins, il a été développé dans des analyses antérieures que les vrais détenteurs de la victoire sur le M23 sont sans nul doute multiples à la croisée des efforts conjugués à fois du gouvernement de la RD Congo, des FARDC, de la Monusco, de la Communauté internationale et de la population. CAPSA GL pointait du doigt chaque fois de manière plus particulière l’acteur-clef de chacune de ces composantes qui avait investi le meilleur de lui-même pour l’effectivité de la victoire. Mais comme de plus en plus se dessinait la part déterminante de ce jeune colonel trentenaire des FARDC dans l’écrabouillement de la coalition, la majorité de témoignages recueillis à ce jour sur le terrain et dans la littérature parcourue accréditent indubitablement la thèse de l’assassinat et sa corrélation directe avec la défaite militaire infligée au M23 et à ses alliés. Suite à l’assassinat du Colonel Mamadou Ndala, des mouvements populaires de grande envergure se sont organisés spontanément dans tout le pays pour désapprouver le forfait. C’est dire si nous avions raison d’identifier et de confirmer plus que jamais que c’est la population qui fut à la fois la véritable détentrice et bénéficiaire de la victoire sur le M23. C’est enfin le moment d’établir qu’au-delà de la population, c’est avec le concours des FARDC et particulièrement grâce au génie militaire et au doigté du Colonel Mamadou Ndala que le M23 a pu être pulvérisé.


3. Le rendez-vous de la mort : les lois du karma pour le héros Mamadou Ndala?

La mort subite du Colonel Mamadou Ndala, ce 2 janvier 2014, vient de l’inscrire sur le panthéon des héros de la RD Congo au même titre que les martyrs de l’indépendance (4 janvier 1961), Patrice Emery Lumumba et ses collègues Mpolo et Okito, Laurent Désiré Kabila (17 janvier 2001)… D’aucuns seraient tentés de dire à tous égards que le mois de janvier porterait le karma pour les héros de la RD Congo dès la première heure de l’indépendance en 1960.
Sa mort serait ainsi simplement offerte en cadeau à la nation pour galvaniser et raviver l’engagement pour la lutte et lui mériter une bonne fois pour toute, d’être affiché au panthéon de la république.
Le succès de Mamadou Ndala ne lui a certainement pas créé que des amis à l’interne comme à l’externe. Pour le commun de mortels, il vient d’en payer le prix fort.
Mais beaucoup pensent surtout à un acte planifié : son appel à Beni serait l’autel du sacrifice.
Voici l’esquisse d’éventuelles raisons récoltées çà et là juste après sa tragique mort:

  • La jalousie intra ou inter corps armés. On a ainsi entendu s’exclamer les soldats fidèles à Mamadou Ndala devant leurs frères d’armes de régiment basé sur le lieu de l’assassinat, « ils sont jaloux de notre succès dans le Rutshuru pour mettre fin aux jours de notre commandant d’opérations ! ».
  • Sans en préciser les commanditaires ni la filière exacte, certaines publications décryptées dans la presse locale feraient allusion à un versement d’une rançon de 300.000 USD qui aurait été versée pour motiver certains soldats à exécuter le plan macabre.
  • Les réseaux mafieux dotés de filières de ramifications en Ouganda, au Rwanda mais aussi des répondants en RD Congo (4) qui opèrent (5) à l'est de la RD Congo tirent un grand profit de la pérennisation de la guerre du M23. Pour ceux-là, Mamadou Ndala aura gravement menacé leurs intérêts. Bref, tous ceux qui trouvaient en sa personne un véritable obstacle à la réalisation de leur business ne pouvaient que se réjouir de sa disparition!
  • Quelques états voisins qui entretiennent depuis des décennies des visées de balkanisation de l’est de la RD Congo pour leurs intérêts géostratégiques et économiques et qui y ont investi un trafic considérable de la violence en vue d’une soumission totale des communautés locales et de les réduire au silence…
  • Pourquoi ne pas pointer également quelques ONGs internationales, humanitaires, voire du système des Nations Unies, qui verraient aussi dans la pacification de l’est de la RD Congo une fin de leur raison d’être en RD Congo…

4. Juste des manifestations populaires pour revendiquer!

La journée "Vile morte" décrétée le lundi 6 janvier par les syndicats et la société civile dans l'est du pays a été une réussite totale en terme d’expression d’une revendication pacifique de la population face à l’assassinat du Colonel Mamadou Ndala.

