mardi 19 décembre 2017

RDC: Fin d'un règne et/ou radicalisation d'un système

Quitter le pouvoir avant que le pouvoir ne vous quitte!


A l’aube des indépendances des années 60 en Afrique, la colonisation a théoriquement pris fin dans nombre d’Etats parmi lesquels la RD Congo, le 30 juin 1960. Pourtant, on se rend de plus en plus compte que la colonisation n’aura changé que son nom, ses formes et ses tenanciers. Car les masses laborieuses qui, au lendemain de l’indépendance, se réjouissaient de leur affranchissement du colonisateur, ont aujourd’hui déchanté. Si les modes opératoires diffèrent quelque peu, ils s’avoisinent, et cette nouvelle forme de colonisation engendre des désastres plus considérables encore. Et que dire, quand elle est entretenue (certes à des degrés divers de complicité) par les propres dirigeants souvent élus démocratiquement.

A n’en point douter, une nouvelle bourgeoisie africaine, têtant au mamelon droit du capitalisme sauvage, et s’en faisant le larbin, s’est rapidement substituée au colon blanc, au trafiquant d’hommes, au conquérant, au maître d’apartheid social…

A force de souffrances et de misère, les populations qui chaque jour, ne cessent de tremper leurs lèvres aux amertumes de la vie, qui survivent tant bien que mal sur une brindille tout au long des ans, rêvent de retour en arrière. On a ainsi eu l’occasion de rencontrer des septuagénaires nostalgiques qui rêvent positivement de la colonisation belge, jusqu’à en faire l’apologie, en rappelant un certain bien-être social vécu, aujourd’hui disparu… Dans la même veine, on croise régulièrement une bonne frange de congolais, zaïrois de l’époque, qui délirent, en qualifiant de bien meilleur le règne du Maréchal Mobutu, pourtant chassé pour avoir entretenu une des plus farouches dictatures de l’époque contemporaine.

Ça et là, de par le monde, d’autres règnes emblématiques ont marqué leur temps. Leurs dirigeants, partis, sont par la suite revenus aux affaires. C’est par exemple les règnes des Ayatollah Khomeini en Iran aux années 70 (1), ou de Benazir Bhutto au Pakistan des années 80 (2)Mais plus proche, dans la sous-région, le président José Eduardo dos Santos de l’Angola et Denis Sassou Nguesso du Congo Brazza, arrivés tous deux aux affaires en 1979 (avec une éclipse de cinq ans dans l'opposition pour Sassou Nguesso, entre 1992 et 1997).
Ce disant, peut-on rassurer le jeune président RD Congolais qu’une fois parti du pouvoir, il n’est pas impossible d'y revenir prendre les commandes du pays, pour avoir marqué positivement son temps ?                                                                                                     Certains lui recommandent même de se trouver un dauphin, du genre "Medvedev (3) à la congolaise", qui accepterait de s'effacer au bout d’un quinquennat…
Si un président en fonction sait qu’il peut quitter pour revenir aux affaires plus tard, les raisons de bien travailler sont au rendez-vous. Et il pourrait cesser de se cramponner à tout prix.


Quelques stigmates d’un règne aux allures de gangstérisme politique


Mais hélas, chez nous, conquérir le pouvoir et le garder le plus longtemps possible (4) semble la règle. Il est difficile de croire que ce n’est pas pour des dividendes très personnels.

Et quand on est malgré soi, contraint de remettre le tablier, on nourrit encore le rêve de se faire représenter aux élections par un dauphin membre de la famille (en l’occurrence une épouse, un frère et/ou un enfant). La peur de perdre les avantages accumulés est la plus forte et l’emporte sur toute autre considération. Et les moyens financiers pour manœuvrer ainsi ne font pas défaut.

