mercredi 27 février 2013

La justice, un autre casse-tête au Congo-Kinshasa

Ces dernières années, le contexte n’a pas évolué favorablement en matière de sécurité et de justice.
Les opérations dites de pacification à l’Est de la république entamées en 2009, ont conduit à des conséquences incalculables et parfois indicibles dans la société. Il y a eu plusieurs attaques contre la population civile, de nombreux mouvements de troupes hétéroclites causant des graves violations des droits humains et des déplacements massifs de la population sans que la justice ne fasse son travail.

La justice congolaise a été incapable de remettre la population en confiance et dans sa dignité. Gangrénée par des antivaleurs: la corruption est devenue presqu'un système dont l'impunité est favorisée entre autres par le trafic d'influence, l'éloignement physique de certains ressorts, le manque de volonté de poursuite, l'absence des moyens humains, matériels et financiers suffisants. L'accessibilité géographique à la justice est à certains endroits quasi impossible au regard des vastes zones peu desservies et/ou encore soumises aux bandes armées et forces négatives.

Certaines situations spécifiques sont toujours requérantes. Au Sud Kivu par exemple, il y a persistance des conflits fonciers, des violations massives des droits humains, des violences sexuelles et des cas de mineurs délinquants ou en danger, des pillages des biens de personnes, etc. Le retour des faux et vrais réfugiés rwandophones est un véritable cauchemar (surtout en matière foncière) pour le reste de la population quant on sait toutes les politiques iniques qui entourent ce retour et qui supplantent d'ailleurs la justice.

Globalement, l'appareil judiciaire congolais est confronté:
  • aux problèmes de l’ignorance de la loi par les acteurs de justice (magistrats, policiers, avocats, personnel judiciaire) voire la population;
  • à la corruption de tous les intervenants;
  • à la mauvaise qualité des enquêtes des policiers (OPJ, IPJ);
  • au manquement grave des parquets dans les procédures comme dans les attitudes;
  • au manque d’effectif de magistrats et de policiers malgré les derniers recrutements faits en 2010; 
  • au manque de moyens pour enquêter;
  • à la faiblesse des moyens de preuves dans beaucoup de dossiers;
  • à la longueur des procédures qui découragent les victimes;
  • au jugement peu et/ou mal motivés;
  • au peu d’exécution de réparation ou au manque de cadres de calcul des indemnités;
  • à l’absence de systèmes de protection des victimes et témoins contre les représailles des bourreaux;
  • à la mauvaise qualité des enquêtes des ONG;
  • à la vulnérabilité des ONG et avocats en termes de sécurité;
  • aux lois contradictoires c-à-d le manque d’harmonisation des textes comme par exemple la nouvelle Constitution avec le code de la famille, les lois sur la peine de mort avec les lois sur la discrimination de la femme, etc. Bref, non-conformité des textes de lois.
  • à la mauvaise gestion de la chose publique par le corps magistral;
  • à l’absence de sanctions des mauvaises pratiques, voire infractions commises par les professionnels;
  • et à l’usurpation des compétences par les juridictions militaires qui jugent les civils et se saisissent des dossiers civils.
Notons qu’au niveau des infrastructures, la situation des tribunaux civils est très déplorable. Il existe deux Tribunaux de Grande Instance (TGI) au Sud Kivu, celui de Bukavu et celui d’Uvira (à 128 km de Bukavu) qui a deux sièges secondaires : à Kavumo (à 35 km de Bukavu) et à Kamituga (à 170 km de Bukavu).

Le ressort du Tribunal de Grande Instance d’Uvira couvre les huit territoires que compte le Sud Kivu. Ceci entraîne l’inaccessibilité de la population à la justice vu la grandeur en termes de superficie de chaque territoire.

Les Tribunaux de paix (tripaix) sont quasi inexistants sauf à Kalehe (à 100 km de Bukavu), à Walungu et à Shabunda qui ont été construits par les partenaires internationaux en 2010 seulement.
De ces 3 tripaix, seul celui de Kalehe est opérationnel, les deux autres sont sans équipement, sans juge ni greffier, etc. Au siège de Kavumo, il n’y a pas de salle d’audience, la section coutumière est sans bureau et la greffe est trop exiguë et non équipée.

Au niveau des prisons : toutes les prisons affectées aux tribunaux susdits sont en état de défectuosité avancée.
La province du Sud Kivu n’a que 4 grandes prisons construites à l’époque coloniale:
  • la prison centrale de Bukavu construite pour une population d’environ 300 individus mais dont la population carcérale actuelle avoisine 1400 personnes;
  • la prison de Kabare (réhabilitée en 2010 par REJUSCO);
  • la prison de Kalehe
  • ainsi que la prison d’Uvira.
Ailleurs ce sont des cachots et des amigos. Tous ces lieux carcéraux sont aujourd’hui largement surpeuplés au regard de leur capacité d'accueil initiale.

