mardi 15 novembre 2022

Sale temps pour les missions de paix des Nations Unies en Afrique

L’histoire d’un fiasco !

L’histoire en ce qu’elle traite de la vie des humains a quelque chose de fascinant, on la croit close, rangée dans des livres, éteinte comme un volcan et voilà qu’elle se réveille comme ce dernier. Ce qu’on croyait révolu, oublié, réapparait. "Elle a des poches pleines des ruses" disait Joseph Kizerbo. 

En mettant en place l’ONU, à la suite de la grande guerre (2e guerre mondiale), dans son essence, il était question de faire cesser les conflits planétaires et/ou à la limite d’en mitiger l’affluence et cheminer vers un monde pacifique. Cette haute instance servirait d’arbitrage des conflits entre les états pour éviter l’escalade identique à celle vécue par l’humanité en 1945. 

Si la 3e guerre mondiale a été évitée de justesse suite à la crise des missiles russes à Cuba en 1962, c’était plutôt dû aux négociations entre Nikita Khrouchtchev et JF Kennedy. Les Nations Unies ne peuvent pas gérer un conflit majeur surtout entre grandes puissances. Tout comme elles sont incapables aujourd’hui d’arrêter la guerre opposant la Russie à l’Ukraine.  Elles se rangent éventuellement du côté du plus grand payeur, les Etats-Unis d’Amérique. Déjà les conflits entre états pauvres sinon entre ethnies d’un même pays mettent les missions de paix des nations unies à rude épreuve. Le français Charles De Gaulle avait, à son époque, traité les Nations Unies de "machin", d’"une grosse boite maniée par les Américains". Avait-il raison ?

Depuis l’aube de son indépendance, l’histoire retient que le recours légitime de la RD Congo auprès des Nations Unies pour rétablir la paix n’a pas totalement apporté de bons fruits. Loin s’en faut, Dag Hammarskjöld, son ancien secrétaire général, y a même laissé sa peau dans un louche crash d’avion entre la Zambie et la RD Congo, pendant qu’il partait pour devancer la sécession katangaise. Les rébellions embrasèrent le pays après que Lumumba eut été arrêté et exécuté pendant que la mission des Nations Unies était déjà au Congo!

Encore aujourd’hui, force est de constater que les différents gouvernements de la RD Congo qui se succèdent peinent sérieusement à rétablir la paix dans la partie orientale du pays qui abrite la plus importante mission des Nations Unies avec près de 20.000 hommes recrutés de tous les horizons du monde. En effet, présente en RDC depuis 1999, cette mastodonte mission des Nations Unies n’a fait que contempler le malheur d’un peuple en détresse face aux tueries et massacres en cascade des congolais. Ce qui amènerait au congolais lambda à déduire sans équivoque que la présence des soldats de l’ONU dans un pays ne présage aucunement la paix. Y recourir ou ne pas y recourir, c’est kif-kif.

A ce sujet Human Right Watch écrit dans son rapport: "En dépit de son mandat de protection des civils (…) la MONUC n’est pas parvenue à protéger les civils lors des combats. Dans la plupart des cas les soldats de maintien de la paix n’ont réussi à atteindre la zone de conflits que quelques jours après le début des combats. La MONUC a répondu trop lentement pour sauver des vies ou dans certains cas, n’a pas répondu du tout aux attaques contre les civils."  

En 2007, la MONUC a dû redéfinir son rôle après les élections pour tenir compte du nouveau gouvernement de la RDC après les élections de 2006.

Mais pendant la même période, elle a fait face à des nombreuses allégations de corruptions dans ses propres rangs tant en Ituri qu’au Nord-Kivu où les soldats de la MONUC auraient donné des informations militaires aux FDLR et à d’autres groupes en échange d’or. 

Human right poursuit: "Le 25 novembre 2006, la cité de Sake, près de Goma, tombe sous le contrôle du général Nkunda Batware, un général  pro-rwandais. L’armée de la RDC ayant pris fuite, les soldats de la MONUC ne sont pas intervenus pour empêcher la ville de ne pas tomber aux mains des insurgés alors que la MONUC disposait d’une base à Mubambiro, à 2 kms seulement de Sake, la ville occupée." Chose incompréhensible ! 

Les habitants ont dû abandonner leurs maisons et ont exprimés plus tard leur colère en jetant des pierres sur les véhicules appartenant à ces derniers.

En août 2007, lors des combats entre les troupes congolaises et celle de Nkunda, les habitants de Goma sont descendus dans les rues pour manifester contre la MONUC qui, affirmaient-ils, n’avait pas assez fait pour résoudre le problème Nkunda.

Dans un autre rapport, Humain Right Watch stipule que, peut-être soucieuse de la sensibilité politique de la publication d’informations qui seraient vues comme critiques à l’égard du Rwanda, la MONUC n’a pas rendu public ce qu’elle savait au sujet des enfants et des adultes qui étaient amenés à traverser la frontière depuis le Rwanda pour être enrôlés dans les rangs de Nkunda. Des centaines de Rwandais ont rejoint les unités de Nkunda, puis sont devenus soldats dans l’armée congolaise. De plus, selon des officiers congolais et de la MONUC, plusieurs soldats actuellement en service, actifs dans des forces de défenses rwandaises ont été capturés au Congo, combattant dans les rangs de Nkunda .

Nous faisons ici allusions à toutes les extravagances de la MONUC, pour expliquer le ras-le-bol de la population de l’est de la RD Congo actuellement et d’ailleurs. 

Des massacres: avec ou sans la présence de l’ONU

Avant l’arrivée de la MONUC, qui se muera plus tard en MONUSCO, les massacres de grande ampleur se sont déroulés dans le Nord et le Sud Kivu. Rares sont ceux qui peuvent se rappeler du bombardement de la ville de Goma par l’armée de la RDC, sous Laurent Désiré Kabila, le 11 mai 1999 en soirée : 43 tués, principalement des civils. Le RCD (Rassemblement congolais pour la Démocratie), parti pro-rwandais, accusa Laurent Désiré Kabila de criminel, quant à Kabila, il accusa le Rwanda. Lors du massacre de Burhinyi dans le Sud Kivu le 17 mars 1999, les organisations de défense des droits de l’homme locales et étrangères imputèrent ce massacre aux militaires rwandais du RCD. Le Rwanda nia sa responsabilité, son armée étant disciplinée, dit-il. Il a déclaré néanmoins que c’était un règlement de compte entre… voleurs de bétail. Et cela dure maintenant depuis plus de 20 ans alors qu’on s’imaginait que les différentes tueries n’étaient que de momentanés dégâts collatéraux... Quelle naïveté ? Elles se poursuivent et la MONUSCO ne peut les empêcher.

Mission des Nations Unies: espoir déçu ! 

Lors du passage de l’ancien secrétaire général de l’ONU à Kigali au Rwanda, en 1999, Koffi Annan (aujourd’hui décédé) fut accusé par le parlement rwandais de n’avoir rien fait pour empêcher le génocide rwandais de 1994. En fait, la MINUAR a été incapable d’intervenir lors des massacres à grande échelle au Rwanda.

Koffi Annan se défendit énergiquement rappelant que le génocide était commis par les Rwandais et seulement par les Rwandais. Et on peut le comprendre… Mais l’on peut tout de même se demander à quoi servait cette mission! A observer ?

Plus des 20 ans après, la présence de la MONUSCO (Mission des Nations Unies en RDC, ex MONUC) suscite des questions, des voix se lèvent, et des hommes aussi, pour demander leur départ.

Le mois de juillet 2022, restera inoubliable dans les annales de la mission des Nations Unies en RD Congé, où des violentes manifestations ont été organisées dans (presque) tout l’Est de la RDC pour réclamer le départ de la mission de l’ONU, de Beni-Butembo à Uvira en passant par Goma et Bukavu.

La société civile accuse la MONUSCO d’être inefficace dans la lutte contre les groupes armés depuis plus de 20 ans.

L’impensé: des casques bleus africains non agressés, tirent sur d’autres Africains non armés!

Les braises de la colère populaire n’étaient pas encore éteintes quand les soldats dits de la paix, revenant d’on ne sait où, tirent sur deux policiers et un militaire, tous non armés, blessant aussi 15 civils.

Les faits se passent à la barrière de Kasindi, frontière entre la RDC et l’Ouganda en cette fin du mois de juillet 2022.

D’urgence, le gouvernement congolais se réunit le 1er août 2022. Le bilan est glaçant, 36 civils congolais tués et 4 casques bleus dont deux Indiens et deux Marocains auxquels il faut ajouter 70 blessés civils, des véhicules et autres biens de la MONUSCO incendiés ! 

Empêtrées dans ces rares violences meurtrières, la MONUSCO confuse, essaie de se rattraper en promettant des enquêtes et des sanctions aux casques bleus incriminés: des Tanzaniens, selon plusieurs sources concordantes. Elle fait sortir aussi de ses tiroirs un rapport de ses experts, qu’elle brandit, comme le torero agite la muleta rouge dans une arène pour attirer le taureau déchaîné et canaliser sa fureur!

Dans ce rapport dit secret, les experts de l’ONU accusent Kigali d’avoir mené illégalement des opérations militaires en territoire congolais. Ils accusent aussi Kigali d’avoir entrainé et soutenu les combattants pro-rwandais du M23 semant actuellement le chaos à Rutshuru au Nord-Kivu. Ces experts fustigent la double facette de Kigali qui souffle le chaud et le froid dans le conflit congolais.  

C’est un secret de polichinelle, mais la MONUSCO a au moins l’avantage d’être entendue par ceux qui tiennent la manche du couteau.

Des contagieuses manifestations ?

Les manifestations contre les missions des nations unies ont pris une ampleur impensée. Le 5 août 2022 des membres du mouvement anti-français “Yerewolo Debout sur les remparts” ont organisés à Bamako, la capitale du Mali, un rassemblement auquel ont participés des nombreux Maliens. Le mouvement exige le retrait de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA) critiquée pour son inefficacité par une partie importante du peuple Malien. Les militants de ce mouvement “Yerewolo” ont appelé le rassemblement “Opération Bonnets bleus”, en référence aux casques bleus de l’ONU.

"Nous devons nous rassembler et sortir massivement le 22 septembre 2022 pour libérer le pays, cela s’appelle « L’assaut final »" a déclaré Adama Ben Diarra, leader du mouvement, tout en poursuivant "Nous disons stop à une mission qui terrorise notre pays".

Mais, curieusement, comme en RD Congo, le gouvernement Malien avait peu avant exigé qu’Olivier Salgado, porte-parole de la MINUSMA de quitter le pays, "suite à la série de publications tendancieuses et inacceptables de l’intéressé".

Il lui est reproché d’avoir déclaré sans aucune preuve que "les autorités Maliennes auraient été préalablement informées de l’arrivée des 49 militaires ivoiriens par vol civil à l’aéroport international Modibo Keita, le 10 juillet 2022". 

Quant à la société civile, elle accuse la MINUSMA d’agir en dehors de la mission principale qui est de protéger les citoyens Maliens menacés par les groupes terroristes. Elle déplore l’échec de cette dernière à atteindre cet objectif, ce qui remet en cause sa présence au Mali. 

Accusée d’inefficacité, la force française, Barkhane, vient de quitter le Mali. Même chose au Burkina-Faso. Malgré la présence de la MINUSCA (Mission des Nations Unies en Centrafrique), la SELEKA, une milice réputée pour sa cruauté, serait déjà au pouvoir.

Apeuré, le gouvernement Centrafrique a dû, pour son salut, recourir à la Russie (Groupe Wagner) et au Rwanda, et ce, malgré la protestation de la France qui se voit menacée dans ses "Colonies" : La France-Afrique!

Contestée au Burkina Faso en feu, chassée du Mali par les nouveaux maîtres en kaki, l’armée française, comme les Missions des Nations Unies ne sont plus les bienvenues en Afrique, elles traversent l’orage. Sommes-nous au tournant de la fin des interventions militaires impérialistes en Afrique? Nous pouvons en douter.