Cette journée vient encore une fois de plus de montrer qu’il ne faudrait pas se laisser aveugler par la victoire du 5 novembre dernier surtout qu’en RD Congo c’est quand les situations semblent s’améliorer et que les espoirs sont ravivés que surviennent souvent des situations inattendues et catastrophiques. Ainsi par exemple, avec l’indépendance de la RD Congo au 30 juin 1960, les Congolais avaient fêté la fin de la colonisation belge mais la fête n’a pas fait long feu car en peu de temps, Lumumba, l’artisan de cette indépendance, était assassiné et le pays tombait dans un chaos indescriptible. Des rébellions apparurent à plusieurs endroits du pays: la plus virulente étant la rébellion muleliste qui embrasa le pays entier depuis 1964. C’est alors que Mobutu prendra le pouvoir pour redresser les choses, mais hélas ce ne fut pas le cas car c’est finalement lui qui pendant trois décennies de règne sans partage enfoncera davantage le pays dans le gouffre avec une des plus longues dictatures de l’Humanité. C’est ce qui justifia trente ans plus tard, en 1996, l’accueil chaleureux donné à l’AFDL par nos populations assoiffées de paix et de bonne gouvernance pour avoir chassé Mobutu.
Mais à quel prix? Plusieurs accords toujours gardés secrets, dont celui de Lemera portant sur la gestion de l’espace Est-RD Congolais par les étrangers, mineront profondément cette "libération". La forte intrusion des étrangers, et en particulier des rwandais, dans la gestion directe de la res-publica effaça tout l’élan de la reconstruction et de la consolidation de la souveraineté de la RD Congo tant rêvée et noya les espoirs de tout un peuple… L’infiltration de l’armée et des services de renseignements par les étrangers (en particulier des rwandais), la porosité entretenue des frontières du pays compliquèrent davantage les équations. C’est une véritable gangrène jusqu’à ce jour. Avec de telles prémisses, la mise sur pieds des cadres légaux, dont la constitution de 2006 révisée en 2011, les élections libres et démocratiques, les institutions et l’administration publique, ne purent en aucun cas asseoir un état digne de ce nom.

Nous en subissons toujours les conséquences: 18 ans d’instabilité sociale permanente et d’insécurité sans nom pour la majorité des congolais au bénéfice d’une oligarchie hybride qui profite de cette misère généralisée en vue de s’enrichir et surexploiter à leur guise toutes les richesses (6) et potentialités du pays. En revanche, c’est l’oppression et la criminalité qui pousseront à l’exil politique et économique une bonne partie de l’élite désespérée, et à la reddition pure et simple les masses laborieuses (7) effarées qui ne savent plus à quel saint se vouer. Ce sera pourtant aussi pour quelques nationalistes l’occasion de développer de manière désespérée quelques mécanismes de survie dans un effort désespéré de prouver qu’au-delà de tout cela, une autre RD Congo est possible, cellle où fils et filles de ce grand et beau pays vivraient dans la paix, dans un pays uni et fort…
La journée "Vile morte" organisée et réussie ce lundi 6 janvier 2014 dans la province du Sud-Kivu est l’une des grandes manifestations visibles, à l’instar du grand mouvement qui a embrasé toute la RD Congo en 2004 afin de désapprouver la capture de la ville de Bukavu par le général félon Laurent Nkunda, précurseur du M23. C’est un signe qui ne trompe pas pour un peuple meurtri et qui entend mener avec constance une lutte pour son affranchissement face aux grands rendez-vous manqués de l’histoire. C’est un indice fort de l’unité de combat de tout un peuple contre ceux qui sont appelés à conduire sa destinée. Pour preuve, le mot d’ordre donné pour la ville morte de ce jour par les forces vives de la Nation a été contrecarré par les autorités politico-administratives mais la population n’a pas cédé! Cette cessation d’activités et de mobilité généralisées revêt un caractère très éloquent quand on sait que plus de 95% de cette population vit sous le seuil de la misère dite "au taux du jour" et doit inévitablement, pour survivre, se mouvoir au jour le jour pour avoir de quoi mettre sous la dent! Tout ce sacrifice parce que cette population voyait dans l’action du Colonel Mamadou Nadala la renaissance d’une RD Congo humiliée.