Concernant les juridictions militaires: les infrastructures ont été plus ou moins réhabilitées par rapport aux juridictions civiles grâce aux partenaires internationaux intéressés par la réforme du secteur de la justice. C’est le cas de l’auditorat militaire de garnison d’Uvira, l’auditorat militaire de garnison de Bukavu et la Cour militaire de Bukavu.
(NB : Beaucoup de flagrances commises par les militaires dans le fond des territoires ne sont jamais punies faute des juridictions compétentes dans ces lieux. Il faut toujours transférer le présumé militaire à Bukavu ou à Uvira si on est parvenu à l’arrêter. Certaines ONG organisent des audiences foraines pour résoudre tant soit peu ce problème mais ces audiences sont souvent organisées à la va-vite car soumises aux contraintes budgétaires et au cycle du projet de l’ONG.)

 

Les ressources humaines


Malgré le recrutement en 2010 de quelques 2000 nouveaux magistrats répartis ça et là dans toute la république, l’insuffisance de magistrats reste un réel problème dans l’appareil judiciaire congolais.
D’abord ces nouveaux recrus ne sont pas mobiles pour faire l’inspection des cachots et amigos, ensuite ils ne connaissent pas leurs juridictions respectives.

Le personnel administratif est en majeure partie inefficace à tous les niveaux. Recrutés sur base de critères souvent subjectifs et clientélistes, ils ne sont ni recyclés ni bien payés. Tout ceci concourt au monnayage des services judiciaires. C'est une situation commune à toutes les juridictions.

L’aspect financier : les conditions sociales et financières des magistrats, des greffiers et huissiers sont déplorables. Elles favorisent la corruption et affectent la justice en soi. Disons qu'à ce niveau, un des grands problèmes qui affecte les juridictions congolaises concerne ce qu’on appelle « les frais illégaux » c-à-d des frais que les justiciables doivent payer au delà des prévisions légales (cfr Arrêté du ministère de la justice n°…).
L'exemple est frappant, au Sud Kivu, lorsqu'on exige du justiciable de payer ce qu’ils appellent « les frais de dactylographie du jugement »: minimum 10$ par page. Se pose aussi le problème de la caution pour la liberté provisoire: la loi a donné une brèche aux magistrats en fixant cette caution entre 20 et 1000$ pour les personnes physiques. Elle précise en plus qu'en principe cette caution est remboursable mais l’expérience a montré que personne n’a jamais eu sa liberté provisoire en ayant payé une caution de moins de 100$ et aucun justiciable n’a recouvré ses frais cautionnaires. Très souvent ces frais ne rentrent pas dans le trésor public et sont sans trace dans la comptabilité.

 

L'indépendance de la magistrature


«Le pouvoir arrête le pouvoir» dit-on, mais hélas Montesquieu a beau énoncer sa théorie de la séparation des pouvoirs, cela n'est pas à l'ordre du jour au Congo. Le trafic d’influence de l’exécutif au judiciaire est monnaie courante. Les cas «Floribert Chebeya» et « Fidèle Bazana » avec les lourdes suspicions qui pèsent sur le Général de la police nationale, John Numbi d'avoir commandité leur assassinat, n'est qu'un exemple parmi tant d'autres…
Ce trafic d'influences consacre évidemment l’impunité, la lenteur dans le traitement des dossiers, le monnayage de la justice, la discrimination et le traitement inéquitable des dossiers. Bref, l'institutionnalisation d'une justice à double vitesse.

La révision constitutionnelle du 15 janvier 2011 a consacré davantage cette situation à travers l’article 149 qui précise que dorénavant le parquet ne sera plus attaché à l’organe judiciaire mais dépendra du ministère de la justice. Ceci implique que désormais ledit ministère pourra donner des injonctions et influer sur la justice.

 

Le jugement


L’exécution des jugements est extrêmement rare, surtout en matière pénale. C’est tout le problème avec les victimes des violences sexuelles par exemple qui ne perçoivent jamais les frais de dommage. Conséquence: on préfère l’arrangement à l’amiable que la procédure judiciaire.

En matière civile par contre, il arrive qu’il y ait des exécutions surtout en matière foncière mais cela ne se passe pas aussi aisément et gratuitement qu’on le penserait.

Tout ce dysfonctionnement de la justice au Congo en général et au Sud Kivu en particulier a conduit à la pratique de la justice populaire et à des règlements des comptes par des voix aussi cruelles que violentes dans la collectivité, surtout dans les situations de flagrance notoire. La population n’a ni confiance en l’appareil judiciaire ni envers les acteurs de la justice.

