mardi 15 novembre 2022

Sale temps pour les missions de paix des Nations Unies en Afrique

L’histoire d’un fiasco !

L’histoire en ce qu’elle traite de la vie des humains a quelque chose de fascinant, on la croit close, rangée dans des livres, éteinte comme un volcan et voilà qu’elle se réveille comme ce dernier. Ce qu’on croyait révolu, oublié, réapparait. "Elle a des poches pleines des ruses" disait Joseph Kizerbo. 

En mettant en place l’ONU, à la suite de la grande guerre (2e guerre mondiale), dans son essence, il était question de faire cesser les conflits planétaires et/ou à la limite d’en mitiger l’affluence et cheminer vers un monde pacifique. Cette haute instance servirait d’arbitrage des conflits entre les états pour éviter l’escalade identique à celle vécue par l’humanité en 1945. 

Si la 3e guerre mondiale a été évitée de justesse suite à la crise des missiles russes à Cuba en 1962, c’était plutôt dû aux négociations entre Nikita Khrouchtchev et JF Kennedy. Les Nations Unies ne peuvent pas gérer un conflit majeur surtout entre grandes puissances. Tout comme elles sont incapables aujourd’hui d’arrêter la guerre opposant la Russie à l’Ukraine.  Elles se rangent éventuellement du côté du plus grand payeur, les Etats-Unis d’Amérique. Déjà les conflits entre états pauvres sinon entre ethnies d’un même pays mettent les missions de paix des nations unies à rude épreuve. Le français Charles De Gaulle avait, à son époque, traité les Nations Unies de "machin", d’"une grosse boite maniée par les Américains". Avait-il raison ?

Depuis l’aube de son indépendance, l’histoire retient que le recours légitime de la RD Congo auprès des Nations Unies pour rétablir la paix n’a pas totalement apporté de bons fruits. Loin s’en faut, Dag Hammarskjöld, son ancien secrétaire général, y a même laissé sa peau dans un louche crash d’avion entre la Zambie et la RD Congo, pendant qu’il partait pour devancer la sécession katangaise. Les rébellions embrasèrent le pays après que Lumumba eut été arrêté et exécuté pendant que la mission des Nations Unies était déjà au Congo!

Encore aujourd’hui, force est de constater que les différents gouvernements de la RD Congo qui se succèdent peinent sérieusement à rétablir la paix dans la partie orientale du pays qui abrite la plus importante mission des Nations Unies avec près de 20.000 hommes recrutés de tous les horizons du monde. En effet, présente en RDC depuis 1999, cette mastodonte mission des Nations Unies n’a fait que contempler le malheur d’un peuple en détresse face aux tueries et massacres en cascade des congolais. Ce qui amènerait au congolais lambda à déduire sans équivoque que la présence des soldats de l’ONU dans un pays ne présage aucunement la paix. Y recourir ou ne pas y recourir, c’est kif-kif.

A ce sujet Human Right Watch écrit dans son rapport: "En dépit de son mandat de protection des civils (…) la MONUC n’est pas parvenue à protéger les civils lors des combats. Dans la plupart des cas les soldats de maintien de la paix n’ont réussi à atteindre la zone de conflits que quelques jours après le début des combats. La MONUC a répondu trop lentement pour sauver des vies ou dans certains cas, n’a pas répondu du tout aux attaques contre les civils."  

En 2007, la MONUC a dû redéfinir son rôle après les élections pour tenir compte du nouveau gouvernement de la RDC après les élections de 2006.

Mais pendant la même période, elle a fait face à des nombreuses allégations de corruptions dans ses propres rangs tant en Ituri qu’au Nord-Kivu où les soldats de la MONUC auraient donné des informations militaires aux FDLR et à d’autres groupes en échange d’or. 

Human right poursuit: "Le 25 novembre 2006, la cité de Sake, près de Goma, tombe sous le contrôle du général Nkunda Batware, un général  pro-rwandais. L’armée de la RDC ayant pris fuite, les soldats de la MONUC ne sont pas intervenus pour empêcher la ville de ne pas tomber aux mains des insurgés alors que la MONUC disposait d’une base à Mubambiro, à 2 kms seulement de Sake, la ville occupée." Chose incompréhensible ! 

Les habitants ont dû abandonner leurs maisons et ont exprimés plus tard leur colère en jetant des pierres sur les véhicules appartenant à ces derniers.