Une Afrique convoitée

Les contestations ressemblent de plus en plus à celles des années 60, la veille des indépendances et les voyages de Charles De Gaulle en Algérie, en Guinée Conakry, au Congo Brazza. Comme dans les années 60, Emmanuel Macron, le Président français en tournée au Cameroun et en Guinée Bissau, vient de faire la même chose en qualifiant la Russie de "l’une des dernières puissances coloniales impérialistes". La question est de savoir qui est impérialiste et qui ne l’est pas entre les deux? Peu avant c’était Serguei Lavrov, le vieux chef de la diplomatie russe qui, en juillet 2022, visitait l’Afrique suivi en début août 2022 par la visite du Secrétaire d’état américain A. Blinken. 

Toutes ces puissances, les USA et la Russie, veulent apparemment exploiter les faiblesses et les incompréhensions de la France en perte d’influence en Afrique. Tous, avec des visées impérialistes sur les faibles pour en constituer des satellites dans une nouvelle guerre froide apparemment en gestation. 

La force BARKHANE de l’armée française au Mali n’est pas non plus parvenue à aider ce pays à sortir de la poudrière qu’elle est devenue avec ses coups d’états, ses touaregs, ses djihadistes; situation identique pour le Burkina Faso avec sa soldatesque toujours tuée en masse. 

La colère de la population de ces pays n’est-elle pas compréhensible? Depuis les années 1990, l’Afrique connait des nouveaux conflits, souvent sous forme de résurgences d’anciennes oppositions politiques ou ethniques, souvent mises entre parenthèses ou artificiellement gommées avant de resurgir plus tard, comme des volcans momentanément éteints. Voyez le Tchad !

Lancée le 12 juin 2003 en Ituri (Nord-Est de la RD Congo), face au conflit Hema-Lendu, l’opération "Artémis" avec les forces françaises à la tête de la coalition internationale par la résolution 1484 des Nations Unies sous Koffi Annan, usant du mandat relevant du Chapitre VII de la charte des Nations Unies devant faire usage de la force, avaient permis de mettre fin aux tueries momentanément, c’était un succès. Mais les conflits ont ressurgi, sont devenus plus sanglants qu’avant et le gouvernement de la RDC se montre impuissant. Même situation au Nord-Kivu et au Sud-Kivu.

Les pays africains devraient bien structurer et moderniser leurs armées à l’instar des états asiatiques. Les états doivent, et ce malgré les regroupements régionaux, se faire respecter les uns des autres, sinon se faire peur.

Il est naïf de croire que les Nations Unies peuvent par leur intervention instaurer totalement la paix. Il est doublement naïf et, de surcroît impensable, que les soldats uruguayens, pakistanais, chinois en quête de dollars acceptent de s’immoler pour rétablir la paix en RD Congo!  Certes comme force représentative de la communauté internationale, elles sont écoutées et peuvent tout autant s’imposer dans certaines circonstances mais, elles sont visiblement limitées souvent par leurs mandats et leurs pays d’origines…

Ce qui entraine des déceptions et des critiques souvent acerbes à leur encontre. En outre les contingents proviennent des divers pays souvent pauvres et reçoivent des ordres de leur pays respectifs.

De nombreux pays avec des moyens suffisants refusent apparemment d’envoyer leurs militaires bien entrainés pour éviter d’être mêlés à la soldatesque des pays pauvres gangrenés dans des conflits meurtriers récurrents.

Au bout de tout: une exhortation

En cette période où l’Afrique semble courtisée, il serait important que les gouvernements africains en profitent pour que les pays puissants interviennent directement pour imposer la paix, cette denrée indispensable pour une exploitation ‘gagnant-gagnant’ des ressources tant recherchées pour leur compétitivité stratégique. Sinon, en Afrique, la guerre a encore de beaux jours devant elle.

Si a priori, les Africains et leurs gouvernants devaient un jour prendre conscience des souffrances qu’ils se font les uns aux autres et du recul en développement que cela entraine sur le continent, ils devraient impérativement cesser des s’entretuer mutuellement car la paix durable est constamment possible. Hélas on n’a toujours pas assez de lucidité ni les moyens de reconstruire ce qu’on a détruit chez soi. Ceci, contrairement aux occidentaux, riches et habiles, qui, face à l’Ukraine en destruction, sont à pied d'oeuvre avec des experts à pied d’œuvre qui réfléchissent déjà aux plans pour reconstruire après les guerres… Il y a, dit-on, un temps pour détruire et un temps pour reconstruire!

Ne raconte-t-on pas qu’après l’échec des rencontres de paix avec Adolph Hitler en 1938, Neville Chamberlain, Premier Ministre britannique de l’époque, déclara "Il s’agit d’une querelle entre des peuples lointains dont nous ne savons rien" ? Et qui sait si les casques bleus et autres forces étrangères envoyées en Afrique ne viennent-elles pas avec ce même esprit! Mais comprennent-ils, les Africains? La réponse se trouve dans le temps.

Peut-être que les échecs des missions des Nations Unies pour la paix dans le monde et autres armées étrangères sur le continent noir leur serviront un jour de leçon et réveilleront les consciences. De plus en plus de voix se lèvent de par le monde pour réclamer la restructuration et la refonte de l’Organisation des Nations Unies afin, de lui permettre de jouer convenablement le rôle qui a milité à sa fondation.

mercredi 25 mai 2022

Déforestation et réchauffement climatique

De sommets en sommets, des montagnes de questions et une forêt d’inquiétudes!

Les réflexions sur les « agressions » subies par notre planète peuvent paraitre à certains comme un message répétitif, tellement le sujet a été abordé et traité à outrance. La terre, "notre maison commune" selon le pape François, est malmenée et son avenir ou du moins le nôtre, se trouve menacé.

Qui est l’auteur de la menace ? L’homme, l’espèce la plus prometteuse de l’univers !

Les conséquences de ces « agressions » de la terre éveillent et réveillent de plus en plus de consciences en raison de leurs impacts négatifs sur la planète et leurs effets dévastateurs. Les débats sur la destruction de l’environnement mondial deviennent une préoccupation majeure tant au niveau politique, scientifique, universitaire, qu’au sein de la société civile, incluant les confessions religieuses.

Maintenant, et avec retard je crois, car les problèmes auraient dû mobiliser tôt les consciences mais sans doute les risques semblaient lointains et peu probables. Dès lors, on vole de sommets en sommets, de conférences en conférences. Des lois sont votées, des décrets et des arrêtés sont pris par ci par là, mais la nature, n’obéit pas aux déclarations. Il faut agir …

De sommets en sommets, disions-nous!

  • En 1992, à Rio de Janeiro eu lieu « le sommet de la terre » au Brésil, la conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED). Premier sommet mondial sur le climat/déclaration de Rio.
  • En 1997, protocole de Kyoto (Japon) qui le renforce.
  • En 2002, le sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg.
  • En 2012, la conférence des Nations Unies sur l’environnement : Rio +20.
  • Les objectifs du développement durable (ODD) remplacent les objectifs du millénaire pour le développement (OMD), conférence des parties sur le climat, à Paris Cop21, en 2015 puis celle récente de Glaslow en Irlande.
Mais peu avant, l’on se rappelle de la convention de Ramsar (IRAN) signée le 2 février 1971 pour la protection des zones humides. C’est un traité intergouvernemental qui sert de cadre pour l’action nationale et la coopération internationale en faveur de la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources.

L’on peut tant se rappeler du sommet mondial de Bali en 2007 sur le climat pour donner suite au protocole de Kyoto après 2013, consistant à mettre sur pieds des dispositifs dédommageant les états qui luttent contre la déforestation ; question de rémunérer ainsi des tonnes de carbones qui ne seront pas parties en fumée, de rétribuer les déforestations évitées (1). C’est notamment la conférence de Copenhague (Danemark) qui réunissait 170 pays en 2008 et qui consistait à négocier les nouveaux engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre après 2012.
Citons ici aussi la convention sur le commerce international des espèces de la faune et de la flore sauvage menacées d'extinction (CITES) signée à Washington depuis 1973.

De l'opportunité de tels sommets/conférences


De telles rencontres sont importantes pour autant qu’elles prouvent tout au moins, la prise de conscience globale des problèmes environnementaux au niveau de la planète terre. On y prononce des discours, des textes y sont élaborés… rien de plus. Des chapelets d’intentions comme on dit. Leur application par les états signataires pose problème. Des textes élaborés par des experts, lus par une minorité d’élites, entendus par quelques-uns et jamais vus ni entendus par plusieurs.

On peut cependant s’interroger sur leur opportunité surtout pour les pays pauvres d’Afrique et d’Amérique latine. Certes les problèmes évoqués au cours de ces rencontres internationales et les décisions qui en découlent sont proposés aux états, mais sans résultat concret, sans actions concrètes conséquentes même par les états qui les ont ratifiés.

Peut-être que compte tenu de la complexité des problèmes environnementaux et la rapidité de leurs effets, les solutions ne peuvent qu’être lentes et longues à trouver dans un contexte de pauvreté, de conflit par endroit et de misère surtout pour l’Afrique.

La déforestation : préoccupation majeure lors des sommets


Depuis le début des années 2000, pratiquement chaque mois nous apporte de nouvelles données qui indiquent comment le changement climatique affecte déjà profondément et affectera davantage encore le couvert forestier mondial.

Cela est d’autant préoccupant quand on connait les multiples fonctions que représentent les forêts tant au niveau écologique, économique que social et culturel.

Des fonctions environnementales qui, à la faveur des progrès de connaissances scientifiques apparaissent chaque jour plus précieuses, innombrables et inestimable en ce qui concerne la contribution au cycle de l’eau, la régulation du climat, la protection des sols, le stockage du carbone, l’entretien et la maintenance de la biodiversité...

Sans elles, les sècheresses et les inondations s’amplifient, les terrains s’érodent, le climat se réchauffe. Sans elles, les espèces végétales et animales disparaissent (2).

Selon la Banque mondiale, dans les pays en développement, 1,2 milliards de personnes dépendent du système mondial d’exploitation agro-forestier qui favorise la productivité agricole et assurent des revenus (3).

Les forêts abriteraient plus de 80% de biodiversité terrestre, deux tiers de toutes les espèces vivantes. Et le déboisement pourrait être responsable de la disparition de cent espèces par jour selon la FAO (4).

Le réchauffement climatique : une hantise, même pour les églises


Les pays industrialisés, à revenus élevés sont responsables à 64% des émissions des gaz à effet de serre depuis 1850, mais n’en supporte les conséquences qu’à hauteur de 20% tandis que les pays pauvres d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine à l’origine de 2% de ces émissions en paient les frais à hauteur de 80% (5).

Au sommet de Copenhague en 2009, les pays Africains avaient demandé que les nations industrialisées prennent des mesures concrètes pour réduire le réchauffement à 2ºC et diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre de 25 à 4%. Mais ils n’ont pas été entendus, au vu de l’ampleur actuelle du phénomène. Les Etats Unis et la Chine, premiers pays pollueurs ne suivent guère ces mesures.

Déjà en 1971, le Pape Paul VI, un des grands porte-voix (6), avait évoqué le problème écologique, en le présentant comme une crise qui est une "conséquence dramatique" de l’activité sans contrôle de l’être humain. "Par une exploitation inconsidérée de la nature ; l’être humain risque de la détruire et d’être à son tour la victime de cette dégradation" (7)

Le Pape Jean-Paul s’est, lui aussi préoccupé de cette thématique. Dans sa première encyclique, il a prévenu que: " l’être humain semble ne pas percevoir d’autres significations de son milieu naturel que celles de servir à un usage et à une consommation dans l’immédiat". Il a appelé par la suite à une conversion écologique globale. La destruction de l’environnement humain est très grave parce que non seulement Dieu a confié le monde à l’être humain mais encore la vie de celui-ci est un don qui doit être protégé des diverses formes de dégradation (8).

Le Pape Benoit VI, lui, a proposé de reconnaitre que l’environnement naturel est parsemé de blessures causées par notre comportement irresponsable (9).

Quant au patriarche Bartholomée de l’église orthodoxe, il s’est référé à la nécessité de se repentir pour chacun de ses propres préjudices causés à la planète : " … que les hommes dégradent l’intégralité de la terre en provoquant le changement climatique, en dépouillant la terre de ses forêts naturelles, ou en détruisant des zones humides… en contaminant les eaux, le sol, l’air et l’environnement par des substances polluantes, ce sont des péchés car un crime contre la nature est un crime contre nous-même et un pêché contre Dieu.’’ (Discours à Santa Barbara, le 08/11/1997 Cité par le Pape François) L’actuel Pape François en exercice, qui a consacré toute une encyclique à la question de l’écologie, a également dit tout haut que nous devons aussi nous confesser chaque fois que nous aurons détruit ou mutilé un arbre.

