mercredi 11 septembre 2013

Goma: l'étau se resserre encore...

Après les dernières victoires cuisantes que les FARDC ont imposées au M23 début juillet, les gomatraciens sont à nouveau dans l'angle de tir. L'étau se resserre sur la ville depuis une semaine de combat à 15 kms seulement de la ville.
Du jeudi 22 au samedi 24 août 2013, 11 obus sont tombés en pleine ville, faisant 7 morts et plusieurs blessés selon les sources officielles. D'après plusieurs sources concordantes, ces explosifs ont été lancés à partir du territoire rwandais. Selon la Radio France Internationale, captée le vendredi 23 août matin, d'après les premiers éléments dont disposerait le gouvernement congolais, ces obus proviendraient bel et bien du Rwanda. Le Rwanda, quant à lui, accuse les FARDC d'avoir lancé un projectile sur son territoire, projectile qui n'aurait pas fait de dégâts humains. La société civile locale parle même d'éventuelle rentrée des éléments des forces rwandaises (RDF) au Congo pour appuyer le M23.

L'insaisissable dans ce feuilleton…
Il y a seulement quelques semaines que les Etats-Unis ainsi que l'ONU ont mis en garde le Rwanda pour tout soutien au M23. Mais alors, d'où viendrait que Kigali fasse la tête devant ces menaces fermes de ses parrains?
Tout fait à croire qu'il s'agissait plutôt de l'hypocrisie internationale camouflée dans des discours des USA ainsi que de l'ONU plutôt que des menaces. Les USA jouent à la drible diplomatique, malheureusement les congolais se laissent duper. Que fait la brigade d'intervention internationale? Doit-elle se cacher derrière le déploiement pour justifier son inaction ou doit-on trouver des explications ailleurs? Les forces de l'ONU seraient-elles venues entériner la thèse de la balkanisation?
Le dernier discours de Mary Robinson à Goma en dit long. Comment et pourquoi imposer indéfiniment au Congo de dialoguer avec des rebelles rwandais et cajoler le Rwanda dans le sens du poil, lui qui refuse de faire autant pour les FDLR ? Robinson a presque donné un ultimatum à Kinshasa, lequel a été relayé par la CIRGL, exigeant à Kinshasa de rentrer à Kampala dans les trois jours qui suivaient, c-à-d le lundi 3 septembre, et de trouver un compromis avant le 14 prochain. L’éventuelle sincérité de cette diplomate chargée de l’Afrique centrale ne peut nous empêcher certaines interrogations citoyennes. Si les congolais ont refusé la participation du M23 aux concertations nationales ouvertes ce samedi 7 septembre à Kinshasa, la communauté internationale impose, elle, la relance et la clôture de Kampala, parallèlement à ces assises nationales. Quelles résolutions auront de l’ascendance sur les autres, celles de Kinshasa ou de Kampala? Lesquelles des deux cherchent à trouver une issue favorable à l’intérêt national? A notre analyse, tout est et sera concurrentiel dans les conclusions. C’est là la ruse et la cacophonie entretenues en RDC par la communauté internationale qui joue effectivement le pyromane.

L'enjeu politique derrière l’attaque de Goma… 
Cinq cents jours après, le M23 reste certes, fidèle à ses objectifs de départ, c'est-à-dire la balkanisation de la RDC, le pillage des ressources naturelles, la formation d'un tutsiland à l'Est de la RDC. Ils ne lâcheront pas prise. Le chef de l'Etat congolais, Joseph Kabila prônait trois voies pour mettre fin à l'aventure guerrière du M23 : la voie diplomatique, la voie politique (dialogue) et la voie militaire. Aujourd'hui, seules les voies politiques et diplomatiques ont effectivement été expérimentées à travers le dialogue de Kampala dont l'issue est aujourd'hui incertaine. Toutes ces voies ont montré leur limite. La voie militaire osée début juillet, a vite mis à mal le plan général des ennemis puisque, cette fois là, les FARDC ont montré de quoi ils étaient capables avec le colonel Mamadou Ndala. Plusieurs pertes ont été enregistrées du côté du M23 et de l'armée rwandaise. Tout de suite une rumeur a pris route faisant état d'un éventuel relèvement de ce vaillant colonel Mamadou chargé du commandement des troupes au front par Kinshasa. La population de Goma a farouchement contesté ce relèvement. Mais curieusement, il s'en est suivi une trêve et comme par effet de surprise, ce sont des bombes qui tombent aujourd'hui sur Goma. Cette trêve était-elle pour permettre au mouvement rebelle de se réorganiser et contre-attaquer avant la tenue des concertations nationales.