Dans son dernier article de 2013, le Centre d’Analyse Politique et Stratégique pour l’Action Grands Lacs africains (CAPSA-GL) a développé une réflexion sur la question suivante "À qui reviendrait la victoire contre le M23" et a, à contrario, poussé une analyse sur ce qui ferait que le M23 ait pu perdre cette guerre alors qu’il bénéficiait bien de plusieurs atouts, et non des moindres ! La non-adhésion de la population à leur cause fut identifiée comme la cause majeure de la défaite du M23.

Au demeurant, l’opération "Ville morte" prise comme moyen d’expression et de revendication des droits sociaux depuis l’époque de l’agression jusqu’à ce jour, est régulièrement contrecarrée et réprimée par la police. Celle-ci est régulièrement utilisée pour réprimer violemment les manifestations publiques, bien que la constitution ait consacré la liberté de manifestation. "Ville morte" reste certes un moyen efficace de revendication et d’expression, mais il est insuffisant. "Les chiens aboient et la caravane passe…" Pour des résultats plus tangibles et plus durables, les populations doivent développer des preuves à collecter sur le champ avant qu’on ne les ait effacées, afin de permettre aux organisations de la société civile de s’ériger en partie civile.


5. L’accréditation de la thèse de l’assassinat en appelle aux enquêtes?

Sans enquête crédible, il sera difficile d’identifier les véritables coupables de la mort de Mamadou Ndala et de rétablir toute la vérité.
En se référant aux dernières enquêtes portant sur l’assassinat de Floribert Chebehya, président de l’asbl congolaise "Voix des Sans Voix", le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme avait stigmatisé ce qu’il a en son temps qualifié de crash de droits de l’homme en RD Congo. Malgré les efforts insistants des organisations de défense des droits de l’homme ainsi que des familles de victimes pour revendiquer la vérité et que justice soit faite, rien n’a jamais bougé. Y aurait-il certaines complicités tant à l’interne qu’à l’externe? On peut se poser la question quand on observe que certains officiels convoqués refusent de se présenter. La lenteur avec laquelle les dossiers sont instruits et les procès initiés pour chercher la vérité en dit long sur la volonté réelle de faire émerger la vérité. Le pouvoir judiciaire n’agit pas en toute indépendance dans la RD Congo et est souvent contraint à procéder à des remises interminables jusqu’à l’essoufflement voire l’usure des témoins et victimes et à l’effacement des preuves. C’est la même situation vécue dans la région des Grands-lacs africains pour le procès de Pascal Kabungulu qui depuis une décennie n’aura toujours pas eu de dénouement.
S’il se déclenche une investigation pour déterminer les responsabilités de l’assassinat de Mamadou Ndala et brimer le crime, quelles garanties auront nous qu’elle aboutisse?

Du reste, les analystes de tout bord et les communautés locales ne cessent à se demander sur base de quelles évidences (et sans enquête préalable) le gouvernement de la République s’est précipité à confirmer dans les médias que la mort de Mamadou Ndala était le fruit d’une attaque des rebelles ougandais identifiés comme membres de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération de l’Ouganda (ADF-Nalu), alors que la zone de crime était contrôlée et sécurisée par les FARDC (quoique chapeauté par des commandants issus du RCD-CNDP d’antan) ?

A entendre les congolais s’exprimer dans les taxis et lieux publics, cette allégation ne convainc ni les habitants et encore moins les collègues d’armes du défunt Mamadou Ndala. Cela ne présage rien de bon. Cette affaire risque-t-elle aussi de s’évaporer dans une cacophonie politico-judiciaire? Ceci augure au contraire déjà un signal de nature à étouffer l’enquête et à obstruer les potentielles pistes plus probantes. En réalité, il y a probablement lieu de privilégier la thèse d’une planification et la piste porterait sur les éléments "rwandophones" intégrés dans l’armée comme exécutants. Mais seules des enquêtes crédibles appuyées par des experts nationaux et internationaux pourraient donner plus de lumière.


6. L’élévation au rang d’honneur!

L’organisation des funérailles luxueuses et l’élévation précipitée à des titres d’honneur posthume des héros nationaux servent parfois (raison d’Etat oblige…) à édulcorer les crimes politiques. On se débarrasse ainsi à bon compte de personnages dérangeants ou qui ont piétiné les intérêts du pouvoir ou fait ombrage à leur leadership.
En confirmant le fait que la zone de l’assaut fatal sur le véhicule de Mamadou Ndala était sous contrôle des FARDC et qu’en routine militaire la zone ait été préalablement prospectée avant le mouvement du commandant des opérations, la version selon laquelle la mort de colonel Mamadou Ndala serait le fruit d’une embuscade des ADF/ Nalu, tombe caduque.
Reste à se poser la question suivante : à qui profite le crime?