Les messages d’avertissement des chefs religieux sur la destruction de l’environnement sont-ils écoutés? Parviennent-ils aux croyants et autres « personnes de bonne volonté » auxquels ils sont adressés ? La réponse me semble non !

Pour leur part, les pasteurs et nombreux autres chefs religieux semblent plus préoccupés par la prospérité matérielle, le salut des âmes que l’amplification d’interpellations sur la sauvegarde de "la maison commune". Même au sein de la toute puissante Eglise catholique, peu d’allusions faites dans les différentes homélies sur les messages d’avertissements des souverains pontifes, messages liés aux dangereux phénomènes du réchauffement climatique! Et les rares fois où le problème est évoqué, c’est du bout des lèvres. Néanmoins, à Bukavu, Mgr l’archevêque avait exhorté à chaque famille de planter au moins un arbre dans sa parcelle…

Ainsi, les acteurs du changement à la base sont privés de l’accès à l’information sur les dangers réels que présente la destruction de l’environnement. Reste les "privilégiés", des gens au "sommet" qui sont souvent sans relai avec la base, les populations rurales pauvres, victimes innocentes des conséquences des changements climatiques provoqués par les riches.

Des montagnes de questions


Pauvreté et destruction de l’environnement


Les forêts d’Amazonie et celles du bassin du Congo en Afrique centrale sont, nous dit-on chaque jour, les "poumons du monde". Elles sont aujourd’hui menacées par le déboisement.

L’ampleur de la déforestation s’apparente à un désastre écologique et social : 130.000 km2 par an, 13 millions d’hectares déboisés par an, soit plus de quatre fois la Belgique, un quart de la France (FAO, 2007).

Sont particulièrement concernées : l’Amazonie, l’Afrique centrale et l’Indonésie. En cause, la survie des pauvres, l’industrie agroalimentaire et forestière ainsi que le consumérisme des riches (10).

En RD Congo, en Afrique centrale, les paysans, en quête de terres agricoles ne connaissent pas les frontières.

En effet, ils n’ont pas d’autres alternatives offertes pour la survie et deviennent sans le savoir, les prédateurs inconséquents d’écosystème dont ils sont ensuite les premiers à payer la dégradation. La pression des pauvres sur les forêts à la recherche des moyens de subsistance s’accroît inexorablement du jour au jour.

Pour s’en apercevoir, il suffit par exemple de parcourir les territoires de Fizi, Mwenga, et Shabunda en province du Sud Kivu. N’eut été l’instauration des parcs et la crainte des groupes armés dans les forêts de l’Est de la RD Congo, auxquels il faut greffer l’absence de routes, je crois que les forêts congolaises de l’Est auraient en grande partie disparu depuis longtemps.

La réserve de chasse de la Lwama/Fizi, la réserve naturelle d’Itombwe (RNI) entre Fizi et Mwenga et le Parc national de Kahuzi Biega (PNKB) entre le territoire de Kabare et Shabunda sont désormais des "îlots de forêts".

Le déboisement irrationnel s’observe aussi à la lisière de la forêt du Mayumbe au Congo central, après la ville de Matadi à l’Ouest du pays où l’on voit, à perte de vue, des "arbres orphelins" de la forêt primaire, comme les appelle les tribus Ntumu du sud du Cameroun. Ce sont des arbres laissés par les paysans après la dévastation d’une forêt en vue d’assurer la régénération de celle-ci lorsque les champs retournent en jachère (11). Les auteurs de ces saccages écologiques se rendent-ils compte des externalités négatives de ce déboisement en termes de dégradation des écosystèmes et de perturbations climatiques? Non évidemment !

RD Congo: quand le mauvais exemple vient d’en haut


C’est connu et les estimations convergent. La déforestation, à son rythme actuel est responsable de 20 à 25% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, principale cause du réchauffement de la planète. Dans les pays tropicaux d’Afrique et d’Amérique latine, 35% des émissions sont dues aux déboisements et jusqu’à 65% dans les régions les plus pauvres. Ce déboisement déploré n’est pas seulement alimenté par la pauvreté, il est aussi dû à une quasi absence de l’état ou son caractère mafieux et/ou les deux à la fois, ainsi qu’à l’absence des moyens et une forte corruption qui laisse les coudées franches aux entreprises forestière détentrices des confortables concessions. Selon l’économiste Alain Karsently du centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) (1&) : "le niveau élevé de la corruption et l’implication personnelle fréquente du milieu politique et administratif dans l’économie forestière minent le système de régulation".

En RD Congo, cela peut se vérifier si l’on se fie aux rapports des médias.


Personne ne connait la suite réservée au directeur de Cabinet du Ministre de l’environnement Madame Eve Bazaiba en charge du secteur forestier. Ce directeur de cabinet aurait vendu des concessions forestières à des multinationales à l’insu, semble-t-il, de la Ministre de tutelle qui l’avait dénoncé et diffusé sur la radio Okapi en date du 11 février 2022.

Tout récemment, mardi 29 mars 2022, la Radio France Internationale captée à Bukavu à l’est de la RD Congo, a déclarée avoir eu accès à des documents secrets selon lesquels, il y a deux ans, le président de la RDC en exercice, Félix A. Tshisekedi aurait procédé à la vente, de gré à gré, des concessions forestières à des étrangers. Incroyable !

Mais, peut-être se disent-ils comme l’ancien Président du Brésil Lula Da Silva, « Les pays riches sont malins, ils édictent des normes contre la déforestation après avoir détruit leurs propres forets ». Lula s’appuyait sur une étude réalisée par l’institut Brésilien de recherches agronomiques (Embrapa) où il était démontré que l’Europe n’a conservé que 0,3% de forêts existantes il y a 8000 ans contre 69% au Brésil (Le Monde du 1er Mars 2007).

Tout récemment, le ministre Britannique du secteur a parlé de l’opacité dans la gestion du secteur forestier en RDC. Mais, selon la presse congolaise, la palme d’or des Ministres ayant vendu illégalement le plus de concessions forestières revient à monsieur Claude Nyamugabo Bazibuhe ancien gouverneur du Sud-Kivu et dernier ministre de l’environnement de Joseph Kabila. Sur une période de 6 ans, soit de juillet 2014 à mai 2020, le ministère de l’environnement et du développement durable a connu 5 ministres et un intérimaire. Et tous sans exception se seraient compromis, d’après l’inspection générale des finances (IGF).

« Entre septembre 2019 et mai 2020, en violation du code forestier et du moratoire, Nyamugabo avait vendu en procédure de gré à gré 11 concessions forestières. Toutes ces transactions sont considérées comme étant des actes de cession, location d’échange ou même de donation entre concessionnaires, et pourtant c’était des nouvelles ventes », lit-on dans ledit rapport (12).

En 2e position, vient Amy Ambatobe Nyongolo, Ministre de l’environnement dans le gouvernement Tshibala. Actuellement, député national comme Claude Nyamugabo. L’IGF lui reproche d’avoir bradé 7 concessions forestières sous mode de gré à gré, au grand dam du trésor public et des communautés locales.

Vient en 3e position Robert Bopolo Bogeza, Ministre de l’environnement pendant 1 an et 3 mois dans le gouvernement Matata 2. L’IGF lui reproche d’avoir vendu illégalement 5 concessions forestières sans que le trésor public et les communautés locales n’en tirent un rond.

Le suivant en termes de nombre de concessions bradées est Bienvenu Liyota. Il fut ministre de l’environnement pendant 9 mois et 17 jours, également dans le gouvernement Matata 2. Il lui est reproché à son tour d’avoir vendu 3 concessions forestières du domaine privé de l’Etat sans que le trésor public n’en tire aucun bénéfice. Liyota est actuellement député national.

Grace à l’alchimie électorale de 2018 et des solides piliers financiers dans les régimes successifs, tous se sont mués en députés nationaux pour obtenir une immunité en cas de poursuite judiciaire (incertaine bien sûr, mais on ne sait jamais !).

Malgré ces abattages impitoyables et illégaux des forêts par ceux qui avaient la charge de les protéger, aucune poursuite judiciaire à leur endroit. Comment ne peuvent-ils pas songer à installer des pépinières d’arbres dans différentes chefferies et secteurs de leur pays et atténuer un tant soit peu ainsi les conséquences climatiques et économiques de leurs crimes ?

Revenant sur le rapport d'audit de l'Inspection générale des finances (IGF) qui accable la gouvernance forestière en RDC de 2014 à 2020, Eve Bazaiba, actuelle Ministre de l’environnement, a annoncé la suspension de tous les contrats indexés par ledit rapport. Ce qui est encourageant.

Il s’agit de concessions forestières d’une superficie de1.966.630 hectares (aux bas mots)! 5 de ces 12 concessions avaient été attribuées à la société Maniema Union du puissant Général Gabriel Amisi dit Tango Fort, des Forces armées congolaises, très proche de l’ancien Président Joseph Kabila (13). En 2005, 103 entreprises forestières avaient reçu des concessions comprenant 14,75 millions d’hectares de forêts (14).

En somme, d'après l'IGF, 18 concessions forestières du domaine privé forestier de l'Etat avaient été vendues illégalement entre 2014 et 2020 par les ministres successifs de l'environnement. Ceci en violation du code forestier et du moratoire (15). Et, on en est là, en RD Congo !

En Amérique latine, l’appropriation des terres par la corruption, l’intimidation et la falsification des titres de propriété forestiers est tellement répandue qu’elle porte le nom de « Grilagem » du mot portugais « grilo » ou alors criquet.

Au fait, ceux qui s’y adonnent « les grileiros » sont connus pour leur talent à faire vieillir prématurément des faux titres de propriété dans les tiroirs où ont été placés des criquets affamés (16)!

On n’arrête pas le progrès !

Une forêt d'inquiétudes: les défis


L’accord de Paris sur le climat adopté en 2015 et signé par 192 pays a marqué, une étape importante des négociations climatiques, c’est le premier accord international destiné à réduire le gaz à effet de serre (GES).

Les projections actuelles prévoient que nos émissions grimperont jusqu’à 59 gigatonnes (GT) en 2030 si aucune mesure n’est prise d’ici là pour le limiter. Or le scénario raisonnable pour limiter le réchauffement sous le seuil de 2°C prévoit une baisse des émissions jusqu’à 42 GT, soit 17 milliards de tonne de différence.

Comment y arriver ? Les Etats sont des acteurs mais les populations ne voient aucune mesure d’application pour l’atténuation du phénomène. Quand agir et comment ?

Au niveau mondial, selon plusieurs sources, la gouvernance environnementale malgré les nombreux sommets et conférences, se heurte à divers défis comme :
  • L’existence des structures parallèles et concurrentielles ;
  • Des contradictions et des incompatibilités entre acteurs ;
  • La concurrence entre multiples accords provenant d’organisations différentes et comportant des objectifs, des règles et processus différents.
  • Le chainon manquant entre l’échelle mondiale et l’échelle locale etc.
  • L’apparent consensus dans la mobilisation mondiale pour atténuer le réchauffement climatique en préservant les forêts est lourd de contradictions et d’intérêts antagoniques lorsqu’il n’aggrave pas lui-même le problème (17)« Lorsqu’on est dans l’urgence, on se passerait bien de ces sommets aux moissons si médiocres » disait Nicolas Hulot de Ushuaia nature sur TF1, critiquant les sommets de Rio et celui de Johannesburg (18).
En outre les forêts ne font pas partie des biens publics mondiaux. Elles sont soumises à la stricte souveraineté des Etats. Un pays peut actuellement laisser détruire ses forêts pour la production du biocarburant ou pour l’exploitation illégale du bois. La question d’une gouvernance mondiale des forêts se pose de plus en plus (19); Gouvernance difficile à réaliser suite à la souveraineté des états sur les forêts comme ci-dessus évoqué !


En définitive


Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, la déforestation est une question très complexe dont les solutions ne peuvent être simples. Il est utile d’investiguer à plusieurs niveaux pour une combinaison d’approches pouvant permettre une utilisation efficiente des ressources forestières pour une meilleure rentabilité.