Certes quelques exceptions (5) ne manquent pas, mais elles sont tellement rares…
Pour la RD Congo, d’aucuns pensent que c’est vraiment par un hasard de l’histoire qu’en 2001, après l’assassinat à domicile du chef de l’Etat Laurent Désiré Kabila, sans élection, dans une prétendue démocratie,  un fils succède automatiquement à son père pour conduire une transition de cinq ans. Dans pareilles circonstances, la sagesse veut que celui qui conduit la transition vers de nouvelles élections ne puisse plus se représenter… Ce ne fut pas le cas, et par la suite, on aura même voté par référendum (en 2005) une constitution qui fixe à deux au plus le nombre de mandats successifs pour le chef de l’état. Pour les besoins de sa reconduction après la transition, les conditions d’éligibilité présidentielle en rapport avec son bas âge, son niveau d’études, son incompatibilité notoire d’avec le statut/fonctions militaires… furent exceptionnellement revues pour lui permettre d’accéder au quinquennat 2006-2011. Et encore en 2011, à l’issue d’élections contestées en raison de fraudes et d’irrégularités flagrantes, un troisième quinquennat fut tout de même accordé à Joseph Kabila. Au terme de ce deuxième et dernier mandat, qui a constitutionnellement pris fin le 19 décembre 2016, ses appétits de pouvoir et de ne plus le lâcher se sont précisés.
Après 16 ans de pouvoir discontinu, les espoirs d’une alternance démocratique en douceur en vue de doter le pays de nouveaux dirigeants étaient permis. Mais, plutôt que de concentrer les efforts et les finances publiques dans la préparation de cet exercice citoyen, le pouvoir s’est employé activement à multiplier artifice sur artifice pour reporter l’échéance. Ce qui trahit sans doute le manque de volonté politique pour organiser les élections réclamées. Pour concrétiser cet espoir d’alternance, de nombreux citoyens se sont mobilisés, et plusieurs y ont même perdu la vie, au cours de manifestations pacifiques réprimées de plus en plus durement. Fort de ces constats, on peut présager que le manque de fonds, l’insécurité dans le pays, le temps bref imparti pour élaborer les lois essentielles ne sont plus des arguments crédibles mais des prétextes montés de toute pièce pour éloigner, l’alternance démocratique. La « négomanie » (les interminables dialogues) est un de ces nombreux artifices qui aura permis de battre en brèche l’opposition et la société civile. Les miettes offertes que constituent les quelques postes ministériels dont la primature auront eu raison de gros poissons de l’Opposition radicale.

La désapprobation de la population est forte, mais n’est pas prise en compte par les dirigeants. Le pouvoir applique une répression excessive sur les citoyens dans l’exercice de leurs libertés de manifestation, pourtant gage de toute démocratie. Les manifestants sont violemment réprimés par la police et les services de renseignement. Les opposants et militants des mouvements citoyens sont traqués, bastonnés, emprisonnés et parfois contraints à la clandestinité.

Ce gangstérisme politique est sans état d’âme. Il ne répond à aucune considération d’ordre éthique de dignité ou d’honneur. Dans son entretien du 30 mars 2014, Christophe Boisbouvier raconte que la première fois que Joseph Kabila l'a reçu au Palais, il lui a dit : "Mon grand-père a été assassiné, mon père aussi, et je pense que mon destin (6) est relativement précaire".

Des rafles sans merci sur les richesses


Il n’est nul besoin de s’attarder sur les rapports d’agences internationales comme « Transparency International », « Panama Papers », « Paradise Papers » qui estiment les avoirs des dirigeants pendant ce règne de Joseph Kabila. Le vécu quotidien misérable de la quasi-totalité des congolais contraste d’avec les fortunes amassées par ces dirigeants en fonction. Déjà l’an dernier, lors de la rentrée parlementaire du Sénat, son Président Kengo wa Dondo a évoqué le paradoxe qu’à l’heure actuelle : "la RD Congo vit dans une insolente richesse face à une insoutenable misère." Cela est encore d’actualité et la situation s’empire chaque jour.