En août 2007, lors des combats entre les troupes congolaises et celle de Nkunda, les habitants de Goma sont descendus dans les rues pour manifester contre la MONUC qui, affirmaient-ils, n’avait pas assez fait pour résoudre le problème Nkunda.

Dans un autre rapport, Humain Right Watch stipule que, peut-être soucieuse de la sensibilité politique de la publication d’informations qui seraient vues comme critiques à l’égard du Rwanda, la MONUC n’a pas rendu public ce qu’elle savait au sujet des enfants et des adultes qui étaient amenés à traverser la frontière depuis le Rwanda pour être enrôlés dans les rangs de Nkunda. Des centaines de Rwandais ont rejoint les unités de Nkunda, puis sont devenus soldats dans l’armée congolaise. De plus, selon des officiers congolais et de la MONUC, plusieurs soldats actuellement en service, actifs dans des forces de défenses rwandaises ont été capturés au Congo, combattant dans les rangs de Nkunda .

Nous faisons ici allusions à toutes les extravagances de la MONUC, pour expliquer le ras-le-bol de la population de l’est de la RD Congo actuellement et d’ailleurs. 

Des massacres: avec ou sans la présence de l’ONU

Avant l’arrivée de la MONUC, qui se muera plus tard en MONUSCO, les massacres de grande ampleur se sont déroulés dans le Nord et le Sud Kivu. Rares sont ceux qui peuvent se rappeler du bombardement de la ville de Goma par l’armée de la RDC, sous Laurent Désiré Kabila, le 11 mai 1999 en soirée : 43 tués, principalement des civils. Le RCD (Rassemblement congolais pour la Démocratie), parti pro-rwandais, accusa Laurent Désiré Kabila de criminel, quant à Kabila, il accusa le Rwanda. Lors du massacre de Burhinyi dans le Sud Kivu le 17 mars 1999, les organisations de défense des droits de l’homme locales et étrangères imputèrent ce massacre aux militaires rwandais du RCD. Le Rwanda nia sa responsabilité, son armée étant disciplinée, dit-il. Il a déclaré néanmoins que c’était un règlement de compte entre… voleurs de bétail. Et cela dure maintenant depuis plus de 20 ans alors qu’on s’imaginait que les différentes tueries n’étaient que de momentanés dégâts collatéraux... Quelle naïveté ? Elles se poursuivent et la MONUSCO ne peut les empêcher.

Mission des Nations Unies: espoir déçu ! 

Lors du passage de l’ancien secrétaire général de l’ONU à Kigali au Rwanda, en 1999, Koffi Annan (aujourd’hui décédé) fut accusé par le parlement rwandais de n’avoir rien fait pour empêcher le génocide rwandais de 1994. En fait, la MINUAR a été incapable d’intervenir lors des massacres à grande échelle au Rwanda.

Koffi Annan se défendit énergiquement rappelant que le génocide était commis par les Rwandais et seulement par les Rwandais. Et on peut le comprendre… Mais l’on peut tout de même se demander à quoi servait cette mission! A observer ?

Plus des 20 ans après, la présence de la MONUSCO (Mission des Nations Unies en RDC, ex MONUC) suscite des questions, des voix se lèvent, et des hommes aussi, pour demander leur départ.

Le mois de juillet 2022, restera inoubliable dans les annales de la mission des Nations Unies en RD Congé, où des violentes manifestations ont été organisées dans (presque) tout l’Est de la RDC pour réclamer le départ de la mission de l’ONU, de Beni-Butembo à Uvira en passant par Goma et Bukavu.

La société civile accuse la MONUSCO d’être inefficace dans la lutte contre les groupes armés depuis plus de 20 ans.

L’impensé: des casques bleus africains non agressés, tirent sur d’autres Africains non armés!

Les braises de la colère populaire n’étaient pas encore éteintes quand les soldats dits de la paix, revenant d’on ne sait où, tirent sur deux policiers et un militaire, tous non armés, blessant aussi 15 civils.

Les faits se passent à la barrière de Kasindi, frontière entre la RDC et l’Ouganda en cette fin du mois de juillet 2022.

D’urgence, le gouvernement congolais se réunit le 1er août 2022. Le bilan est glaçant, 36 civils congolais tués et 4 casques bleus dont deux Indiens et deux Marocains auxquels il faut ajouter 70 blessés civils, des véhicules et autres biens de la MONUSCO incendiés ! 