Quoi qu’il en soit il faudrait 3 niveaux d’intervention : la communauté internationale, les états avec leurs services compétents en la matière et enfin le niveau de base constitué des collectivités rurales et de la société civile.

Le chainon manquant entre le sommet au niveau international et national avec le local reste un problème.

La prise de conscience des problèmes climatiques devrait être une préoccupation majeure pour toute l’humanité et cela à tous les niveaux.

L’humanité semble progresser en se blessant elle-même. La guerre en Ukraine fait déjà planer le péril atomique, un spectre de l’auto-destruction.

Si elle en échappe, un autre péril de l’auto-destruction l’attend, celui du réchauffement climatique planétaire en cours.

Dieu, dit-on pardonne toujours, l’homme parfois, la nature jamais !

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(1) Bernard Duterme, Déforestation causes, auteurs et enjeux, Alternative sud, vol 15, 2008
(2) Rapport du CIRAD, 2008
(3) Rapport de Banque mondiale, 2004
(4) www.FAO.org, forestry, www.worldbank.org, forests and fofestry cité par Bernard Duterme, Alternatives sud nº15-2008, P8
(5) Banque mondiale, Rapport annuel, 2010
(6) Ceci suite à la grande audience de l’Eglise catholique de par le monde.
(7) Lettre apostolique, octogesima adv.,14/05/1971, cité par le Pape François in Laudato Sii, lettre encyclique, P8, 2015
(8) Saint Jean Paul II, cité par le pape François, in loué soit tu, Ed. Salvar, P.8, 2015
(9) Benoit VI cité par le Pape François, Op. Cit.
(10) Bernard Duterme, Deforestation : causes ; acteurs et enjeux. Alternatives sud vol 15-2008 p 7
(11) Alain Karsenty, Déforestation, Alternatives sud vol 15
(12) Rapport de l’inspection générale des finances, mashariki RDC, https://masharikirdc.net/?p=15131, du 6 avril 2022
(13) www.7sur7.cd du 27 Avril 2022
(14) World rainforest movement, Bulletin no117 ,2007
(15) Eve Bazaiba, 7SUR7.CD, https://www.7sur7.cd/2022/04/13/rdc-eve-bazaiba-annonce-la-suspension-des-contrats-de-concessions-forestieres-indexes, du 13 avril 2022
(16) National Geographic,2007
(17) Bernard Duterme,ibidem,p .27
(18) Nicolas H in Jeune Afrique no 2210, Mai 2003, P 107
(19) CIRAD,2007, op cit

mardi 19 avril 2022

Grands Lacs africains, intégration régionale : une stratégie de développement socio-économique ou une facette du rapport dominant-dominé?

Aperçu

« Pour le sociologue Pierre Bourdieu, la prise en compte de la dimension symbolique de la réalité sociale est nécessaire pour comprendre les modes de domination et pour y déceler les formes de 'violence symbolique' qui produisent, chez le dominé, l'adhésion à l'ordre dominant. Cette adhésion est typiquement définie par un double processus de reconnaissance de la légitimité de l'ordre dominant et de méconnaissance des mécanismes qui font de cet ordre un mode de domination. La sociologie de Pierre Bourdieu(1) se présente parfois comme une sorte de 'socio-analyse', équivalent social de la prise de conscience ou de l'objectivation de rapports de force cachés ou refoulés.»

A la lumière de cette pensée de Pierre Bourdieu, l’intégration régionale pour les Grands Lacs ne risquerait-t-elle pas de servir de lit à ce processus de reconnaissance par les dominés de la légitimité de la domination pour se retrouver dans ce concept évoqué de « violence symbolique » ou, a contrario, par effet inattendu, occasionner à la longue une frustration susceptible d’alimenter l’agressivité sous l’une ou l’autre forme?  Voyons voir !

Intégration régionale: de quoi parle-on?

Après la guerre mondiale, l’avis des idéologues sur l’approche « d’intégration régionale » était que la coopération économique serait au final un gage de stabilité, donc de sécurité pour les états qui se seraient initialement fait la guerre… Ici, faisant valoir soit des alliances dont la finalité première serait de garantir la sécurité collective des membres qui se donnent pour but la recherche d’une union économique soit que, d’autre part, des unions contractées sur la base de la coopération économique tendent à une intégration politico-militaire(2). Du coup, nous pouvons réaliser que, de par le monde, ce double privilège aurait inévitablement milité à la concrétisation d’ensembles sous-régionaux appelés à travailler à leur revitalisation et à soutenir la mise en œuvre d’objectifs communs de développement économique.

Faisant l’apologie de l’intégration régionale, pour Pathé Mbodje(3) «l’appui à la recherche de la paix dans les zones encore en conflit en Afrique démontre que, de l’Ouganda au Mali, les conflits retardent la coopération transfrontalière en Afrique et accentuent non seulement la faiblesse du commerce intra-africain, mais aussi la coopération décentralisée, base de la démocratie.»
C’est fort de la sommation de toutes ces pensées qu’ont finalement vu jour dans les quatre coins de la planète les différentes alliances politiques et militaires tel l’OTAN, l'UE, l'UA, l'OEA, la CEMAC, la CEDEAO, l'OPEP, la CEEAC (communauté économique des Etats de l’Afrique Centrale), en vue de se sécuriser mutuellement… 

Sur le continent africain, la coopération s’est également organisée à l’échelle sous-régionale. Les pays de la zone franc sont ainsi réunis au sein de l’Union Douanière des États d’Afrique Centrale (UDEAC) et de la Communauté Economique d’Afrique de l’Ouest (CEAO). Les pays de l’Afrique des Grands Lacs ont leur propre Communauté économique. L’Afrique australe s’est structurée autour de la Communauté pour le Développement du Sud-Africain (SADC) depuis la réintégration de l’Afrique du Sud dans le concert africain au terme de l’apartheid. La SADC entend dépasser sa stricte vocation économique pour devenir une force diplomatique régionale à l’image de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), formée autour du Nigeria. La CEDEAO n’est pas parvenue à développer l’intégration économique de ses membres, elle s’est par contre affirmée comme une instance de médiation dans les conflits locaux telle qu’elle a constitué une force d’interposition au Liberia (Ecomog).  De son côté, la RD Congo fait partie de nombre de ces grands regroupements sous-régionaux : SADC, CEPGL, UDEAC, CEMAC, BDEGL, IRAZ, SINELAC et tout récemment de l’EAC(4) (East African Communauty)…

Partant de cela, force est de faire remarquer que l’un des principaux défis qui se posent aux communautés économiques régionales de l’Afrique dans la matérialisation de leurs programmes d’intégration est l’appartenance des pays à plusieurs ensembles sous-régionaux en même temps. Ce qui n’est toujours pas évident d’organiser adéquatement ce qu’ils ont de commun avec les uns sans les autres…
Enfin, bien au-delà des considérations économiques, politiques et sécuritaires, l’intégration régionale serait à la base d’enrichissements spirituels, moraux et matériels tant que dans l’acceptation de différences des uns et des autres il y a lieu de constituer « une base du donner et/ou du recevoir » pour les parties prenantes et donc, une raison évidente d’épanouissement, d’inclusion, que dire, sinon une raison d’affirmation de soi tel que repris sur l’échelle graduelle de Maslow(5) … Ce faisant, l’élan de solidarité et de complémentarité devraient être le substratum de toute intégration régionale.

Dans les stratégies de la réduction de la pauvreté, Ntamahungiro (2008) propose une série de solutions pour éradiquer la pauvreté en Afrique dont notamment (7e stratégie) celle de convaincre les responsables que la survie de leurs peuples et de leurs pays passe obligatoirement par la création de grands ensembles forts à l’image de l’Union Européenne.

Mais d’emblée, si dans les Grands Lacs africains au sein de la CEPGL/CIRGL cet élan de solidarité est des fois plus perceptible dans les relations bilatérales entre les Burundais et les Congolais; tel n’est toujours pas le cas entre le Rwanda et la RD Congo. Les populations congolaises frontalières se plaignent de subir plus rwandais que le Rwanda ne subisse congolais! Partant d’une toute petite observation, l’ampleur des transactions commerciales entre rwandais et congolais vont presqu’en "sens unique" et, même culturellement, on constate que les musiques et cultures rwandaises et ougandaises envahissent de plus en plus la partie Est de la RD Congo et que, paradoxalement, ce sont les congolais qui sont plus enthousiastes à épouser les rwandaises que les rwandais n’épousent les congolaises. 

Intégration régionale dans quel contexte socio-politique de base pour les Grands Lacs africains ? 


Au temps des colonies en Afrique, le Rwanda et le Burundi faisaient partie intégrante d’un même consortium belgo-germanique. La littérature existante retrace clairement une histoire commune aux trois pays. Cette histoire est ponctuée de guerres cycliques particulièrement entre les deux ethnies Hutu et Tutsi à telle enseigne qu’il a été reproché au colonisateur belge d’avoir mis en place une stratification ethnique Hutu-Tutsi pour identifier ces communautés indigènes…
Par la suite, sont successivement intervenues les indépendances respectives des trois pays dont la RD Congo en juin 1960, le Burundi et le Rwanda en 1962. Désormais sevrés, avec des prérequis spécifiques à chacun, ces trois pays ont dès lors pris chacun leur trajectoire afin de se constituer une identité propre en tant qu’État à part entière. De là, on pourrait certainement déduire que l’embryon de la CEPGL comme ensemble sous-régional aura germé des cendres de cette troïka “Congo Belge, le Rwanda et le Burundi” pour enfin engendrer ce qui, plus tard s’identifiera comme la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs.

Toujours pendant ces temps-là, l’histoire renseigne toujours qu’en marge de l’ethnie Twa(6) minoritaire, les Hutus et Tutsis, qui tous deux ensemble englobent près de 97% de la population rwandaise et burundaise, se sont distingués par d’interminables guerres fratricides pour imposer une suprématie hégémonique. Ils ont excellé par un leadership politique ethnique viscéralement intolérante les uns envers les autres. Le génocide des rwandais en 1994 est une expression éloquente d’une extrême animosité des uns contre les autres. Hélas, des centaines de milliers de rwandais, toutes tendances confondues, ont péri et des lourdes répercussions ont débordé de leurs frontières pour la RD Congo qui, au cours de ces guerres répétitives aura, par hospitalité, accueilli en refuge, à tour de rôle, tantôt les Tutsis (1959-1960) tantôt les Hutus (1994) pourchassés. Pour cet accueil, la RD Congo a payé le prix fort contre cinq à huit millions de vies congolaises selon différents rapports des ONG et des Nations Unies. Après cette hospitalité, une instabilité permanente s’est installée dans l’Est de la RD Congo et elle s’entretient continuellement au travers d’interminables incursions, des guerres et rébellions appuyées ouvertement par ces voisins... Déjà près de trente ans durant, ces pays voisins ont agi tantôt sous couvert du RCD, CNDP, M23 et des fois par le recyclage des FDLR/Interhamwe rapatriés au Rwanda par le DDRRR des Nations Unies. En ces moments, des cohortes sont encore actives sur les fronts militaires dans les rangs des rébellions, dans les villages du Kivu, les carrés miniers de l’Est de la RD Congo… 

Le sempiternel pouvoir rwandais conduit par Paul Kagamé à partir de 1994, est le tout premier depuis l’indépendance, piloté par une ethnie minoritaire. Du côté burundais, Pierre Nkurunziza, de l’ethnie majoritaire a été désigné Président de la transition suite à un arrangement au terme d’un compromis politique conclu d’abord à Arusha et finalisé à Bujumbura sous la médiation internationale de Nelson Mandela. L’accession au pouvoir et sa gestion au Rwanda et au Burundi s’est passé de toute élégance des règles de jeu d’une Démocratie moderne. Et, du coup, on peut comprendre tout le forcing qu’ils ne sourcillent à envahir la partie Est d’un état membre partageant un même regroupement sous-régional. Ils n’hésitent pas à alimenter des conflits armés qui occasionnent des dégâts aux conséquences désastreuses par des cycles d’ensauvagement, par la prolifération de groupes armés transnationaux, de vols et crimes transfrontaliers, de pillages récurrents des biens et ressources naturelles, de violences sexuelles, de massacres, de déplacement des populations, de traitements indignes, humiliants et dégradants, de l’interférence et de l’ingérence flagrantes dans les affaires intérieures de la RD Congo… Tel est le contexte ambiant de l’intégration régionale dans l’espace des Grands Lacs africains. 