En une moitié de temps de règne de Mobutu, les familles de l’actuel chef de l’Etat et de ses alliés auraient amassé plus du triple de la fortune de Mobutu. Cela n’a été possible que par la conjugaison de la corruption avec la prédation à grande échelle, le trafic des richesses naturelles, la discrimination (politique, tribale et ethnique) dans l’accès à l’emploi, les détournements des deniers publics, le montage d’entreprises fictives pour blanchiment, l’exonération du fisc pour les dirigeants et les leurs qui font du commerce, le mercenariat dans l’action publique etc…
C’est pratiquement cela qui constitue la valeur dominante de la politique de ces trois derniers quinquennats. Ce système a pris toute son ampleur cette dernière décennie et s’est implanté à divers échelons du pouvoir pour constituer un vaste réseau mafieux avec des ramifications du local à l’international. C’est tantôt au travers les opérations « retour », tantôt le « sehemu yangu(7)», le « se retrouver »…
Ce système s’est maintenant cristallisé. Le gros de l’argent du pays se trouve entre les mains des politiciens qui l’utilisent couramment pour acheter les consciences des opposants, dédoubler les partis politiques de l’opposition, entretenir ça et là des milices, prostituer les acteurs de la société civile... Ainsi, pour désintéresser le candidat challenger au nouveau gouverneur du Sud-Kivu en remplacement de Marcelin Cishambo, des centaines de milliers de dollars lui auraient été versés ainsi qu’aux députés appelés à voter. Il se dit même qu’à défaut d’accepter ces dollars, l’alternative serait trois balles dans le crâne et des obsèques officielles honorables...

Les postes d’embauches dans l’administration publique, les entreprises étatiques, par-=étatiques et les cabinets ministériels sont tous monnayés ou bradés pour un engagement politique affiché en faveur du Président J.Kabila. C’est ainsi qu’à tous les niveaux, l’opposition ne parle plus d’une seule voix ou est carrément devenue aphone. Les exploitants privés et les professions libérales sont également réduits au silence jusqu’à la capitulation. Leurs conditions de fonctionnement sont bridées par des lois liberticides(8). Même certains enseignants de l’université se sont vus retirés des charges horaires à partir du seul moment où ils sont soupçonnés d’opinions contraires. Le projet de recomposition de la cour constitutionnelle de 9 à 5 membres, visant juste à écarter les quatre juges qui se sont réservés de cautionner le maintien du président après l’accord de la Saint Sylvestre, est déjà déposé au Parlement national.
Rien ne semble plus les arrêter…

Jusque-là, ce système a bien payé ses tenanciers, mais pour combien de temps encore?

Pour les politiciens toutes tendances confondues, le temps de « Ôte-toi de là que je m’y mette » semble avoir cédé place à « Mettons-nous ensemble et mangeons ensemble. » C’est ce qui justifie qu’au départ du Premier Ministre Matata, deux autres lui ont succédé en moins d’une année et un 3e, en remplacement de Bruno Tshibala, serait envisagé pour passer le cap du 31 décembre 2017.

Cet esprit marchand n’a pas laissé indemnes les gestionnaires de la chose publique qui, de ce fait ont oublié de placer de côté la monnaie nécessaire pour organiser les élections dans le pays. Tout l’argent du contribuable a pris la destination des poches individuelles, à telle enseigne qu’il faudra recourir à l’aide internationale pour régler près de 600 millions de $ pour les opérations électorales en RD Congo. Comment croire alors que la non-tenue d’élections dans le délai soit due à l’insécurité ou au manque de moyens? Ceux qui se proposent de donner l’argent pour les élections ignorent-ils tout cela?