Tout était prévisible si on en croit l'expérience passée avec le CNDP de Laurent Nkundabatware et Bosco Ntaganda: quelques semaines avant le lancement de la conférence de Goma sur la paix, la sécurité et le développement du Kivu de janvier 2008, on avait assisté au même scénario.

Les concertations nationales pointent à l'horizon. Le présidium de ces assises (le président du Sénat et de la Chambre basse) se dit ouvert à la participation des groupes armés mais l'on mord la langue lorsqu'il faut dire si oui ou non le M23 va aussi prendre part à ce dialogue interne en même temps qu'ils sont à Kampala. Pour le moment, les nouvelles attaques de Goma s'inscrivent aussi dans cette démarche de maintenir le pied sur le levier afin que Kinshasa accepte justement la participation du M23 à ces concertations. Le M23 veut manger dans les deux assiettes (Kampala et Kinshasa). L'on se souviendra qu'il y a peu, l'ancien président du Rassemblement Congolais pour la Démocratie, RCD/Goma (ancienne rébellion dont est issus les actuels membres du CNDP et du M23), Azarias Ruberwa, réclamait la participation du M23 aux concertations nationales.

Ces concertations nationales prennent ainsi les couleurs d'un guet-apens déjà tendu par le régime de Kinshasa. Le risque de déboucher sur un gouvernement élargi à l'opposition, à la société civile ainsi qu'aux groupes armés est grand. Ce sera un coup d'Etat constitutionnel puisqu'on troublera tout l'ordre institutionnel établi et le sacrifice consenti par le peuple pour l'avènement de la démocratie. N'est-ce pas là un joli coup de Joseph Kabila : court-circuiter son mandat actuel en faisant un tel gouvernement pour se représenter aux élections de 2016?

Les congolais doivent bien saisir le discours diplomatique et comprendre "Ce que parler veut dire" comme l'écrit si bien Pierre Bourdieu. Ainsi, ils cesseront de se laisser berner par les discours relevant de l'hypocrisie internationale puisque très souvent dire n'est pas faire.

Faut-il oui ou non toucher à la Constitution? 
La situation chaotique du Kivu a créé depuis des années un tâtonnement chronique dans la recherche des solutions durables pour certains (société civile) et circonstanciel pour d'autres (politiciens). Devant des rebellions fomentées par certains pays voisins bien identifiés et quelques politiciens congolais tapis dans l'ombre, les positions et propositions de régulation fusent toujours de partout. Elles sont parfois l'expression d'une désespérance ou d'une politique machiavélique pour conserver le pouvoir et les intérêts occidentaux. Certains sociologues sous-tendent la vie politique comme un espace de perpétuels compromis et de débats permanents mais faut-il que cela aboutisse toujours à quelques changements positifs et visibles dans la vie des citoyens?

A l'époque de Mobutu, on a cru qu'une conférence nationale souveraine (CNS) pouvait faire courber l'échine à la longue dictature de trente ans. On a eu tort puisque la conférence n'a rien changé dans le mental et le système. Bien au contraire. On pourrait parler du multipartisme comme résultat de la CNS mais qu'est-ce que cela a changé dans la gouvernance de l'Etat congolais ? Il y eu fallu une force militaire de l'AFDL pour renverser cette dictature.