7. Que dire de plus?

L’épopée M23 maintenant partie en fumée, grâce à la bravoure de Mamadou Ndala, il ne faudrait pas faire l’erreur de croire que la question de sécurité dans l'est de la RD Congo soit résolue. Ce qui s’est d’ailleurs passé dans la nuit de Noël 2013 à Beni, dans le Nord-Kivu, est déjà de mauvais augure pour le pays. Après la perte de Goma des mains du M23 et alliés, quelques centaines de soldats identifiés M23 se sont réfugiés en Ouganda en attendant leur rapatriement-intégration dans les FARDC au terme des accords de Nairobi. Loin d’une bavure, le guet-apens dans lequel fut entraîné Mamadou Ndala se confirme. Ceci en appelle à une éternelle remise en question de l’aboutissement de tous ces processus qui se terminent par l’amnistie, l’intégration des criminels dans une armée appelée à se reformer afin de garantir la sécurité de ses habitants et l’intégrité de ses frontières. Dommage, aucune enquête de sécurité n’est envisagée avant toutes ces opérations d’intégration…

Pour plusieurs, avec l’assassinat de Mamadou Ndala, l’espoir d’une paix durable suscité par la victoire sur le M23 et ses alliés, n’aura été que de courte durée. La disparition inopinée du Colonel Mamadou Ndala, le principal artisan de la reconquête du Nord-Kivu, coloré Général à titre posthume lors de son ensevelissement à Kinshasa, s’annonce être le mauvais présage d’une contre-attaque difficile à maîtriser, tant les FARDC sans son vaillant commandant devront faire face à un M23 requinqué et régénéré par ses alliés rwandais et ougandais. Le dernier rapport des Nations Unies vient de prouver que le Rwanda continue à l'appuyer malgré tout. Le peuple congolais n’a pas le droit de se lasser un seul instant dans la poursuite de son combat!

Enfin, au cœur des assassinats des différents héros du pays, la trahison interne appuyée par de mains noires externes a toujours été au rendez-vous pour réaliser des crimes parfaits sur ceux-là qui se sont démarqués dans la lutte pour la justice, la liberté et la paix pour tous. Pour la RD Congo, il en fut ainsi pour l’assassinat de Lumumba, de Laurent Désiré Kabila, des officiers FARDC tués à l’aéroport de Kavumu/Bukavu sous le Commandement du Colonel Chapulu Mpalanga du triste RCD en 1998 et, tout récemment, l’assassinat du Colonel Mamadou Ndala…

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(1) Tango Fort a géré ces opérations mais il s’est avéré qu’il vendait même armes et munitions aux groupes armés qu’il était censé combattre. Le Colonel Delphin Kahimbi a quant à lui semblé caresser du sens de poils ceux qu’il combattait… 
(2) Opérations dites successivement « Intégration » suite aux négociations RCD avec le gouvernement de Kinshasa (2002), « brassage et/ou mixage » avec le CNDP (2009), et bientôt encore « intégration »avec le M23 selon les termes des accords de Nairobi…
(3) Cfr Notre article publié le 14 novembre 2013 sur les détenteurs de la victoire des FARDC sur le M23…
(4) Ne seraient nullement innocentés de la liste des probables personnes dont l’action de Mamadou Ndala aurait entravé le business et qu’on trouverait dans les rangs des politiciens, commerçants, militaires et policiers… 
(5) "Penser seulement qu’en 12 mois d’occupation du Nord-Kivu, le M23 s’est révélé être au cœur d’enjeux stratégiques majeurs. La découverte de plus de 20 tonnes d’armes et minutions présentées à la télévision après la chute du M23 dans une région pourtant sous embargo de l’ONU et les révélations sur le profit faramineux tiré du trafic d’or, qui transitait par l’Ouganda (500 millions de dollars en 12 mois indiquent que trop de monde avaient investi dans ce mouvement et que le colonel Ndala devenait un obstacle majeur)" dixit Boniface Musavuli dans Congo Direct.
(6) Plusieurs contrats miniers, forestiers, de reconstructions d’infrastructures de base en reflètent bien la cruauté sans pitié pour les communautés locales. Peut-on un seul instant s’imaginer les dégagements des populations de leur terre-mère au profit des multinationales, l’exonération de 50 ans pour toutes les importations et exportations de Banro devant l’asphyxie et par des impositions et taxations faites pour les entrepreneurs locaux et même pour quelques services venus en appui à l’état en matière des produits comme les antituberculeux… 
(7) Voir les soumissions extrême des villageois qui n’ont pas pu faire l’exode rurale et qui se soumettent à tout sans plus réfléchir tant qu’ils peuvent encore garder sauve leur vie.