Le résultat à court terme : l’espoir encore brisé


Le peuple congolais ne cesse de lutter, de pleurer/gémir mais aussi de prier le Bon Dieu sans répit. Sorti d’une dure période coloniale, "ce peuple n’a donc goûté que pour un très bref moment de son rêve de dignité et de justice" (9).
La lutte pacifique et non violente pour les droits au travers de l’action de la Société Civile et de certains partis de l’opposition s’est érodée par un système installé de corruption ambiante, ponctuée de menaces de mort en cas de résistance. En l’absence d’un leadership pour canaliser les luttes sociales, la population se trouve dépourvue, craquelée, inefficace.
Pourtant, écoutant toute la rhétorique(10) mielleuse développée l’an passé par le camp présidentiel, sur les vertus des différents dialogues pour décanter les différends, les congolais épris de paix, voulaient encore y faire foi. Jusqu’à ce moment où le respect des engagements contractés n’a pu être observé par le camp demandeur.
Aujourd’hui, devant ce rapport de force inégal, les congolais ne peuvent plus compter sur la bonne foi de quelques honnêtes gens qu’ils soient de l’opposition, de la majorité présidentielle ou de la communauté internationale pour leur venir en aide. La lecture de trois récents événements de ce dernier trimestre leur ont coupé le souffle. C’est, dans l’ordre, l’attitude ambiguë de la communauté internationale face à l’enquête sur l’assassinat de deux experts des Nations Unies dans le Kasaï, le vote de 139 pays sur 142 en faveur du gouvernement RD Congolais pour piloter la commission des droits de l’homme des Nations Unies et, tout récemment le message de Nikki Haley, l’envoyée spéciale des Etats-Unis qui, après une mission au pays, s’est prononcée pour les élections plutôt en 2018, sans exiger quelconque garantie. Même s’il était irréaliste de croire en des élections cette fin d’année 2017, cela ressemble étrangement à un blanc-seing pour le régime… A entendre la récupération médiatique, signe du triomphalisme pour le camp du chef, le peuple congolais a bien compris que l’Occident venait de donner encore au président l’occasion de passer tranquillement le cap de décembre 2017. Du reste en réagissant à la déclaration de Nikki Haley, sur les ondes de RFI captée à Bukavu il y a plus d’un mois, de New York, Jason Stearm, Directeur d’un Centre de recherche déclarera qu’en bloc, pour les chancelleries occidentales, Joseph Kabila pourrait quitter en 2018 ou plus tard. Au meilleur des cas il leur serait même favorable qu’il organise des élections pourvu qu’il fasse passer un des siens et cela ne gênerait en rien la communauté internationale.

Au Zimbabwe, Mugabe (11) a fini par comprendre que c’était fini pour lui et il s’est retiré sans bain de sang, le peuple Burkinabe a proprement réglé sa question, les gambiens ont tenu bon jusqu’à pousser Yahya Jammeh à recouvrer les bons sentiments et laisser la Gambie continuer sa vie… Rien de tout cela ne se profile pour la RDC. Certes, ces peuples ont travaillé pour leur affranchissement mais la communauté internationale n’a pas hésité à s’impliquer.

L’alternative: succomber pour de bon ou « dresser nos fronts longtemps courbés» (12)


