vendredi 31 janvier 2014

La déclaration de Nairobi: suite ou fin de la guerre à l'est?

L’Est du Congo devenu un Far West connaît un cycle méphistophélique concocté à partir des pays voisins essentiellement le Rwanda et l’Ouganda. Ce cycle s’est transformé en cercle vicieux. Violences, dialogue et accord.

Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Depuis 1996, il existe au Congo plusieurs accords restés sans lendemain. Sun city n’a pas empêché Nkundabatware, Goma n’a pas empêché le M23 et certes, Kampala et Nairobi n’empêcheront pas un autre mouvement qui d’ailleurs annonce déjà les couleurs avec l’éventuelle scission annoncée du mouvement du 23 mars. D’ailleurs le nouveau rapport d’experts de l’ONU fait état de recrutements au Rwanda depuis la défaite infligée au M23, aussi les mésaventures militaires du lundi 30 décembre 2013 simultanément à Kinshasa, à Lubumbashi et à Kindu sont des indices qui ne trompent pas.

Depuis 18 ans, on est passé de l’AFDL au RCD/Goma, du RCD au CNDP et de ce dernier au M23. La stratégie a toujours été de laisser toujours un pion dans la place. Nkunda fut un pion du RCD/Goma, Bosco Ntaganda pion du CNDP, Kambasu Ngeve un reste du M23 ? Le grossissement du nombre de militaires retenus en Ouganda (de 200 à 1700 en Ouganda) tout comme le nombre de réfugiés vivant au Rwanda rentrent dans cette optique avec comme seule finalité de couper le grand Kivu et d’en faire un Tutsiland. "Au-delà de la déstabilisation générale du pays, un processus lent de dépeuplement de l’Est du pays, mais à croissance exponentielle, s’accompagne depuis 16 ans d’un flux incontrôlé et anarchique de réfugiés tutsi «congolais» qui viennent du Rwanda et occupent les terres des populations déplacées, tout en profitant de la protection des anciens-mutins intégrés pour veiller à la conservation des terres acquises par les nouveaux «immigrés»1."

Avant de clôturer les pourparlers de Kampala, il y a eu une guerre des terminologies entre les parties. Alors que le pouvoir de Kinshasa voulait signer ce qu’ils appellent une « déclaration unilatérale », les rebelles eux voulaient absolument d’un « accord ». D’après Lambert Mende, porte-parole du gouvernement, Kinshasa s’opposait justement au contenu du document qui voulait légitimer une force qualifiée de négative. Pour lui, il y avait une ligne rouge qu’il ne fallait pas franchir, et c’est pourquoi ils ont préféré plutôt une déclaration unilatérale qui ne mettait pas à égalité ni côte à côte Kinshasa et le M23. A bon menteur qui vient de loin. La déclaration unilatérale a été signée à Nairobi en lieu et place d’un accord mais à y voir de plus près, c’est du pareil au même. Le fond est resté le même. Les points essentiels contenus dans l’accord avec le CNDP, et rejoignant (in)directement les revendications du RCD/Goma, sont toujours là.

Ainsi cette déclaration rentre dans la stratégie globale d’occuper le grand Kivu par noyautage sous le label des rébellions pseudo congolaise. Ainsi cette autre déclaration de Nairobi reste un danger à la République puisqu’elle cache mal le projet de balkanisation qui hante le pays depuis le 02 août 1998. Il faut lire entre les lignes pour comprendre. Trois ou quatre éléments désillusionnent: l’amnistie, l’intégration sociale, le retour des réfugiés et la constitution d’un parti politique.

Aujourd’hui le gouvernement congolais se frotte les mains de l’aboutissement des pourparlers de Kampala à la déclaration unilatérale de Nairobi. Naïveté ou sadisme! Se rassure-t-on que cette fois Kigali et Kampala ont eu par ce énième compromis ce qu’ils cherchent depuis des années? Pas si évident que cela.

De l’amnistie: Qui finalement sera amnistié ? La déclaration de Nairobi parle d’une amnistie au cas par cas mais l’on sait bien comment l’administration congolaise fonctionne. D’abord il faut rappeler que depuis des années il n’y a pas au Congo de cartes d’identités sécurisées. Cela est fait sciemment. Les cartes d’électeur qui font office de carte pour citoyen sont frauduleusement distribuées puisque beaucoup de kits électoraux ont été volés par-ci par-là. Ceci fait dire que le gouvernement congolais n’a pas de moyens efficaces de bien identifier tous ceux qui se feront passer pour éléments du M23 lors de l’intégration sociale.

L’intégration sociale se fera essentiellement au Kivu en faveur de beaucoup d’étrangers qui vont se nationaliser grâce à cette déclaration. Des militaires étrangers vont devenir par défaut des citoyens congolais. Alors que, même intégrés socialement, ils resteront militaires avec allégeance au Rwanda et à l’Ouganda. Le moment venu leur naturel reviendra au galop. C’est une menace permanente au Kivu. Pourquoi tous ces rebelles de l’Est refusent-ils d’aller ailleurs dans le pays et exigent-ils toujours de ne rester que là ?

Des réfugiés devront rentrer mais il est déjà certain que beaucoup d’entre eux ne seront pas congolais ; nombreux seront des militaires dissimulés qui se rajouteront à ceux qui sont déjà dans l’armée congolaise par mixage et dans la société par intégration sociale. Demain l’on sera devant un tableau où les militaires mono ethniques seront numériquement supérieurs aux civils, ce qui sera un atout pour la balkanisation du Kivu. Cette vérité est déjà vérifiable aujourd’hui au sein des services de sécurité.

La constitution d’un parti politique: Le CNDP de Nkundabatware aussitôt constitué en parti politique a rejoint la majorité présidentielle alors qu’il semblait s’opposer violemment à sa gouvernance. Quelle mascarade politique! Pendant que d’autres partis politiques de citoyens congolais ont du mal à se faire accepter par le pouvoir, voilà un parti de criminels accepté sur l’échiquier national. Aura-t-on une justice équitable un jour dans ce pays? Accorder aux mouvements criminels à majorité étrangère de se constituer en parti politique au Congo au nom d’une paix jamais venue depuis des années ne relève peut être pas d’une naïveté politique. Rien d’étonnant si demain les FDLR, les ADF/NALU, etc. devenaient eux aussi des partis politiques congolais.

Revers de la victoire sur le M23. Nous l’avions dit. Kampala et Kigali n’avaient pas dit leur dernier mot après la victoire des FARDC sur le M23. Leur silence était porteur d’un message pour les avertis. L’assassinat du vaillant colonel Moustapha Mamadou Ndala, l’homme qui a infligé une déroute aux rebelles, est une réponse aux ovations populaires qu’ont mérité les FARDC après leur victoire. Qui a organisé intellectuellement et matériellement cet ignoble crime? Pourquoi s’en prend-on toujours aux militaires qui ont fait la différence, les nationalistes? Du général Mbuja Mabé au général Nyabiola et aux 80 officiers tués à bout portant à l’aéroport de Kavumu en 1998 et à d’autres,… L’objectif serait-il d’effacer tous les meilleurs nationalistes et ne garder que des militaires à l’idéologie infra-citoyenne et aux grades fabriqués de toutes pièces. Le martyr du colonel Mamadou Ndala résulte d’une stratégie de décapitation de l’armée congolaise qui a commencé depuis une dizaine d’années.

Au regard de ce qui précède, il n’est pas exclus que la déclaration de Nairobi soit plutôt une suite et non la fin de guerre à l’Est du Congo. Wait and see!

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1)  Congo Actualité, N° 177, p.8

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