Empêtrées dans ces rares violences meurtrières, la MONUSCO confuse, essaie de se rattraper en promettant des enquêtes et des sanctions aux casques bleus incriminés: des Tanzaniens, selon plusieurs sources concordantes. Elle fait sortir aussi de ses tiroirs un rapport de ses experts, qu’elle brandit, comme le torero agite la muleta rouge dans une arène pour attirer le taureau déchaîné et canaliser sa fureur!

Dans ce rapport dit secret, les experts de l’ONU accusent Kigali d’avoir mené illégalement des opérations militaires en territoire congolais. Ils accusent aussi Kigali d’avoir entrainé et soutenu les combattants pro-rwandais du M23 semant actuellement le chaos à Rutshuru au Nord-Kivu. Ces experts fustigent la double facette de Kigali qui souffle le chaud et le froid dans le conflit congolais.  

C’est un secret de polichinelle, mais la MONUSCO a au moins l’avantage d’être entendue par ceux qui tiennent la manche du couteau.

Des contagieuses manifestations ?

Les manifestations contre les missions des nations unies ont pris une ampleur impensée. Le 5 août 2022 des membres du mouvement anti-français “Yerewolo Debout sur les remparts” ont organisés à Bamako, la capitale du Mali, un rassemblement auquel ont participés des nombreux Maliens. Le mouvement exige le retrait de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA) critiquée pour son inefficacité par une partie importante du peuple Malien. Les militants de ce mouvement “Yerewolo” ont appelé le rassemblement “Opération Bonnets bleus”, en référence aux casques bleus de l’ONU.

"Nous devons nous rassembler et sortir massivement le 22 septembre 2022 pour libérer le pays, cela s’appelle « L’assaut final »" a déclaré Adama Ben Diarra, leader du mouvement, tout en poursuivant "Nous disons stop à une mission qui terrorise notre pays".

Mais, curieusement, comme en RD Congo, le gouvernement Malien avait peu avant exigé qu’Olivier Salgado, porte-parole de la MINUSMA de quitter le pays, "suite à la série de publications tendancieuses et inacceptables de l’intéressé".

Il lui est reproché d’avoir déclaré sans aucune preuve que "les autorités Maliennes auraient été préalablement informées de l’arrivée des 49 militaires ivoiriens par vol civil à l’aéroport international Modibo Keita, le 10 juillet 2022". 

Quant à la société civile, elle accuse la MINUSMA d’agir en dehors de la mission principale qui est de protéger les citoyens Maliens menacés par les groupes terroristes. Elle déplore l’échec de cette dernière à atteindre cet objectif, ce qui remet en cause sa présence au Mali. 

Accusée d’inefficacité, la force française, Barkhane, vient de quitter le Mali. Même chose au Burkina-Faso. Malgré la présence de la MINUSCA (Mission des Nations Unies en Centrafrique), la SELEKA, une milice réputée pour sa cruauté, serait déjà au pouvoir.

Apeuré, le gouvernement Centrafrique a dû, pour son salut, recourir à la Russie (Groupe Wagner) et au Rwanda, et ce, malgré la protestation de la France qui se voit menacée dans ses "Colonies" : La France-Afrique!

Contestée au Burkina Faso en feu, chassée du Mali par les nouveaux maîtres en kaki, l’armée française, comme les Missions des Nations Unies ne sont plus les bienvenues en Afrique, elles traversent l’orage. Sommes-nous au tournant de la fin des interventions militaires impérialistes en Afrique? Nous pouvons en douter.

Une Afrique convoitée

Les contestations ressemblent de plus en plus à celles des années 60, la veille des indépendances et les voyages de Charles De Gaulle en Algérie, en Guinée Conakry, au Congo Brazza. Comme dans les années 60, Emmanuel Macron, le Président français en tournée au Cameroun et en Guinée Bissau, vient de faire la même chose en qualifiant la Russie de "l’une des dernières puissances coloniales impérialistes". La question est de savoir qui est impérialiste et qui ne l’est pas entre les deux? Peu avant c’était Serguei Lavrov, le vieux chef de la diplomatie russe qui, en juillet 2022, visitait l’Afrique suivi en début août 2022 par la visite du Secrétaire d’état américain A. Blinken. 

Toutes ces puissances, les USA et la Russie, veulent apparemment exploiter les faiblesses et les incompréhensions de la France en perte d’influence en Afrique. Tous, avec des visées impérialistes sur les faibles pour en constituer des satellites dans une nouvelle guerre froide apparemment en gestation. 