Les choses pourraient pourtant changer à une vitesse insoupçonnable, car il suffit d’une prise de conscience collective et d’un patriotisme à la dimension d’un grain de sénevé. La RD Congo regorge d’importants atouts susceptibles d’assurer le bien-être social de ses 80 millions d’habitants. Point n’est donc besoin que des congolais défilent par centaines des milliers sur la route de la migration vers l’occident en laissant derrière eux un si beau pays convoité par tous, en commençant par les voisins directs pour ne pas citer ceux qui affluent de l’orient et de l’occident.
Pendant que des camps de réfugiés en Tanzanie, en Ouganda sont bondés de centaines des milliers de Congolais, d’autres milliers de Rwandais, Ougandais et Burundais se précipitent officiellement et/ou officieusement à arracher par tous les voies et moyens, fut-ce au bout du canon, leur place au Congo. C’est dans cette perspective qu’on les voit nombreux se faire enrôler comme congolais afin que demain ils fassent prévaloir leur droit au chapitre. Le pouvoir laisse faire… On saura plus tard si des visées électoralistes n’y sont pas pour quelque chose. 
L’article 64 de la constitution de la RD Congo autorise le peuple de se prendre en charge dans les situations comme celles que traversent présentement le pays. Mais cela n’est possible qu’avec une prise de conscience collective. A voir l’allure que prend l’évolution politique du pays, les ingrédients pour une révolte populaire sauvage sont réunis. C’est dans un contexte similaire qu’en 1996, en très peu de temps, l’AFDL de Laurent Désiré Kabila avait réussi à défenestrer le Léopard du Zaïre! Attention! Avec autant de frustrations accumulées, le peuple reste imprévisible et peut toujours surprendre. L’offre d’appui tant à l’intérieur qu’à l’extérieur pour relancer une révolution dont le bras armé inévitable sera encore et toujours les forces locales d’autodéfense ne manquera pas. C’est du déjà vécu. Rien que l’usage disproportionné de la force pour brimer les libertés suscite déjà la recomposition des forces mai mai à l’intérieur des territoires.
Si l’on ne prend garde, la sortie de cette impasse risque encore une fois de se faire à coups de balles. Dans les indiscrétions au sommet de l’Etat, il se dit que les dirigeants qui ont acquis ce pouvoir par les armes ne pourront à leur tour le céder que par les armes. Mais si on connaît comment la guerre commence, on ne sait jamais comment elle se termine.
Bref, que le règne de Joseph Kabila cède la place à des élections (que du reste son camp pourrait remporter par la fraude) ou par le canon, le peuple congolais est invité à rester circonspect. Car mort ou vivant, Joseph Kabila risque de diriger encore pendant longtemps la RD Congo. En effet, la corruption installée en système, l’immense fortune subtilisée, la présence des personnages-liges du système à la croisée des intérêts régionaux économiques, politiques et géostratégiques seront plus difficile à éradiquer et leurs effets néfastes perdureront longtemps, sans un changement radical de cap. Le plus dur sera de trouver les oiseaux rares ayant résisté au système malgré les épreuves, et leur donner les moyens de mettre à l’heure les horloges de la vie du congolais. Ce sera d’autant plus ardu que les réseaux mafieux au sein de la communauté internationale veilleront à ne pas laisser s’échapper les avantages octroyés par ce système. Ce n’est pas se tromper que de penser que c’est la raison du double langage de la communauté internationale sur la RD Congo devant tant d’évidences criantes.

Bouclons cette réflexion par le journal chinois qui a écrit récemment: « Si vous voulez tuer un pays, injectez y la corruption et revenez-y 20 ans après vous trouverez que ce pays n’existe plus » (20 novembre 2017).

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(1) Parti en exil depuis 1963, les fidèles de l’ayatollah contraignent le Chah d’Iran à son tour à l’exil, et peu après en janvier 1979, Khomeini revient triomphalement à Téhéran. Cfr Microsoft Encarta 2009.
(2) Premier Ministre du Pakistan au mois de décembre 1988, devenant ainsi à 35 ans la première femme à accéder à cette fonction dans un État musulman. Après onze années de dictature militaire, elle incarne la démocratie et jouit d’une excellente image au Pakistan comme à l’étranger. Mais, accusée d’«incompétence et de corruption», elle est destituée dès le mois d’août 1990. Cfr ibidem 
(3) Christophe Boisbouvier : «Si Kabila partait en 2016: qui gouvernera le Congo ? », mars 2014
(4) Sic dixit Machiavel.
(5) Le rarissime président uruguayen Pepe Mudjika est un cas extrême.
(6) Une question de karma susceptible de justifier quelque peu le gangstérisme...
(7) Sehemu yangu veut dire ‘ma part’ pour les contrats que le chef de l’Etat signe avec les partenaires. Sans cette enveloppe sous-table aucun projet ne peut être autorisé à commencer même s’il est humanitaire et sans but lucratif.
(8) Voir la nomenclature des taxes imposées aux entreprises privées, et le projet de loi sur les asbl programmé pour adoption… 
(9) Lire le Communiqué de presse « Une nuit avec le Congo RD qui pleure, lutte et espère » Réseau Paix pour le Congo, en collaboration avec le Diocèse de Bologne et les Centres missionnaires diocésains d'Émilie-Romagne les Congolais de la diaspora et de nombreux amis et amies du Congo Octobre 2017.
(10) Ce dialogue vanté comme voie royale pour trouver des solutions aux problèmes s’est avéré être un marché des dupes.
(11) Pour le Zimbabwe, rien ne rassure que sa sortie résolve le problème zimbabwéen qui est très profond. Un peu atténué mais c’est le même système des compagnons de la révolution et du ZANU PF qui criait à l’opposition que le chien aboie et la caravane passe.