L’escalade de 1998 avec l’avènement du RCD appuyé par le Rwanda venait de violer l’article 1er de l’acte fondateur de la CEPGL. Les trois pays, avec un passé partagé et une histoire aux fortes similarités en tant que membres, n’ont ni sécurisé ni empêché l’invasion. C’est ainsi que la recherche des solutions durables dans les Grands Lacs s’est prolongée sur un ensemble régional beaucoup plus vaste de 11 états(7) dits de la CIRGL(8). Malgré la position géographique et l’immensité de la RD Congo, sa démographie, l’importance de ses ressources naturelles potentielles, la RD Congo est restée le maillon faible de l’ensemble au point où, pour lui restituer sa paix arrachée, il aura fallu et il faut encore et toujours davantage, une pression insistante de la Communauté internationale. (Etats-Unis, Belgique, Union Européenne, UA…). Toutes les initiatives de développement, de paix et de sécurité ont dû être menées sous l’égide et sous la pression et les menaces de la communauté internationale et des fois appuyées d’ultimatums de ruptures de partenariats financiers. Les plaidoyers de haut niveau de la Société Civile et les grandes ONG internationales poussant sans relâche sur l’accélérateur n’ont pas suffi. L’expression palpable de cette affirmation demeure sans conteste la résolution 2098 et l’accord cadre d’Addis-Abeba qui ont mis fin au M23 en 2013. Ce trinôme composant l’ensemble sous-régional ne pouvait à lui seul être en mesure de solutionner toutes ces questions sécuritaires, économiques, et politiques pourtant l’élément-clef à la base d’un besoin de l’Intégration régionale pour les Grands Lacs africains. Cela parce qu’en sourdine dans le chef de certains états-membres de l’union larve l’idéologie d’asservissement, d’hégémonie, de prédation, d’accaparement bref de domination. 

Enfin, tant que les acteurs sur terrain feront partie des problèmes à résoudre que de la solution à trouver, tant qu’ils seront à la fois juges et parties, en même temps pyromanes et sapeurs-pompiers tel qu’il a été plusieurs fois constaté au cours des dernières années, les issues d’une intégration régionale pour la Région auront encore une fois cautionné la relation “dominant-dominé”.

Intégration régionale: marché de dupes pour les uns, agenda caché des alliés, complicités du public

C’est certainement suite à une fausse identification des causes et motivations réelles des problèmes dans les Grands Lacs africains qu’au nom d’une Union régionale dans les Grands Lacs africains, on est passé de réunions en réunions sans résoudre les problèmes. Ce manège a réellement obstrué les bonnes voies de l’intégration régionale pour les Grands Lacs africains.

En effet, la principale cause exogène des guerres successives sur la RD Congo par ses voisins a sans conteste comme face cachée l’accaparement de ses richesses. Pour faire la paix, des propositions de projets intégrateurs dans l’économique dont, la pacification et la cohabitation, les recherches en science agronomiques, dans les infrastructures avec le Corridor Nord sont mises en œuvre etc. Cependant, par des actions téléguidées, malgré ces projets intégrateurs, le Rwanda s’est vite retrouvé de plain-pied dans l’appui à des groupes armés en RD Congo tel les FDLR recyclés, le CNDP, les M23… C’est ainsi que pour rebondir sur les questions sécuritaires on est arrivé à des propositions du genre: "Si vous voulez la paix, partagez vos richesses avec les voisins"(9) . C’est le début de la formule de l’intégration régionale sous un fond de vives tensions. Ici, les questions de fond ont refait surface et l’intégration régionale pour les Grands Lacs sera entendue comme acceptation de partager la pauvreté des voisins pauvres et la richesse de la RD Congo riche sous peine de raviver la guerre et les conquêtes. Et donc l’issue imposée résiderait en la résignation pour le prix de la paix. Plus grave, on a été obligé de sacrifier la justice au prix de la paix. 

A cette allure, pour la paix, denrée précieuse, la RD Congo devra partager son or, son coltan, son cuivre avec ses conquérants, ses forêts, son eau/électricité jusqu’en Egypte, en Tanzanie, et donc aller jusqu’à renoncer à une partie de sa souveraineté, la laisser à des états susceptibles de lui retourner le canon à tout reniflement. 

Pourtant pour les petites populations frontalières, avec ou sans les accords d’union, elles collaborent dans tous les sens par le commerce et les échanges transfrontaliers de petite envergure bien sûr, et parfois non structurés. Attention, si ces échanges ne se font pas en sens unique du côté burundais, et dans la moindre mesure du côté ougandais, cela ne l’est pas du côté rwandais. Les Rwandais envahissent littéralement l’Est de la RDC avec tous leurs surplus et avec toutes leurs méchancetés. (Le Rwanda-Burundi-Ouganda-Tanzanie et le Kenya sont dans un ensemble sous-régional où n’était pas la RD Congo jusqu’à ce jour… ainsi les produits atterrissaient (transitaient) dans ces états pour entrer en RD Congo au nom du commerce transfrontalier avec combien de manque à gagner pour le gouvernement…)

Jusqu’à ce jour les rues de Bukavu sont pleines de marchands ambulants rwandais avec toute sorte de pacotilles faisant du porte à porte en train de vendre lait, alcool, savons, poissons, médicaments, parfums, aphrodisiaques, objets scolaires dans les quartiers, les bureaux, les institutions et services à longueur de journées. Ils affluent comme ouvriers de chantiers, chauffeurs moto taxis, servantes de bars, de bistrots et restaurants et encore que la qualité n’est pas vérifiée. Chose qui ne peut se réciproquer! Une alerte est présentement en circulation sur les réseaux sociaux pour mettre en garde contre la propagation du VIH à partir de ces jolies prostituées rwandaises et burundaises qui envahissent la ville de Bukavu. Réciprocité impossible car même en transitant par le Rwanda en venant du territoire d’Uvira dans le Sud de la Province, étaient déversés dans la Ruzizi les produits alimentaires achetés à partir d’Uvira. Tel n’est pas le cas quand les congolais prennent le bus à partir de Bujumbura pour traverser le Rwanda afin d’arriver à Bukavu.

Ce jeu d’intégration a permis aux pays voisins, en l’occurrence le Rwanda, de tricher sur leurs identités dans le but de s’arroger certains avantages dans certaines instances décisionnelles de la RD Congo. Un bon nombre de sujets rwandais disposent aujourd’hui des cartes d’électeurs congolaises, le seul document d’identité.

Une intégration sans harmoniser certaines lois tout en ne brisant pas l’identité des uns et des autres, relèverait bien d’un agenda caché sur le long terme. A ce sujet, on sait que sur la double nationalité la constitution rwandaise est taillée sur mesure pour contourner les lois congolaises… La loi sur le commerce transfrontalier qui pousse à des taxes exorbitantes en RD Congo favorise l’entrée des produits rwandais sur le marché de la RDC. Elle a poussé à la fermeture des unités de production congolaises pour laisser libre champ à l’entrée des produits concurrents. 

La coopération militaire et judiciaire n’a pas facilité la traque des criminels au Congo car ces derniers sont gardés et bien protégés par le Rwanda jusqu’à cautionner une “Exportation de la criminalité frontalière”. Le cas de Laurent Nkunda, Jules Mutebusi, Jean-Marie Runiga, Baudouin Ngaruye, Eric Badege, Innocent Zimurinda en sont une illustration…

Intégration régionale: deal des dirigeants, humiliation et/ou frustration de la population

La fin tragique du président hutu rwandais Habyarimana en 1994 suivie de l’affaiblissement progressif de son ami le maréchal Mobutu en 1996 ont, non seulement permis la capture du pouvoir par la minorité tutsie au Rwanda, mettant de facto un terme au temps de gloire de la CEPGL. Mais aussi, dès lors qu’une coalition venait d’être montée par le Rwanda et le Burundi et qui attaqua militairement son voisin la RD Congo, au mépris de l’article 1er de ses textes fondateurs, la CEPGL venait de s’auto-suicider et l’intégration régionale dévoilait ses limites et la face cachée de la domination. 

La remise en question de la raison d’être de la CEPGL comme instance sous-régionale de règlement de questions sécuritaires et économiques n’avait plus aucun prétexte. Nonobstant cela, devant pareil tableau, Louis Michel, à l’époque député européen, ne s’empêcha, sans état d’âme, d’insister sur la continuation des objectifs assignés à cette instance, la CEPGL.  A son tour, le Président français Nicolas Sarkozy renchérit du haut de la tribune de l’Assemblée Nationale de la RD Congo que si la RD Congo voulait la paix, elle devrait consentir à partager ses richesses avec ses voisins, en l’occurrence, le Rwanda… 

Certes, comme dit en relations internationales qu’il n’y a pas d’actions sans intérêt, quels seraient dans ce contexte précis les intérêts de la RDC avec le Rwanda? Sinon la paix, fruit d’une résignation du dominé face à un rapport de force militaire imposé sur le terrain.  

Pour les populations congolaises, ses dirigeants n’ont jamais exprimé la moindre désapprobation de tous ces abus car, estiment-elles, ces derniers usent du jeu de l’intégration régionale pour se maintenir au pouvoir. Si on reconnait que la vraie apogée de la CEPGL fut au temps fort de l’amitié entre Habyarimana et son homologue Mobutu Sese Seko et pourquoi celle de la CIRGL ne pourrait-elle pas tenir sur l’amitié de Joseph Kabila avec Paul Kagamé et celle d’aujourd’hui de Fasthi avec Paul Kagame? 

A ce sujet, l’Opposition et la Société Civile congolaise n’ont jamais cessé de dénoncer l’hypocrisie et la duplicité des dirigeants congolais face à ces questions d’intégration. On avait montré que le point du désaccord entre le pouvoir de Joseph Kabila avec son ex-ami personnel Vital Kamerhe, en ces temps-là président de l’Assemblée Nationale et aujourd’hui président de l’UNC, relèverait des arrangements du dessous de table entre le Président Kabila et Paul Kagamé. Il s'agissait de faire entrer les troupes rwandaises sur le territoire congolais au prétexte malheureusement contesté de venir pour la traque de leurs frères ennemis les FDLR.

Si, sous d’autres cieux, l’intégration régionale au travers des ensembles régionaux a su ramollir nombre d’animosités entre états ou permis de bannir quelques rivalités, l’intégration de la région des Grands Lacs avec la CEPGL n’a aucunement profité à la population congolaise mais elle a plutôt été l’occasion d’humiliation et de dures frustrations à longueur de journées jusqu’à poser des questions banales du genre:

  • "A quoi aura servi l’appartenance de la RD Congo à la CEPGL quand le Rwanda et le Burundi ne pourraient s’empêcher de coaliser (de 1994 à 2014) pour attaquer et opérer à ciel ouvert en RD Congo jusqu’à causer des dégâts sur son voisin alors que l’article 1er de cette instance stipule qu’aucun pays ne pourra attaquer l’autre ?"  
  • "A quoi aura servi l’appartenance de la RD Congo à une CIRGL où on sait que le Rwanda, le Burundi cette fois renforcés par l’Ouganda s’activent constamment à monter des milices, des groupes armés en territoire congolais pour déstabiliser un pays membre du même regroupement et, au final, se pointer comme médiateur pour les conflits qu’ils auraient eux-mêmes attisés et soutenus ?"

C’est ici l’occasion de survoler en passant quelques murmures pour nombre d’humiliations subies à longueur de journées par des populations locales à la frontière des trois pays qui font partie tant de la CEPGL que de la CIRGL.

  • La question du courant électrique produit par la SNEL (Société nationale) partagé par SINELAC (société sous-régionale) qui est servi 24h/24 au Rwanda et au Burundi pendant que les populations du Nord et du Sud-Kivu passent le gros de leurs semaines dans l’obscurité sous le phénomène appelé délestage! Les rares fois où le courant est rétabli, on entend des acclamations dans les quartiers populaires.
  • Les usines et autres entreprises locales de production tel, la cimenterie de Katana, la tôlerie industrielle du Kivu (TOLINKI), les petites unités de production brassicoles Momberg, de l’eau minérale ‘Rafiki Maji Safi’ et bien d’autres, ont été asphyxiées par des taxes, par de multiple impositions et autres tracasseries administratives de tous genres pour finalement laisser libre champ à l’entrée massive des produits concurrents rwandais, burundais et ougandais sans des droits d’entrée, mettant ainsi à mal le fonctionnement toute entreprise locale astreinte à une concurrence de produits venus de l'extérieur!