mardi 4 mars 2014

Témoignage et questionnements suite aux événements violents du 20 février dernier à Bukavu

Vital Kamerhe, ex-président de l’Assemblée Nationale, candidat aux dernières élections présidentielles, avait décidé d’organiser au Nord et au Sud-Kivu, une caravane pour la paix. Dans la foulée de son passage à Goma, il s’est rendu vers Bukavu le 20 février dernier. Le meeting qu’il souhaitait tenir à la Place de l’Indépendance avait été interdit par le maire de la Ville, qui avait proposé le stade de Kadutu pour le tenir.

A l’arrivée de Kamerhe et de ses milliers de sympathisants à la Place de l’Indépendance, des heurts violents se sont déroulés entre manifestants et policiers mobilisés en masse. Malgré les explications des autorités, les événements ont suscité de nombreuses réactions. Aujourd’hui encore, de nombreuses questions se posent. Martin Kobler lui-même, représentant de la Monusco, annonce qu’ils feront l’objet d’une enquête.

Voici les faits, relatés par un témoin sur place, et les questions qu’elles amènent...

"Pour avoir vécu ces événements, voici retracé sous ces quelques mots ce dont je suis personnellement tantôt témoin oculaire et par endroit complété par ce que d’autres personnes présentes m’ont relaté.

Il était 16h15 quand j'ai quitté mon bureau de Labotte pour le port Rafiki. Déjà au niveau de l’hôtel Bulungu, il était quasi impossible de franchir la foule immense qui surplombait toute la place jusque dans la colline de l’économat général de Bukavu. En avançant jusqu’au niveau de la brasserie (4 km), c’était toujours pareil... quand j'ai vu progressivement avancer un très grand cortège de milliers de personnes, de véhicules et motos aux couleurs rouge et blanc de l’UNC, klaxonnant et scandant des chants de la révolution et soudain, le passage de Vital Kamerhe, l’autorité morale de ce regroupement politique de l’opposition congolaise. Il a fallu une trentaine de minutes pour que la circulation bloquée dans un sens unique soit décantée et que je sois capable de poursuivre ma route. Sitôt arrivé au port Rafiki, j’ai entendu des coups d’armes automatiques et des détonations qui se révéleront par la suite être des grenades lacrymogènes au pili-pili. Là où j’étais débout, j’ai assisté à un mouvement inverse des foules en bousculade et en grande débandade. En téléphonant pour savoir ce qui se passait au niveau du terminus du cortège de Vital Kamerhe (Place de l’Indépendance), j’en ai appris un peu plus... J’ai eu de la peine à tenter de rentrer chez moi car toutes les voies officielles étaient barricadées et j’ai dû emprunter des petites pistes longeant le lac pour atteindre le feu rouge où j'ai pu échanger à chaud avec les gens.

Toute la ville était enfumée car des pneus brûlaient sur la chaussée à partir de l’HPGRB jusqu’au niveau de la Raw Bank et jusqu’au niveau de la Prison centrale de Bukavu. 

