mercredi 1 juillet 2020

60 ans: plus qu'un adulte!

Etienne Bisimwa Ganywa, chrétien depuis longtemps engagé pour le relèvement de son peuple et animateur du programme Former pour Transformer (FPT), partage à partir de Bukavu une réflexion sur les 60 ans de l’indépendance de son pays, la République démocratique du Congo.

Oh Congo, qu’as-tu fait de tes 60 ans…

Aujourd’hui 18 juin 2020, trois coups de bombes lacrymogènes viennent d’être tirés par la police sur un groupe des manifestants sur l’avenue Emery Patrice Lumumba ici à Nyawera (Bukavu).

Dans la nuit de lundi 15 au 16 juin dernier, un chauffeur de taxi a été tué par une bavure policière pour la raison qu’il ne portait pas son masque. La matinée suivante, des jeunes ont barricadé la route de Bagira, et le poste de quarantaine des malades du COVID 19 a été vandalisé et les malades obligés de s’évanouir dans la nature, sans doute vers leurs familles respectives.

Aujourd’hui, les députés provinciaux rentrent dans leur 9e mois de non payement de leurs émoluments. Chaque jour amène son lot de détournement de l’argent public, détournement qui se compte en millions de dollars américains…

Entre temps, les pauvres sont devenus encore plus pauvres et la classe moyenne a disparu. Il y a moins de 1% de la population dans la classe des riches et les 99% autres croupissent dans une misère dont seul Dieu connaît l’intensité. Depuis longtemps, l’espoir n’est plus au rendez-vous… Pourtant, les populations avaient placé la dernière dose de leur espoir dans le pouvoir de Félix Tshisekedi, mais chaque heure qui passe emporte une partie de celui-ci, au point où le pays entier est rentré dans une zone de désespoir…

Au moment où tout le monde attend que l’État joue son rôle, on le cherche et il brille par son absence. L’État n’est pas là… Et, quand il est là, il joue toujours une fausse partition. Il est absent par une présence incongrue! Parce qu’en réalité, il en reste quelques bribes… Oui! Quelques bribes d’une institution finissante qui n’a plus une compréhension de son rôle comme service, de sa vocation première et de la vision qu’elle doit construire pour y conduire le citoyen. Comme Lumumba, l’État est mort.

Une des conséquences de cette situation est de pousser le citoyen à la recherche d’un leadership alternatif. Les Églises? Les Chefs traditionnels? Pourtant, force est de constater que l’intensité de ces leaderships est faible et leur profondeur superficielle, pour autant qu’on les trouve…

Si nous nous regardons de dedans, nous aurons peur, et il est vrai : nous ne pouvons que construire dans le moment présent et pas dans le passé. Le tout est de partir et de faire un saut de qualité en construisant notre « ici et maintenant ».


60 ans, temps de maturité!

Dans un couple, c’est le temps où l’amour est fort, où l’intelligence est au zénith, mêlée à la sagesse, à l’expérience et au détachement. C’est un temps d’accomplissement… Temps où nous sommes supposés être au-dessus de notre art…

Comme, pays, c’est aussi le temps de cette même maturité où nous devons nous aimer, car l’amour est la seule force qui nous permet de transporter les montagnes; nous devons choisir par nous-mêmes car nous savons discerner l’utile qui donne vie et l’agréable sans âme qui détruit et donne la mort. C’est le temps de mettre nos intelligences au service de la communauté et développer une cohésion qui ne laisse pas d’espace à ce qu’une certaine presse appelle la balkanisation.

La vision. Répondons ensemble à la question de savoir le type de Congo que nous voulons léguer à nos enfants. Comme nous le chantons dans l’hymne national : « Don béni ». Nous l’avons reçu et nous devons le léguer à nos enfants et aux enfants de nos enfants… Un don a toujours cette caractéristique de donner la joie, l’amour, la vie et partant le bonheur. Et, quand il est béni, il devient une source intarissable d’espérance sans cesse renouvelée.

La tâche de réinventer la nation à tous les niveaux. Ceci pourra se faire en refondant l’État qui met la personne au centre de tout. Il nous est important d’affirmer que ce qui fait la RD Congo c’est d’abord le citoyen congolais car toutes les autres choses existent pour lui. Ce pays ne pourra jamais être ce Don Béni si chaque homme ou chaque femme qui y vit n’est pas reconnu comme un don béni de Dieu. C’est en reconnaissant cette valeur intrinsèque de chaque citoyen que l’on pourra refonder et réinventer la nation et l’État. La première richesse de la RD Congo c’est le congolais. C’est le citoyen qui est notre mine d’or et nous en avons plus de 120 millions (1). Quelle richesse !!!

Le Congo est une chance pour le monde. Le Congo comme un Don Béni a et aura un rôle moteur dans les pays d’Afrique Centrale, en Afrique et dans le monde. C’est incontestablement un Congo debout qui est une chance pour le monde, pas un Congo meurtri. C’est plus ce Don Béni qui reste une chance pour l’Univers. Frottez-vous au Congo par la vie et vous vivrez! Et frottez-vous au Congo par la mort, vous définissez votre propre sort.

Quelle est notre force. Notre force n’est pas dans les armées, ni dans les mines, ni dans les terres, encore moins dans les ressources naturelles en général… Notre force est dans le citoyen et les valeurs qui l’animent. C’est en effet ce citoyen qui transformera notre armée en une force républicaine, c’est lui qui fera que nos mines soient en réalité une force, c’est lui qui fera que nos terres soient une source de vie pour les hommes et les femmes. C’est lui enfin qui va transformer nos ressources naturelles en ressources de vie.

Quel que soit le contexte dans lequel nous célébrons ces 60 ans de l’indépendance, il y a un vent de retour de la fierté de l’identité noire dans le monde. Quant à la tournure des affaires judiciaires dans notre pays, même si nous ne pouvons pas nous mettre d’accord, nous vivons ces affaires comme notre investissement. Le cas de Vital a sonné les glas : « Plus jamais ça », quel que soit le niveau de l’auteur. Telle une partie de la douleur d’enfantement. Alors nous pouvons nous poser la question de savoir quelle est le sens de notre action… Ceci nous permettra de répondre profondément à la question : Que faire?

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(1) Ce chiffre de 120 millions peut choquer les esprits. Cependant, il y a plus d’un an, les services de OCHA (Organisme des Nations Unies) avaient fait la compilation des chiffres de centres de santé. Et il avait été constaté que la population de la RD Congo avait dépassé le chiffre de 100 millions d'habitants. Or on sait que les recensements des zones de santé vont toujours au voisinage de 75% de la population… C’est dire qu’il y a 25% autres qui ne sont pas répertoriés… 120 millions de congolais est une appréciation basée sur les travaux d’OCHA. Il faut prendre aussi en compte le fait que le dernier recensement en RD Congo date de 1984…

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