"Devant cette situation particulière, les entrepreneurs et/ou tout investisseur en RD Congo, coincés, sont contraints de développer des attitudes et comportements qui dans l’ensemble n’avantagent pas l’Etat congolais en quête de moyens devant propulser le développement promis aux populations locales! Ces derniers optent soit pour la fermeture de leurs unités de production existantes au pays pour les placer dans d’autres pays de la région et utilisent pour ce faire une main d’œuvre étrangère alors que la RD Congo connaît un taux de chômage élevé. Ceux qui ont opté pour cette première alternative se félicitent sans remord d’avoir ainsi valorisé et sécurisé leurs investissements. Cette délocalisation d’investissements devrait logiquement interpeller la conscience de tout un chacun et préoccuper au plus haut point le dirigeant congolais appelé à résorber le chômage de sa population.
D’autres, par contre, optent pour la liquidation pure et simple de matériel, bâtiments et équipements au profit de ceux ayant des nerfs capables de supporter et/ou de jongler indéfiniment avec les préposés de l’Etat sur les quantités, la qualité, la conformité des produits et services à mettre sur le marché… et enfin, pour question de survie, d’autres sont contraints à fonctionner dans la clandestinité, dans la corruption, l’évasion fiscale et dans la fraude qui (tous) gangrènent profondément la société congolaise. Ce qui n’est jamais sans conséquence néfaste à très court terme à la fois pour les agents de l’Etat qui prennent ce grand risque de perpétuer un système décrié, de même que pour les hommes d’affaires qui l’entretiennent quand il s’avère que des voix s’élèvent de plus en plus pour exiger de déclarer toujours ce que l’on paie à l’Etat en vue de voir comment attaquer ces pratiques qui paralysent tout effort de développement.”
(10) 

  • Au nom du commerce frontalier, les commerçants locaux sont voués à effectuer leurs importations à partir du Rwanda voisin, quitte à faire entrer leurs marchandises au Congo par petits lots successifs jusqu’à l’épuisement de la cargaison totale. Que gagne la douane congolaise dans cela ?
  • Comme les routes intérieures de la RD Congo sont en état de délabrement avancé, les déplacements du Chef-lieu de la Province du Sud-Kivu vers le territoire d’Uvira et la plaine de la Ruzizi s’effectuent en transitant par le Rwanda moyennant des frais de transit avec des traitements inhumains et dégradants tels que refuser aux Congolais en transit de traverser les 40 km dans le Rwanda avec des effets personnels (des quantités commerçables sont bloquées, des aliments et vivres frais tel le lait de vache qu’on exige au propriétaire de choisir soit de tout consommer sur place à la frontière sans quoi le produit est déversé sans recours dans la rivière Ruzizi. Ceci a même été imposé à certaines autorités provinciales lors de leur traversée). Curieusement, on n’est pas astreint à cette restriction quand on se trouve sur la frontière entre le Burundi et le Rwanda.
    Par ailleurs pour le transport aérien, l’élargissement de la piste d’atterrissage de l’aéroport national de Kavumu serait bloqué pour laisser libre champ à l’aéroport de Cyangugu afin qu’il desserve les Congolais à partir de là et faciliter ainsi au Rwanda de réaliser des bénéfices sur le dos des Congolais. De l’avis de plus d’un observateur, le tout serait apparemment bien agencé et astucieusement concocté sous la barbe des autorités nationales congolaises pour qu’il en soit ainsi, comme pour corroborer « l’adhésion du dominé à l’ordre dominant ».
  • Par rapport à la sécurité et à la justice transfrontalière, une fois les criminels ayant opéré en RD Congo réussissent à se positionner au Rwanda au Burundi ou en Ouganda, ils s’enkystent et sont désormais à l’abri de toute poursuite même quand le sang des Congolais crie Justice. Et, étrangement, quand les acteurs de la Société Civile sont amenés à quitter le pays pour répondre aux invitations et formations en Occident et qu’ils choisissent d’effectuer les démarches de visa et de transport à partir du Rwanda, au regard de la distance qui sépare la partie Est du pays de Kinshasa la Capitale, ils sont non seulement censurés pour leurs opinions politiques et surtout pour leur engagement dans la défense de l’intégrité de la RD Congo jusqu’à les mettre dans une insécurité morale!
  • Que dire alors des opérations de commerce ambulant réalisées par des sujets rwandais dans les rues et ruelles de Goma et de Bukavu ? Que dire de l’exploitation illégale des mines de l’Est de la RD Congo ? Que dire, que dire…
    Oser réprimer ces choses-là et attirer l’attention de la population expose les défenseurs des droits humains aux menaces venant souvent du sommet de l’état. Tel est le cas du porte-parole militaire qui venait de présenter dans les médias des sujets rwandais capturés dans le front dit du M23

Intégration régionale sans intégration nationale, n’est-ce pas la charrue avant le bœuf ?

A entendre s’exprimer les autorités rwandaises sur cette polémique, elles s’exclament cyniquement qu’il revient à la RD Congo et aux congolais de prendre en mains leurs responsabilités pour vitaliser leur espace de vie tout en assurant leur participation au niveau de l’ensemble sous régional. Ici, avec Pierre Bourdieu, on reviendrait sur ce qu’il a identifié être « la méconnaissance par le dominé des mécanismes qui font de cet ordre un mode de domination ».

Pour notre part, une intégration nationale entend le renforcement du pays d’abord dans ses volets politique, économique, social, sécuritaire, structurels… afin qu’à la croisée avec les autres, le pays ait de quoi proposer pour faire face aux grands défis communs liés à l’intégration régionale sans s’aliéner ni dissoudre son identité dans un ensemble régional plus vaste. Les problèmes de gestion et d’organisation interne des pays ne devraient pas chercher leurs solutions à partir du regroupement sous-régional. C’est notamment les problèmes élémentaires du vécu quotidien, de la criminalité urbaine, de la cohésion nationale, des infrastructures, de l’administration et de la gestion, mais aussi de son développement économique. 

Confiante de ses potentialités et de ses besoins, la RD Congo devrait construire sa propre vision à partir de laquelle coordonner son fonctionnement. Quel n’a pas été l’étonnement de plusieurs, quand dans l’accord cadre d’Addis-Abeba (2013) sur la RD Congo, ce soit les 11 chefs d’Etats et de gouvernements qui décident même sur les réformes (11)  à engranger dans un état souverain. Ils ont exigé « la réforme des forces de sécurité, de l’armée et de la police, les réformes politiques, la décentralisation, les réformes économiques, des infrastructures et des services sociaux, la réconciliation nationale, la tolérance et la démocratisation » (12).

Pour se développer, "la Chine (13)  n’a-t-elle pas vécu pendant longtemps dans une autarcie économique au point qu’elle puisse aujourd’hui avoir son mot à dire dans le concert des nations? Sur ce plan précis, la Chine a mis l’accent sur l’autosuffisance qui doit être obtenue par le labeur acharné des travailleurs au sein des communautés locales et, politiquement, elle a introduit une innovation fondamentale avec le concept du gouvernement des masses, qui a intégré des intellectuels comme des dirigeants de la guérilla paysanne."

Plus qu’une question de choix politique, c’est un pragmatisme politique qui devrait logiquement inciter prioritairement à une intégration nationale. Il reste absurde de planifier à transporter et commercialiser le courant électrique d’Inga de l’Afrique du Sud au Caire en passant par l’Afrique de l’Ouest pendant que le congolais moyen manque lui-même de quelques kilowatts de courant pour cuisiner son haricot et son foufou de maïs (usage domestique). Il en est de même de l’eau de la RD Congo sollicitée pour irriguer une partie de l’Afrique où les eaux du Nil Blanc ont tari pendant que dans plusieurs villes de la RD Congo, l’eau de consommation domestique est devenue de plus en plus une denrée rare, voire de grand luxe. Ce qui justifie en partie la propension toujours en hausse des maladies d’origines hydriques dans le registre des indicateurs de santé au niveau du pays.

Procéder à une intégration régionale aux conditions et contexte tel que décriés et, de la manière tel que ci-haut décrite, pire que de mettre la charrue avant le bœuf, c’est renoncer à toute ou à une partie de souveraineté du pays. 

Dommage, quand on constate des situations où quelques responsables ont osé exercer pleinement leur responsabilité dans le sens de renverser cette tendance, ils ont été sévèrement réprimés par les instances supra-provinciales. A ce sujet, quelques chefs d’armée qui ont stoppé l’agression se sont vus limogés ou réduits au silence total, de même que quelques agents de migrations qui auraient poussé plus loin leur curiosité et traqué les suspects et autres déviations de ce secteur seraient muselés, soit permutés et des fois placés au garage de l’administration publique. C’est ainsi que pour préserver leurs vies et leurs postes, un bon nombre de congolais ont choisi de se résigner, de laisser faire… Et au commun des congolais ne sachant pas à quel saint se vouer d’interjeter en des termes voilés : « Ils jouent à quoi ? Où allons-nous avec ça ? … »

En conclusion: quels risques à la longue pour la RD Congo ?

Au terme de ce développement de la pensée portant sur l’intégration régionale et à la lumière de la socio-analyse de Pierre Bourdieu, il parait illusoire de promouvoir une véritable intégration régionale avant une intégration nationale. Il est par ailleurs, irrationnel pour un état digne, de prendre part à un regroupement régional ou sous-régional avec des états qui ne partagent pas la même vision sur les fondamentaux de l’intégration et/ou qui ne disposent pas d’une éthique politique élémentaire portant sur le respect mutuel. 

Attention,

  1. Si le Rwanda, en tant que nation plus favorisée dans ce schéma imposé par les partenaires, en profite pour renforcer sa mainmise sur l’économie, le politique et le structurel d’un état membre, il devient alors dangereux que ce premier, aux ambitions hégémoniques avérées puisse étendre sa zone d’influence sur les provinces de l’Est de la RD Congo et, par cet empiétement, cautionner la balkanisation de la RD Congo. 
  2. Si 60 ans après son indépendance, malgré ses potentialités olympiques, emballée dans une intégration régionale, face à ses voisins, la RD Congo intervienne en état faible avec un profil continuellement bas, pire, en non-état parce que les voisins peuvent l’envahir à tout bout de champ et, à l’interne une RDC dotée des dirigeants moins responsables, agissant apparemment par ordre commandité de quelque part; alors, loin d’être une stratégie de développement socio-économique, son intégration dans les Grands Lacs ne sera que cautionnement de l’oppression et soumission aux dictats de ses voisins au détriment du bien-être de ses populations.

 Comme la sagesse africaine recommande de traverser la rivière en groupe de peur que le crocodile ne vous bouffe, dorénavant, il est bon de marcher sur les trousses des idéologues propulseurs de l’intégration régionale de par le monde mais, il reste indispensable de tirer des leçons de l’intégration régionale dans les Grands Lacs et plus loin celles du contrecoup du boum des migrations de l’Orient et de l’Afrique vers l’Occident pour repenser la doctrine de l’intégration régionale dans les Grands Lacs africains où un chèque en blanc a longtemps été accordé. Ce qui amènerait tout de même à exhorter la participation de la RD Congo dans cet espace sous-régional mais aux textes à réaménager (14), et qui tiennent minutieusement compte de ce qu’il donne à la RD Congo et aux congolais et ce qu’en retour la RD Congo peut donner. Sinon, il n’y a aucune raison pour la RD Congo de faire partie d’un même ensemble sous-régional avec des voisins qui ne cessent de la malmener et de l’empêcher de se relever pour devenir le déclencheur du développement socio-économique pour toute l’Afrique comme l’a si bien prédit Franz Fanon (15)  en disant: l’Afrique est en forme de revolver dont la gâchette se trouve être la RD Congo.