(12) Extrait du « Debout congolais », hymne national de la RD Congo composé par un père jésuite juste après l’Indépendance du pays. Il reste d’actualité.

mardi 5 décembre 2017

Le Nord-Kivu, capitale diplomatique de la RDC?

Kitchanga une zone qui interroge et qui fait peur…

La ville de Goma serait-elle devenue la nouvelle Djouba, (capitale du récent pays coupé du Soudan, le Sud Soudan) pour la République démocratique du Congo? Depuis l’invasion rwando-ougandaise en 1996, sous l’étiquette de l’Alliance des Forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila, Kisase Ngandu, Déogratias Bugera et Masasu Nindaga, les rumeurs nourries font état de la volonté internationale de balkaniser ce pays de Lumumba, l’unitariste. Le secret est-il caché dans le territoire de Masisi, dans une zone bien connue des milieux diplomatiques et des groupes rebelles? En effet, une zone attire, interroge et fait peur: Kitchanga!


De plus en plus les congolais s’habituent, sans s’interroger, à une nouvelle forme de navette diplomatique. Chaque fois que le pays reçoit une visite diplomatique de marque, il n’est plus question de rester dans la seule capitale politique du pays. Désormais, l’hôte doit, après avoir rencontré les officiels à Kinshasa, se rendre directement à Goma dans l’Est du pays, particulièrement à Kitchanga dans le territoire de Masisi, pour visiter et compatir avec les déplacés qui s’y trouvent dans les camps. Quoi de plus normal si on s’en tient à l’esprit de solidarité et de la compassion internationale?
Mais…

Kitchanga, un mystère diplomatique!

Depuis quelques années, la localité de Kitchanga au Nord-Kivu connait un ballet diplomatique sans pareil. De grandes personnalités internationales s’y rendent, officiellement pour des motifs humanitaires. Mais on ne peut faire sans s’interroger, et cela laisse place à beaucoup de supputations et de curiosités non satisfaites pour les observateurs avertis.
Pour rappel, Kitchanga a déjà reçu successivement
> en août 2008, l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo (facilitateur de l’ONU dans le processus de paix à l’Est de la RDC) se rendait dans la zone, précisément à Kangerero, pour y rencontrer le chef rebelle Laurent Nkunda;
> en août 2009, la secrétaire d’état américaine, Hillary Clinton, avec comme point prioritaire de sa mission, le besoin de protection des civils;
> en février 2016, Ban Ki-Moon alors secrétaire général de l’ONU;
> en février 2016, l’ambassadeur du Vatican en RDC, monseigneur Luis Mariano Montemayor;
> en septembre 2016, ce fut le tour de la princesse de Monaco en compagnie de l’ambassadeur du Brésil en RDC
> et très récemment, en octobre 2017, c’était le tour de l’ambassadrice des USA à l’ONU, Nikky Haley, qui a réservé son premier déplacement sur le terrain à Kitchanga pour visiter le camps de déplacés.

