La ville de Goma serait-elle devenue la nouvelle Djouba, (capitale du récent pays coupé du Soudan, le Sud Soudan) pour la République démocratique du Congo? Depuis l’invasion rwando-ougandaise en 1996, sous l’étiquette de l’Alliance des Forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila, Kisase Ngandu, Déogratias Bugera et Masasu Nindaga, les rumeurs nourries font état de la volonté internationale de balkaniser ce pays de Lumumba, l’unitariste. Le secret est-il caché dans le territoire de Masisi, dans une zone bien connue des milieux diplomatiques et des groupes rebelles? En effet, une zone attire, interroge et fait peur: Kitchanga!
De plus en plus les congolais s’habituent, sans s’interroger, à une nouvelle forme de navette diplomatique. Chaque fois que le pays reçoit une visite diplomatique de marque, il n’est plus question de rester dans la seule capitale politique du pays. Désormais, l’hôte doit, après avoir rencontré les officiels à Kinshasa, se rendre directement à Goma dans l’Est du pays, particulièrement à Kitchanga dans le territoire de Masisi, pour visiter et compatir avec les déplacés qui s’y trouvent dans les camps. Quoi de plus normal si on s’en tient à l’esprit de solidarité et de la compassion internationale?
Mais…
Kitchanga, un mystère diplomatique!
Depuis quelques années, la localité de Kitchanga au Nord-Kivu connait un ballet diplomatique sans pareil. De grandes personnalités internationales s’y rendent, officiellement pour des motifs humanitaires. Mais on ne peut faire sans s’interroger, et cela laisse place à beaucoup de supputations et de curiosités non satisfaites pour les observateurs avertis.Pour rappel, Kitchanga a déjà reçu successivement
> en août 2008, l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo (facilitateur de l’ONU dans le processus de paix à l’Est de la RDC) se rendait dans la zone, précisément à Kangerero, pour y rencontrer le chef rebelle Laurent Nkunda;
> en août 2009, la secrétaire d’état américaine, Hillary Clinton, avec comme point prioritaire de sa mission, le besoin de protection des civils;
> en février 2016, Ban Ki-Moon alors secrétaire général de l’ONU;
> en février 2016, l’ambassadeur du Vatican en RDC, monseigneur Luis Mariano Montemayor;
> en septembre 2016, ce fut le tour de la princesse de Monaco en compagnie de l’ambassadeur du Brésil en RDC
> et très récemment, en octobre 2017, c’était le tour de l’ambassadrice des USA à l’ONU, Nikky Haley, qui a réservé son premier déplacement sur le terrain à Kitchanga pour visiter le camps de déplacés.
Mais quel est le mystère de cette localité dont les zones qui l’entourent sont les plus densément peuplées de la province du Nord-Kivu, (150 habitants/km2), dans un territoire à vocation agro-pastorale habité essentiellement par des rwandophones majoritairement hutus, ainsi que, minoritairement, des Nyangas et des Nandes? L’existence des camps des déplacés est-ce une raison réelle, suffisante et nécessaire? Que peut réellement expliquer qu’on fasse de ces collines vertes de Masisi un sanctuaire diplomatique d’une telle ampleur?
Quel intérêt peut-il pousser certaines chancelleries occidentales (comme les USA, la Grande Bretagne…) à ouvrir des bureaux de représentation diplomatique à Goma?
Kitchanga, un sésame qui fait peur…
L’histoire de cette localité pourrait rappeler aux congolais le récit d’Ali Baba et des quarante voleurs! Kitchanga est un nom de triste mémoire, particulièrement pour l’Est de la RD Congo de 2004 à 2011…L’officier déchu de l’armée congolaise, Laurent Nkundabatware, qui a mis le Nord et le Sud-Kivu à feu et à sang, avait choisi cette localité comme siège de sa rébellion, le Conseil National pour la Défense du Peuple (CNDP). Etait-ce un hasard? Vaincu, le CNDP se transforma en un autre mouvement rebelle issu des accords non respectés du 23 mars entre le gouvernement et ce dernier, le M23 avec comme tête d’affiche un autre officier rwandophone Bosco Ntaganda, surnommé le Terminator. Lui aussi commença sa rébellion à Kitchanga avant de l’abandonner et de fuir au Rwanda pour enfin être arrêté par la Cour pénale internationale (CPI). Mais bien avant, le RCD/Goma de monsieur Azarias Ruberwa soutenu militairement, politiquement et diplomatiquement par le Rwanda de Kagame et l’Uganda de Museveni avait voulu faire de cette localité une ville. Pour quelle fin?
Bref, cette localité est restée longtemps un carrefour des activités des groupes armés, d’abord QG du CNDP ensuite bastion du M23.
Etre devenue une plaque tournante d’enjeux politico-diplomatiques, humanitaires, après avoir été une citadelle des rebelles peut légitimement poser question et faire peser quelques soupçons sur Kitchanga comme temple d’une menace contre l’unité de la République.
En effet, même si le territoire de Masisi est surnommé « la petite suisse » de par sa magnifique et fertile région d'alpage, son relief et ses collines verdoyantes où l’on peut faire paître le bétail en toute tranquillité, son climat doux, des paysages et vues magnifiques qui portent à des kilomètres, et pourrait développer de prospères activités touristiques, d’autres facteurs sont en jeu. Des minerais, essentiels pour la haute technologie moderne (la cassitérite, le coltan, la tourmaline, l’amétile…), ainsi que les plantations industrielles de théier, de caféier et du quinquina, ou encore, dans le parc national de Virunga (juste à côté) où on a découvert du pétrole et que voudrait exploiter une multinationale britannique « SOKO », expliquent sans aucun doute la convoitise dont fait l’objet cette zone. (On se souviendra des batailles menées et provisoirement gagnées, pour préserver le parc des Virunga, ainsi que les espèces rares qui y vivent). Mais de récents développements font craindre que ceux qui veulent à tous prix exploiter le pétrole n’ont pas vraiment renoncé!
Ces ballets diplomatiques nous font craindre que toutes ces potentialités, qui devraient, si la RDC avait des dirigeants patriotes, bénéficier aux citoyens congolais, nous échappent encore pour le plus grand bénéfice de multinationales et de puissances étrangères.
Si les congolais tiennent à l’unité de leur pays, ils doivent cesser d’être distraits, et chercher inlassablement à comprendre les faits qui se passent dans leur pays, et ce qu’ils peuvent nous faire gagner ou perdre.
Certes, poser la question n’est pas y répondre de façon certaine. Mais se la poser à temps épargnera peut-être à Goma d’être la nouvelle Djouba…
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