Réfléchi en 2015 et réactualisé en 2022 après la signature d’adhésion RDC à la CEA

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(1) Pierre Bourdieu, Sociologue rural français: 1930-2002
(2) Encarta
(3) Pathé Mbodje, journaliste et sociologue auteur de "Coopération décentralisée et transfrontalière et intégration régionale", N° 298 du 12/10/2013
(4) Acte d’adhésion signé en mars 2022
(5) Echelle des besoins humains de Maslow: grille représentant graduellement 5 besoins humains élémentaires, utilisée dans l’enquête dite d’écoute. 1. Les besoins physiques. 2. Les besoins de sécurité. 3. Le besoin d’amour et d’appartenance propre. 4. Le respect de soi. 5. La réalisation de soi.
(6) Twa: une autre dénomination des pygmées
(7) RD Congo, Rwanda, Burundi, Ouganda, Tanzanie, Zambie, Congo Brazzaville, Soudan du Sud, République Centre Afrique, et l’Afrique du Sud
(8) CIRGL: Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs Africains
(9) Nicolas Sarkozy
(10) Extrait des termes de plaidoyer des jeunes entreprises locales en émergence portant sur « La problématique du fonctionnement des unités de traitement et de commercialisation de l’eau minérale et les difficultés liées à leur surtaxation par les services étatiques, Conférence-débat juillet 2010 à Bukavu
(11) Cfr l’Accord cadre d’Addis Abeba cité précédemment
(12) Voir l’Accord cadre d’Addis Abeba 2013
(13) Cfr Cours d’Histoire de la Chine de la 4e année des humanités littéraires en RD Congo
(14) Harmoniser certaines lois sans briser les identités respectives: la loi rwandaise sur la nationalité taillée sur mesure pour favoriser les immixtions rwandaises en RDC, la loi sur le commerce transfrontalier, la coopération militaire et judiciaire quand les criminels se sentent protégés une fois en fuite au Rwanda
(15) Franz Fanon (1925-1961), écrivain français favorable à la révolution algérienne et auteur d’œuvres d’importance orientée d’une part vers la psychiatrie institutionnelle dont il a jeté les bases, d’autre part vers la colonisation qu’il s’est attaché à combattre.

lundi 7 février 2022

RD CONGO : Pays potentiellement riche... Population misérable et dirigeants richissimes !

Qui l’eut cru? Du scandale à l’ignominie à la place publique

Tout au long de décembre 2021, RFI a, chaque matin, consacré quelques minutes à décortiquer le rapport sur l’enquête dénommée Congo-Hold-up, minutieusement réalisée avec dix-neuf médias partenaires associés au consortium européen EIC et cinq autres ONG spécialisées (1). N’est-ce pas là, pour le congolais médusé, une bonne raison de s’exaspérer et de se lever unanimement pour enfin interroger les pratiques et d’aller en guerre contre ces dernières responsables de sa misère? Pendant que les milliards de dollars sont empochés par une poignée; sur toute l’étendue de la république, la grande majorité de congolais continue à trimer en conjuguant, sans succès, d’inlassables efforts pour faire face ne fût-ce qu’aux besoins de manger, de scolarisation, de santé, de sécurité…

Haut-les-mains, ce peuple s’exclame abandonné par ses dirigeants au profit de quelques étrangers, tout venants, qui trouvent leur addition exacte. On a lu que même pour des miettes, des responsables font perdre au pays des milliards de dollars qui pourraient contribuer à son développement. Par sadisme, ou par inconscience même ceux qui de par la débrouille tentent des petites activités pour leur survivance sont extrêmement traqués, voire asphyxiés par d’innombrables services étatiques jusqu’à leur extinction…

En effet, cette enquête a mis à nu deux décennies de kleptocratie (2) sans commune mesure. Du jamais vécu. L’enquête met solennellement en cause les dirigeants congolais en l’occurrence le pré-carré du régime de Joseph Kabila au travers des combines et complicités nationales et internationales soutenues par les banques nationales et autres structures financières planétaires. Elles aussi sont dans le collimateur de cette mafia innommable.

"Pas d’intérêt, pas d’action" dit-on en Droit
et en Développement "Pas de problème, pas de projet"

En ce début 2022, l’enjeu dans notre démarche de conscientisation est plus que jamais d’inviter les congolais à rester circonspects, à évaluer les temps/époques passés, à désormais s’initier à questionner toutes les pratiques et, certaines habitudes sociétales (parfois dégradantes). Sinon elles s’érigent de plus en plus en traditions et, à la longue, sont acceptées comme normales dans la vie du congolais et deviennent du coup difficiles à extirper (3).

Au demeurant, si après l’alerte sur des révélations combien troublantes/gravissimes, aucun relai des dynamiques nationales (associatives et institutionnelles) ne sourcille, ni ne se l’approprie; alors, il y a lieu d’en juger le degré prononcé (de l’effondrement) de l’obsolescence du congolais.

Et, puisque c’est de la grande corruption (4) qu’il est ici question, force est de rappeler que déjà au cours des analyses antérieures dans ce blog, pour prévenir ce drame à l’horizon, référence avait été faite à un journal chinois qui prophétisait presque que "si vous voulez tuer un pays, instaurez-y la corruption et, revenez-y vingt ans plus tard, ce pays n’existera plus". On pourrait même demander aux concernés en séminaire-ateliers, le loisir de fixer à partir de quand on commence à décompter les vingt ans.

Urgence d’initier la communauté à régulièrement questionner ses pratiques

Rompre avec la culture du silence conduit ipso-facto à la revendication légitime qui est une des voies royales pour faire prévaloir les droits d’une personne et/ou d’une communauté. C’est pourquoi, familiariser à questionner les pratiques est un exercice qui, en amont, devrait commencer par analyser les réflexes aussi anodins soient-ils dans la vie courante de société. C’est évidemment à travers les gestes en communauté, les rituels, et même le langage/vocabulaire que des attitudes en société ont pris corps. Elles y sont véhiculées ou tolérées, voire, régulièrement relativisées d’année en année. C’est par devers elles que sont ragaillardis de nombreux dirigeants/gestionnaires détourneurs des deniers publics. Pour avoir acheté deux ballons et des vareuses à une équipe de football du quartier ou pour avoir consenti à une quelconque assistance ponctuelle aux sinistrés en détresse/calamité/catastrophe naturelle, ils sont primés de mérites dans leurs contrées, et majestueusement classés notables du coin. 

Qu’importe la position qu’on occupe dans une société, dirigeant ou subalterne, l’habitude du "sehemu yangu" au règne de Joseph Kabila, qui signifie "quelle est ma part pour un dirigeant" a enfoncé le pays dans ce que vient de révéler aujourd’hui l’enquête ‘Congo Hold-Up’…
Si pour un policier de roulage, un taxateur d’impôt, un petit congolais c'est, par instinct de survie, que ces habitudes ont pris place dans son quotidien; par contre, pour les dirigeants, c’est bizarrement pour assurer leurs progénitures jusqu’à des dizaines de générations à venir. Ceux qui chutent au pouvoir amassent, sans état d’âme, vident les caisses de l’Etat jusqu’à arriver à en subtiliser abondamment pour toutes leurs progénitures futures (au lieu de penser à l’ensemble de ses administrés à l’exemple de feu Magufuli, ancien président Tanzanien). Ici je me réfère à un ancien gouverneur d’une Province qui disait à son collègue d’une autre: "N’ayez jamais froid aux yeux quand vous devez mettre la main sur l’argent de l’état", tout en se vantant de l’argent et des biens accumulés pour lui et pour sa progéniture…

Accoutumance faisant, ce jour, on intercepte même des jeunes gens diplômés en quête d’emploi en train de rêver, faisant l’apologie desdites pratiques en préméditant de s’aligner à ce modèle une fois aux affaires…  Très rarement l’on s’est arrêté pour poser la question sur le pourquoi des situations pendant que Warner (5)  nous recommande de questionner jusqu’à sept fois le pourquoi de ceci ou de cela pour se rassurer de la cause-racine avant de tabler sur les actions à mener. Dommage... Comme une hypnose collective, on est toujours resté sur l’homéopathique en justifiant certains comportements uniquement par la lutte pour la survie au détriment de toute moralité. C’est de plus en plus l’école de certaines personnes qui professent: "Gardez pour vous la morale mais laissez-nous le moral…"

Questionner nos pratiques, c’est éminemment un exercice qui, en aval, pousse à quitter définitivement le quiétisme (6). Le quiétisme entendu comme une contemplation quiétiste qui consiste à s’abandonner pour laisser faire l’esprit divin suivant les maximes des quiétistes ou des mystiques…
Dans certaines communautés on retrouve des coutumes et des interdits millénaires qui ont fini par enchainer ces mêmes-communautés jusqu’à les restreindre de se placer à la hauteur des mutations dans le monde moderne notamment en ce qui concerne la promotion de tout élan de développement autocentré (suite à la culture de la cueillette, l’instinct de servilité…) ou de la démocratie participative. 
Par contre, dans le processus de conscientisation populaire, la démarche de Paolo Freire nous aide en toute circonstance à affronter toutes les étapes normatives de passation d’une conscience naïve à une conscience critique. Car il va sans dire que "Plus on se distancie de la captation de la réalité, plus on s’approche de la captation magique ou superstitieuse de la réalité".
Inconsolable, face au désarroi congolais, un fatalisme s’est incrusté et il se conforte au fil des temps par un répit aux chambres de prières des sectes religieuses en expansion dans le pays. A tort ou à raison, pour certains, cette résignation serait le fruit d’un christianisme mal ou peu assimilé. Mais présentement, le point culminant de cette obsolescence du congolais est d’avoir en face une bonne partie de la jeunesse congolaise plongée dans la surconsommation des boissons fortement alcoolisées à longueur des journées. "Quelle décapitation!" pourrait-on dire...

Questionner nos pratiques c’est enfin, pour la RD Congo faire preuve de sa détermination d’identifier toutes les pratiques, déceler les bonnes des mauvaises comme pour séparer le bon grain de l’ivraie afin de rationaliser toute la vie de société.

En définitive

Pour 2022, le FPT offre aux animateurs de la communauté, juste un espace idéal pour discuter de toutes ces choses qui ont trait à leurs vies jusqu’à faire des simulations où les communautés peuvent être impliquées dans la recherche des solutions. Ce qui suppose au préalable de rompre avec la culture du silence qui empêche… C’est notamment partant de l’identification des problèmes-source de la société, de déceler leurs causes-racines, d’initier de manière consensuelle des plans locaux de développement et inviter à une participation régulière à l’évaluation de ce qu’on aura décidé de faire pour l’émergence d’un Congo digne au niveau de chacun des 157 territoires du pays.

Certes, dans pareilles ambitions, la formation des irrésistibles s’impose: des personnes correctes, vertueuses pour casser la tendance. Celles au gabarit de ce qu’Etienne Bisimwa avait dénommé le résiduel positif qu’on retrouve dans toutes les classes sociales et à tous les niveaux. C’est avec cette poignée que s’amorcerait une révolution positive, vivier de prédilection pour les dirigeants charismatiques qui vont travailler pour le bien-être de tous les congolais loin des slogans et des promesses somnifères.

Ceci ne pourra être un cadeau mais justifiera la lutte d’un peuple abandonné à lui-même et qui se sera pris en charge tel que prescrit à l’article 64 de la constitution du pays qui, bien au-delà de faire face à ce dérèglement sans relâche du système mais rentre plus vers la restitution du pouvoir à son détenteur premier, le Congolais.

La pédagogie de conscientisation enseigne comment chaque communauté sait bien ce qu’il lui faut et les efforts des animateurs se limitent à accompagner ces communautés en disposant le cadre et les conditions pour qu’ensemble elles réalisent leur rêve légitime de bien-vivre.

Questionner nos pratiques et les habitudes dans la communauté est le fondamental de la démarche de conscientisation collective. Ce n’est pas question de se jeter de pierre c’est du coup ramener à contextualiser les situations et à rationaliser au maximum l’agir dans la communauté.