Mais quel est le mystère de cette localité dont les zones qui l’entourent sont les plus densément peuplées de la province du Nord-Kivu, (150 habitants/km2), dans un territoire à vocation agro-pastorale habité essentiellement par des rwandophones majoritairement hutus, ainsi que, minoritairement, des Nyangas et des Nandes? L’existence des camps des déplacés est-ce une raison réelle, suffisante et nécessaire? Que peut réellement expliquer qu’on fasse de ces collines vertes de Masisi un sanctuaire diplomatique d’une telle ampleur?
Quel intérêt peut-il pousser certaines chancelleries occidentales (comme les USA, la Grande Bretagne…) à ouvrir des bureaux de représentation diplomatique à Goma?

Kitchanga, un sésame qui fait peur…

L’histoire de cette localité pourrait rappeler aux congolais le récit d’Ali Baba et des quarante voleurs! Kitchanga est un nom de triste mémoire, particulièrement pour l’Est de la RD Congo de 2004 à 2011…
L’officier déchu de l’armée congolaise, Laurent Nkundabatware, qui a mis le Nord et le Sud-Kivu à feu et à sang, avait choisi cette localité comme siège de sa rébellion, le Conseil National pour la Défense du Peuple (CNDP). Etait-ce un hasard? Vaincu, le CNDP se transforma en un autre mouvement rebelle issu des accords non respectés du 23 mars entre le gouvernement et ce dernier, le M23 avec comme tête d’affiche un autre officier rwandophone Bosco Ntaganda, surnommé le Terminator. Lui aussi commença sa rébellion à Kitchanga avant de l’abandonner et de fuir au Rwanda pour enfin être arrêté par la Cour pénale internationale (CPI). Mais bien avant, le RCD/Goma de monsieur Azarias Ruberwa soutenu militairement, politiquement et diplomatiquement par le Rwanda de Kagame et l’Uganda de Museveni avait voulu faire de cette localité une ville. Pour quelle fin?
Bref, cette localité est restée longtemps un carrefour des activités des groupes armés, d’abord QG du CNDP ensuite bastion du M23.

Etre devenue une plaque tournante d’enjeux politico-diplomatiques, humanitaires, après avoir été une citadelle des rebelles peut légitimement poser question et faire peser quelques soupçons sur Kitchanga comme temple d’une menace contre l’unité de la République.
En effet, même si le territoire de Masisi est surnommé « la petite suisse » de par sa magnifique et fertile région d'alpage, son relief et ses collines verdoyantes où l’on peut faire paître le bétail en toute tranquillité, son climat doux, des paysages et vues magnifiques qui portent à des kilomètres, et pourrait développer de prospères activités touristiques, d’autres facteurs sont en jeu. Des minerais, essentiels pour la haute technologie moderne (la cassitérite, le coltan, la tourmaline, l’amétile…), ainsi que les plantations industrielles de théier, de caféier et du quinquina, ou encore, dans le parc national de Virunga (juste à côté) où on a découvert du pétrole et que voudrait exploiter une multinationale britannique « SOKO », expliquent sans aucun doute la convoitise dont fait l’objet cette zone. (On se souviendra des batailles menées et provisoirement gagnées, pour préserver le parc des Virunga, ainsi que les espèces rares qui y vivent). Mais de récents développements font craindre que ceux qui veulent à tous prix exploiter le pétrole n’ont pas vraiment renoncé!

Ces ballets diplomatiques nous font craindre que toutes ces potentialités, qui devraient, si la RDC avait des dirigeants patriotes, bénéficier aux citoyens congolais, nous échappent encore pour le plus grand bénéfice de multinationales et de puissances étrangères.
Si les congolais tiennent à l’unité de leur pays, ils doivent cesser d’être distraits, et chercher inlassablement à comprendre les faits qui se passent dans leur pays, et ce qu’ils peuvent nous faire gagner ou perdre.
Certes, poser la question n’est pas y répondre de façon certaine. Mais se la poser à temps épargnera peut-être à Goma d’être la nouvelle Djouba…