La force BARKHANE de l’armée française au Mali n’est pas non plus parvenue à aider ce pays à sortir de la poudrière qu’elle est devenue avec ses coups d’états, ses touaregs, ses djihadistes; situation identique pour le Burkina Faso avec sa soldatesque toujours tuée en masse. 

La colère de la population de ces pays n’est-elle pas compréhensible? Depuis les années 1990, l’Afrique connait des nouveaux conflits, souvent sous forme de résurgences d’anciennes oppositions politiques ou ethniques, souvent mises entre parenthèses ou artificiellement gommées avant de resurgir plus tard, comme des volcans momentanément éteints. Voyez le Tchad !

Lancée le 12 juin 2003 en Ituri (Nord-Est de la RD Congo), face au conflit Hema-Lendu, l’opération "Artémis" avec les forces françaises à la tête de la coalition internationale par la résolution 1484 des Nations Unies sous Koffi Annan, usant du mandat relevant du Chapitre VII de la charte des Nations Unies devant faire usage de la force, avaient permis de mettre fin aux tueries momentanément, c’était un succès. Mais les conflits ont ressurgi, sont devenus plus sanglants qu’avant et le gouvernement de la RDC se montre impuissant. Même situation au Nord-Kivu et au Sud-Kivu.

Les pays africains devraient bien structurer et moderniser leurs armées à l’instar des états asiatiques. Les états doivent, et ce malgré les regroupements régionaux, se faire respecter les uns des autres, sinon se faire peur.

Il est naïf de croire que les Nations Unies peuvent par leur intervention instaurer totalement la paix. Il est doublement naïf et, de surcroît impensable, que les soldats uruguayens, pakistanais, chinois en quête de dollars acceptent de s’immoler pour rétablir la paix en RD Congo!  Certes comme force représentative de la communauté internationale, elles sont écoutées et peuvent tout autant s’imposer dans certaines circonstances mais, elles sont visiblement limitées souvent par leurs mandats et leurs pays d’origines…

Ce qui entraine des déceptions et des critiques souvent acerbes à leur encontre. En outre les contingents proviennent des divers pays souvent pauvres et reçoivent des ordres de leur pays respectifs.

De nombreux pays avec des moyens suffisants refusent apparemment d’envoyer leurs militaires bien entrainés pour éviter d’être mêlés à la soldatesque des pays pauvres gangrenés dans des conflits meurtriers récurrents.

Au bout de tout: une exhortation

En cette période où l’Afrique semble courtisée, il serait important que les gouvernements africains en profitent pour que les pays puissants interviennent directement pour imposer la paix, cette denrée indispensable pour une exploitation ‘gagnant-gagnant’ des ressources tant recherchées pour leur compétitivité stratégique. Sinon, en Afrique, la guerre a encore de beaux jours devant elle.

Si a priori, les Africains et leurs gouvernants devaient un jour prendre conscience des souffrances qu’ils se font les uns aux autres et du recul en développement que cela entraine sur le continent, ils devraient impérativement cesser des s’entretuer mutuellement car la paix durable est constamment possible. Hélas on n’a toujours pas assez de lucidité ni les moyens de reconstruire ce qu’on a détruit chez soi. Ceci, contrairement aux occidentaux, riches et habiles, qui, face à l’Ukraine en destruction, sont à pied d'oeuvre avec des experts à pied d’œuvre qui réfléchissent déjà aux plans pour reconstruire après les guerres… Il y a, dit-on, un temps pour détruire et un temps pour reconstruire!

Ne raconte-t-on pas qu’après l’échec des rencontres de paix avec Adolph Hitler en 1938, Neville Chamberlain, Premier Ministre britannique de l’époque, déclara "Il s’agit d’une querelle entre des peuples lointains dont nous ne savons rien" ? Et qui sait si les casques bleus et autres forces étrangères envoyées en Afrique ne viennent-elles pas avec ce même esprit! Mais comprennent-ils, les Africains? La réponse se trouve dans le temps.

Peut-être que les échecs des missions des Nations Unies pour la paix dans le monde et autres armées étrangères sur le continent noir leur serviront un jour de leçon et réveilleront les consciences. De plus en plus de voix se lèvent de par le monde pour réclamer la restructuration et la refonte de l’Organisation des Nations Unies afin, de lui permettre de jouer convenablement le rôle qui a milité à sa fondation.