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(1) Liste des médias partenaires: le réseau EIC (https://eic.network/), RFI, Mediapart, De Standaard, Le Soir, NRC, Der Spiegel, InfoLibre, Politiken, Expresso, VG, Nacional, RCIJ, Bloomberg, L'Orient-le Jour, BBC Africa Eye, KvF, The Namibian, The Continent, The Wire…
(2) Kleptocratie : En politique, régime politique où une ou plusieurs personnes à la tête d’un pays pratiquent à une très grande échelle la corruption.
(3) Cfr RD Congo… référence à "La théorie des vitres cassées" in http://alfajirikivu.blogspot.com
(4) Grande corruption pour désigner cette corruption pratiquée par les riches pas pour survivre mais pour accumuler 
(5) Lire "La Méthode de Mais pourquoi de Warner dans la pédagogie de la conscientisation sur la méthode dans l’identification des causes profondes de la situation"
(6) Cfr dictionnaire android

mercredi 19 janvier 2022

La RD Congo et… le Crabe

Comme dans un sprint, l’année 2021 vient de s’enfoncer dans le long tunnel sans fin de l’histoire. Elle laisse derrière elle sa cohorte de problèmes, de malheurs et des pleurs.

L’année 2021 aura été prolixe en événements malheureux: 4 coups d’Etats en Afrique subsaharienne, une ruade, un coup sec sur le nez et la bouche d’une démocratie au visage labouré. On craignait déjà un effet de contagion.

Quant à la RD Congo, elle présente l’image d’un crabe, cet animal de la classe des crustacés, fort mal connu du grand public qui redoute instinctivement le contact d’un organisme aux formes bizarres, revêtu d’une cuirasse, armé de pinces et dont les yeux mobiles sont toujours aux aguets.

Debout, il est difficile de savoir dans quelle direction le crabe se dirige, difficile de savoir où il va, c’est en cela qu’il ressemble à la RDC.

En ce début 2022 et au regard de 2021, rien ne présage de bonnes perspectives; la frilosité quasi générale envers le vaccin anti covid persiste, les naufrages à répétitions par-ci par-là dans le fleuve Congo, les lacs et rivières sans mesure préventives, des incendies d’agglomérations urbaines et rurales sans enquête sur leurs origines, des millions de déplacés de guerre sans espoir de retourner chez eux un jour, gestion calamiteuse et détournements des biens publics selon plusieurs rapports…. 

Des nuages et toujours des nuages

L’esclavagisme, le colonialisme, les dictatures, cela dure déjà depuis plusieurs siècles et l’on ne semble pas sortir la tête de l’eau.

Les chefs d’Etat qui se succèdent à la tête du pays n’ont aucune conscience de la noblesse de leur mission devant Dieu et devant tout le peuple. Avec des appétits insatiables, d’immoralité et d’arrogance envers le peuple qui croyait en eux; ils font honte !

Le peuple qui le regarde n’a plus que des yeux pour pleurer. Les Congolais ont ainsi appris avec stupeur le dossier horrible du "Congo holdup ".

Certes le détournement de l’argent public n’est pas une exception pour les chefs d’états africains mais monsieur Joseph Kabila a dépassé les limites imaginables par sa perte du sens des proportions qui l'amène d’une pente glissante au désastre.

Voilà ce qui arrive pour un pays quand un Président ou un dignitaire que rien ne destinait à être chef, se retrouve, avec le concours du hasard (et de grandes puissances agissant dans l’ombre…), au sommet d’un immense pays. Aucun sens de l’efficacité. Il prend tout ce qu’il veut, là où il veut, quand il  veut, et se mue en prédateur de la pire espèce !

L’avenir de tout un peuple devient fade. Le cauchemar a remplacé le rêve quand je me rappelle de l’explosion de joie de la population de Bukavu au Sud-Kivu lors de sa victoire électorale de 2006. Les témoignages sur le Congo holdup sont multiples, croisés et irrécusables!

C’est un braquage historique d’un total provisoire de 243 millions de dollars fait par l’ancien président de la RD Congo en l’espace des 5 ans (2016-2021) avec un petit cercle d’initiés, avec des complicités internationales, et cela au détriment de plus des 80 millions de Congolais dont la majorité vit avec moins de 2 dollars par jours (1)

Pleure, ô ma patrie

Quand le vent de la démocratie a soufflé sur l’Afrique avec l’onde de choc de la perestroïka en 1990, j’étais encore jeune, mais je m’en rappelle encore. Lors du sommet France-Afrique, tenu en France, un journal français avait titré à la une "Un faux monnayeur à Biarritz". Il s’agissait de Mobutu, ancien président du Zaïre (aujourd’hui  RDC). Il s’était transformé  en contrefacteur, lui, le président de la république, menant son propre pays -et lui-même- à la ruine. De la contrefaçon au braquage par deux chefs d’états d’un même pays, on ne peut qu’en pleurer !

Mobutu est parti de la manière que l’on sait, finissant sa vie dans la poubelle de l’histoire, laissant derrière lui, un pays à genoux économiquement.

Joseph Kabila, n’a rien appris de l’histoire, lui et d’autres dirigeants africains et, il est à craindre que son successeur, Felix-Antoine Tshisekedi, ne soit sur la même pente voire pire car que ce soit sur le plan économique, social ou sécuritaire le bilan est glaçant.

Tshisekedi, sur les traces de Kabila?

L’histoire nous apprend qu’après la mort de l’empereur Alexandre le grand au IVe siècle av. JC, l’empire hellénique subsista encore pendant environ 3 siècles avant sa chute face aux Romains.

Selon Machiavel, le conquérant grec laissa à la tête de l’empire des corrompus, ses obligés, arrivés tous au premier cercle du pouvoir par sa grâce. Ils s’organisèrent pour préserver la survie de l’Etat et, partant la leur. 

Quand on sait les conditions contestées et contestables par lesquelles, Felix-Antoine Tshisekedi est arrivé à la tête de l’Etat, on peut s’interroger sur sa vraie volonté de s’émanciper de celui qui lui a légué "le fauteuil présidentiel".

L’histoire nous rappelle aussi de l’accord intervenu entre Guillaume d’Ockam, philosophe et écrivain du XIVe siècle et un monarque de Bavière en Allemagne. Poursuivi pour hérésie, le philosophe va  chercher refuge auprès du souverain en froid avec Rome. Par cet aphorisme resté célèbre, le philosophe proposa au roi, je cite: "tu me défendras par l’épée, je te défendrai par la plume" (2).    

Tshisekedi pourrait protéger Kabila et, à la fin de son mandat, ‘même si son départ est incertain’, à bien observer, il pourrait chercher aussi un successeur qui lui ferait allégeance et du coup, aussi assurer sa protection après ses mandats. Et le cycle peut se perpétuer à l’instar de l’empire romain. Clin d’œil aux congolais.

Les rapports de l’IGF (3) et le budget adopté par l’Assemblée nationale laisse pantois tout analyste et brise tout optimisme. Les dépassements budgétaires de la Présidence de la République, de l’Assemblée nationale, du Sénat et des ministres font hérisser les cheveux .Des dépassements budgétaires dans tous les sens au Congo… Une telle gouvernance ne peut pas améliorer les conditions sociales de la population (4).  

 Un autre "Congo holdup"  serait-il en cours quand on se rappelle de la ténébreuse affaire du Registre des appareils mobiles (Ram) non élucidée, toujours en cours, et que des nombreux congolais considèrent comme une escroquerie d’Etat ?

L’insécurité : Un autre tendon d’Achille 

Encore, la RDC fait du surplace comme un crabe renversé qui peine à se relever. Après 18 ans de règne sans partage, Kabila n’a pu mettre sur pied une armée dissuasive, bien encadrée et bien entraînée.

A mon avis, il est impossible que la RDC émerge sans armée digne de ce nom au cœur de l’Afrique pour protéger sa population et ses diverses richesses, du reste potentielles: elle n’aura jamais la paix sans armée car, dit-on, "Mauvaise garde, le loup se nourrit".

Et mauvaise garde, la RDC en souffre et en souffrira encore. Tenez! Sur un budget d’environ 10 milliards des dollars américains pour 2022, seul 3,94% sont consacrés à l’armée et 3% à l’agriculture.

Malgré la présence de la MONUSCO (Missions des Nations Unies au Congo), les massacres des civils se poursuivent à l’Est. 2021 s’achève sur un bilan effrayant, des millions de Congolais vivent chaque jour la peur au ventre et 2022 ne présage rien de bon sur le plan sécuritaire. On ne peut pas compter sur l’intervention militaire ougandaise à long terme.

Avec 3,94% du budget national attribué à l’armée nationale, il est quasi impossible de défendre un pays comme la RD Congo et mettre fin aux massacres des masses! ‘ (Attention la question n’est pas que financière car en lisant le rapport sur l’état d’urgence dans l’est vous vous rendrez compte des choses plus grave encore dans le détournement des fonds alloués pour la sécurité et cela avec des complicités au sommet…)   

Les rapports des organisations de défense des droits de l’homme citent par exemple les massacres de 1137 civils de mai à novembre 2021 au Nord-Kivu et en Ituri, période de l’instauration de l’état de siège (5)

Au Sud-Kivu et dans la province de Tanganyika au Nord Katanga, les civils sont tués chaque jour, silencieusement, en dehors de toute couverture médiatique, et cette situation a déjà duré, trop duré.

Déjà en 1997, Emma Bonino, ancienne députée et commissaire européenne avait provoqué un malaise en soulignant que 280.000 personnes avaient disparu à l’Est de la RDC et que ces disparus correspondaient à la population du Luxembourg, un pays membre de l’Union européenne.

Interrogée par la télévision francophone TV5, elle avait déclaré: "Je sais très bien que tout le monde serait content qu’on mette une couverture sur ce qui se passe au Zaïre (RDC) ça arrange beaucoup de monde sauf que ça n’arrange pas la conscience d’une commissaire à l’aide humanitaire, on m’a demandé de faire mon travail et pas de couvrir des crimes."

Il y a déjà suffisamment de couvertures posées sur les crimes au Zaïre (RDC) (6)

Un quart de siècle après ces propos d’Emma Bonino, les couvertures posées sur des crimes en RDC se poursuivent. Le rapport Mapping des nations unies toujours scellé; la situation sécuritaire ne s’est guère améliorée. Et aucune lueur d’espoir ne pointe à l’horizon.

Quelques rares et empathiques députés de l’assemblée nationale ont même proposé que les honoraires des députés, des ministres et des sénateurs soient revus à la baisse pour améliorer les conditions sociales des militaires, mais ils n’ont pas été entendus et ne peuvent l’être. Devant la clameur des intérêts, la morale se tait, apprend-on.

Devant un tableau peu reluisant, il est peu probable qu’un pays comme la RDC prospère économiquement sans système de défense fort et dissuasif.

Les pays militairement forts se construisent par les richesses puisées chez les pays sans défense sûre. Les guerres de conquête et les colonisations n’avaient pas d’autres motifs et cela se vérifie aujourd’hui même. L’économiste anglais du XVIIIe siècle Adam Smith l’avait déjà démontré dans son ouvrage : "D’où viennent les richesses des nations?"

Les hommes politiques au pouvoir en RD Congo, devraient par un sursaut de conscience patriotique, reformer et restructurer l’armée et surtout la moderniser.

Une formation militaire de 6 mois devrait être requise à tout finaliste du secondaire avant de s’inscrire à l’université, c’est l’une des solutions intermédiaires pour soutenir l’armée et contrecarrer les incursions récurrentes des armées des pays voisins et leurs soutiens aux groupes armés qui maintiennent l’Est de la RDC à feu et à sang.

Les Congolais devraient comprendre que les moyens efficaces pour combattre le paludisme ne sont ni les antipaludéens ni les moustiquaires imprégnés d’insecticides. Il faut d’abord et surtout aller drainer les marais d’à côté. 

Et comme le crabe aux pinces toujours ouvertes, effrayer.

Mais les voisins (de la RDC) l’ont compris avant, elle, pas encore.

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(1) Mediacongo, Congo holdup, une enquête sur l’enrichissement illicite de Joseph Kabila, 19 novembre 2021
(2) Jean Jules Lema, journaliste congolais réfugié en France, article publié dans www.wakatsera.com
(3) Inspection Générale de Finances, Décembre 2021
(4) Marie France Cros, La Libre Belgique, 30 décembre 2021
(5) Rapport des ONG de défenses des droits humains cité par la voix de l’Amérique, capté  à Bukavu, le 16 mai 2021
(6) Emma Bonino, citée par Honoré Ngbanda, Crimes organisés en Afrique Centrale. Ed. Duboiris, Paris, 2004, p 18