Voici le récit plus ou moins reconstitué de ce qui s’est passé:
Arrivé à la Place de l’Indépendance, le cortège s’est vu empêché par les policiers et militaires armés de monter à la Tribune. Malgré leur surnombre, ils n'ont pu contenir tant de monde et encore moins les véhicules et motos qui accompagnaient Vital Kamerhe, qui lui était transporté sur un tipoy à partir de Kalengera juste après Bwindi (à environs 6 km de la Place de l’Indépendance). Une fois déposé de son tipoy, à la seule tentative de franchir la première marche de l’escalier conduisant à la tribune d’honneur, les policiers ont dégoupillé et largué les grenades lacrymogènes en direction de toute la délégation de Vital Kamerhe. Sous la fumée de pili-pili, le crépitement de balles réelles ont été entendu et ce fut encore le sauve qui peut. Il n’a pas fallu une demi-heure pour qu’en revanche les jets de pierres jaillissent en direction des policiers et militaires qui avaient poursuivi avec le crépitement des balles. Quelle image, sinon une véritable émeute car il y eu des blessés tant dans la population que dans le rang des policiers même armés. La masse en furie a commencé la chasse aux policiers et autres cibles du PPRD pendant que tout ce lieu était pimenté de grenades lacrymogènes. Au niveau de la SNCC où je me trouvais pour chercher un passage, moi-même j’étais sous ce pili-pili…
C’est ainsi qu’au feu rouge devant la BCZ, une toute petite et vieille voiture Starlet identifiée comme appartenant à un policier a été mise à feu pour compléter le décor d’autres feux de pneus qui brûlaient çà et là. De leur côté, les policiers ont renforcé la chasse à la population, arrachant tout aux passants, frappant les motards jusqu’à arracher des centaines de motos, en conduire certaines à la brigade routière et en faire carrément disparaître d’autres... Ce fut un véritable imbroglio, et sur le champ on a parlé d’une personne tuée et d'une trentaine d’autres grièvement blessées. Vital Kamerhe lui-même a failli de peu être touché par une balle et par une baïonnette d'un policier.
Nous apprendrons par après qu’ayant préalablement demandé à Vital Kamerhe de ne pas passer plus de 30 minutes à la Place de l’Indépendance on lui avait en échange autorisé d’aller tenir son rassemblement au stade de Kadutu qui, malicieusement, était aussi octroyé à Kantitima du PPRD pour y organiser une autre activité en vue de démobiliser la population pour ne pas s’abonder dans l’attente de Vital Kamerhe… De même pour les motards: l’honorable Mukubaganyi s’est activé à remettre 20 dollars à chacun d'eux pour qu'ils ne se rendent pas à l’aéroport pour attendre le président de l’UNC… Hélas, c’est comme si cet argent des ténors, non les moindres, de la majorité présidentielle leur était donné pour qu’enfin ils aient du carburant et puissent se rendre nombreux à l’aéroport pour attendre Vital Kamerhe."

Quelques constatations :


  • Les fausses déclarations des autorités locales en rapport avec ces événements sur les médias frisent le ridicule devant une population qui a vécu la réalité de la situation.
  • Le monnayage/corruption criant des politiciens de la majorité présidentielle pour désorienter ou vider la participation de la population à une manif organisée par l’opposition.
  • Dans les médias, Vital Kamerhe a remercié la population pour ce dévouement et le lendemain de ces événements, il s’est rendu à l’hôpital voir tous les blessés pour finir par aller demander à la brigade routière de restituer toutes les motos confisquées.


Et quelques questions…


  • Devant pareille frustration collective, qu’adviendra-t-il quand les acteurs du pouvoir demanderont à leur tour à la même population la même mobilisation pour leur arrivée, question de jurisprudence ou de précédent!
  • Avoir de près ou de loin permis que cet usage de la force ait eu lieu, le pouvoir aura lui-même mis de l’eau au moulin d’un de leurs opposants car plus que jamais, cette situation aura été d’une valeur inestimable dans la cote de popularité d’un de leurs meilleurs opposants…
  • Entre la réforme de la Police Nationale Congolaise et sa mise en œuvre il y a un écart incroyable car à cinq ans de sa mise en œuvre, la police civile telle que conceptualisée et souhaitée par la société civile et les donneurs de fonds ne le sera jamais tant qu’elle ne se sera pas dépolitisée. Son usage disproportionné de la force et des armes létales dans les manifestations publiques l’expose à des perpétuelles violations des droits de l’homme et obscurcit toute la perspective mise dans la notion de la Police de proximité.
  • Opposants, société civile, et quelques membres de la majorité présidentielle toutes tendances unis : ces bévues se sont plutôt retournées contre la coalition actuelle au pouvoir et laisse à présager que la volonté politique pour les prochaines élections risquerait d’être remise en question…
  • La marche de la démocratie en RD Congo avec la liberté de manifestation confisquée et l’intolérance politique affichée montre qu’on est rentré au pays à la case départ, c’est-à-dire la période d’avant 1990....