Des mouvements rebelles sont nés de partout au pays (MLC, RCD/Goma, RCD/KN, Mai Mai): certains pour rectifier la politique de l'AFDL, d'autres pour re-libérer le Congo, d'autres enfin pour défendre l'intégrité territoriale. La cacophonie des divers intérêts des acteurs finit par créer l'impasse.
Une deuxième conférence nationale (appelée dialogue inter-congolais) fut organisée cette fois là à Sun City en Afrique du sud. Quatre objectifs fondamentaux furent assignés aux assises : la pacification, l'unification, l'intégration et l'organisation des élections libres et transparentes. On considéra ceux-ci comme une sorte de panacée au problème du Congo. Encore une fois on s'y était trompé. Les citoyens congolais n'ont eu droit qu'à un semblant d'unification, d'intégration, d'organisation des élections surtout en 2011 et un semblant de pacification.

L'unification: les hommes au pouvoir ont réduit cet objectif au simple fait de permettre la circulation des citoyens des quatre points cardinaux du pays, ce qui était impossible durant les différentes rebellions. L'unification est restée illusoire pour certains coins de la République où l'autorité de l'Etat n'a jamais été établie jusqu'aujourd'hui. Des zones toujours sous contrôle des forces négatives (FDLR en occurrence) et qui sont restées inaccessibles aussi par manque d'infrastructures de communication.

L'intégration: elle a eu lieu à deux niveaux : politique et administratif avec la formule 1+4. Mais là où on l'attendait plus, c-à-d au niveau militaire, ça été un fiasco total et la base de tous les problèmes actuels. Tout fut compliqué au niveau militaire: l'intégration devint à dessein le mixage, ou une simple interposition des troupes à idéologies diverses, ce qui a conduit au caractère multiple de l'armée, des armées dans l'armée et donc à la multiplicité de commandement.

La conséquence fut la guerre menée par le général déchu Laurent Nkundabatware, Jules Mutebusi, Bosco Ntaganda et consort. Tous étant des tutsis issus de la rébellion du RCD/Goma d'Azarias Ruberwa parrainé par Paul Kagamé. Une autre conférence fut initiée en janvier 2008 pour, disait-on, ramener la paix, la sécurité, la stabilité et le développement dans le Kivu. Tous les groupes armés opérant dans le Kivu (18 au total dont 11 au Sud Kivu et 7 au Nord-Kivu) signèrent un acte d'engagement à la paix. Encore une fois ce fut du bluff puisque cela n'a pu empêcher Bosco Ntaganda de poursuivre la guerre jusqu'à l'avènement du Mouvement du 23 mars 2008, il y a bientôt plus de 535 jours.

Aujourd'hui ces sont les concertations qui dominent les esprits et les lèvres. Les moins avertis et les moins patriotes se hâtent pour y prendre part. Certainement pas par conviction d'aller vraiment chercher des solutions aux problèmes internes qui rongent le pays mais parce que les participants recevront des per diem. Toutes les résolutions sont déjà ficelées par le régime de Kabila. Ceux qui ont participé à la conférence de Goma se souviendront comment les résolutions ont été parachutées et comment cela était organisé savamment pour que tous ne puissent pas réagir…

Les concertations sont dites injustement nationales alors qu’elles ne sont qu'une stratégie pour endormir les consciences congolaises devant l'impasse de la gouvernance que connaît le pays. C'est donc un somnifère politique pour faire entériner de fait la révision constitutionnelle rêvée par le clan politique au pouvoir qui parle de l'inanition de la nation si tel n'était pas le cas et si Kabila ne recevait pas un troisième mandat.

La récente attaque de Goma pourrait donc trouver son essence dans cette stratégie générale d'inclure tous le monde même le M23 à ces concertations politiques. Que les congolais ne s'y trompent pas: il est quasi certain qu'une fois de plus la communauté internationale s'accommodera avec les résolutions desdites concertations telles qu'elles seront. Elle s'était déjà accommodée au trucage des élections au Rwanda et en RDC ainsi qu'aux violations massives des droits de l'homme dans la région.
On peut tromper une partie du peuple durant un temps mais l'on ne peut pas tromper tous les peuples tous les jours, dit-on. Wait and see!