Tout compte fait, l’Est du Congo est une zone où aujourd’hui de plus en plus d’intervenants veulent mettre en œuvre des programmes en faveur d’une meilleure justice, parfois en dehors du champ de supervision du ministère national de la justice. Cette assistance semble être un mal nécessaire pour les autorités congolaises alors que ce secteur fait partie de la souveraineté nationale. Il est très important pour la vie de toute nation qui veut améliorer le bien être de sa population.
Il est donc impérieux de construire une justice congolaise qui valorise chaque citoyen ainsi que la république entière.

«Ubis justitia non est, non est respublica»: «là où il n'y a pas de justice, il n'y a pas de république» disait Saint Augustin dans «Cité de Dieu». Pour lui, la justice est la raison d'être de la société, «societatis ratio». Et il avait pleinement raison.
«L’homme a pour passion naturelle, la quête du pouvoir». Montesquieu ne voit de danger que dans l’abus du pouvoir dont celui qui en dispose est naturellement porté. Il convient dès lors d’organiser les institutions. «Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir» disait Montesquieu.

jeudi 7 février 2013

La société civile du Sud Kivu : aperçu sur la résistance populaire. Un élan brisé.

Il est difficile de faire un état des lieux sur la société civile sans se référer aux différentes mutations et turbulences qui ont marqué l’histoire socio-politique de la RD Congo. Cela étant, on constate non sans regret que la trajectoire de la société civile congolaise en général et du Sud Kivu plus particulièrement va descendante. Cette situation qui n’est pas une fatalité, ni un hasard de l’histoire, ressemble à un plan plutôt bien pensé et échelonné dans le temps par toutes les forces prédatrices noires internes comme externes de la république.

La trajectoire de la société civile du Sud Kivu, peut se subdiviser en 4 périodes interdépendantes avec chaque fois une période transitoire particulière.

De 1980 à 1993: une société civile militante


Le Sud Kivu constitue non seulement le berceau du mouvement associatif organisé de la société civile congolaise mais en plus, il en est au moins le précurseur acharné de son combat pour un Etat de droit et pour la démocratisation du Zaïre.

Tout est parti des années 80, période d’apogée du régime dictatorial du président Joseph Mobutu et du vent de la perestroïka en Afrique. Le peuple en avait assez d’un régime autocratique de plus de deux décennies.
Mobutu avait, par la force du courant de la perestroïka et du programme d’ajustement structurel (PAS) ainsi que par l’ampleur des grognes sociales internes, entamé des consultations nationales à travers le pays pour recueillir les avis populaires sur la gestion de la république.

Plus de 6600 mémorandums lui avaient été remis. A l’issue de ces consultations populaires, il déclara le libéralisme politique le 24 octobre 1990 et ce fut le début de la démocratisation du pays.
Une Conférence nationale souveraine fut alors organisée à Kinshasa entre 1991 et 1993 au sein de laquelle la société civile du Sud Kivu fit des interventions remarquées par leur véhémence et leur pertinence contre la dictature. Son patriotisme impulsa une dynamique associative dans les autres provinces du pays et devint ainsi un modèle de référence de la société civile à travers le pays.

Vint alors une petite période transitoire marquée par la guerre et le génocide au Burundi (1993) et au Rwanda (1994). Ces conflits sanguinaires ont déversé au Sud Kivu et Nord Kivu des milliers de réfugiés. Un problème humanitaire imposé à la société zaïroise dans un Etat en déliquescence. Cette situation a légué au Kivu des problèmes d’insécurité générale jusqu’aujourd’hui. Devant cet afflux massif de réfugiés rwandais et burundais, la société civile orienta toute son attention vers des interventions humanitaires. Les congolais sont d'une hospitalité légendaire.


D'octobre 1996 à juillet 2004 : une société civile résistante avec des modes d’actions populaires (MAP) coercitifs.


Une société civile fédératrice, mobilisatrice et organisatrice des forces sociales à la base, bref une société civile authentique.

Cette période fut marquée par des guerres d’agression à répétition : guerre de libération avec l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo « AFDL », guerre de rectification avec le Rassemblement Congolais pour la Démocratie « RCD/Goma », guerre de protection des Tutsis avec Laurent Nkundabatware,... Toutes concoctées et soutenues entièrement par le Rwanda et l’Ouganda avec comme porte d’entrée le Sud-Kivu.

Alors que le pays était divisé en trois avec des tendances de balkanisation très poussées, la société civile mena un combat virulent de résistance populaire. Elle a su mobiliser toutes les forces sociales autour de l’intégrité territoriale, de l’unité du pays et contre le pillage systématique des ressources naturelles du pays. Beaucoup d’acteurs et de personnalités ont perdu leur vie (Msg. Christophe Munzihirwa s.j, Emmanuel Kataliko,…) et d’autres ont été forcés à l’exil. Mais en dépit de cela, la société civile est restée intransigeante jusqu'à imposer un dialogue inter-congolais avec une proposition d’un plan de paix. Bref, elle avait vraiment joué son rôle de contrepoids au pouvoir.

Vint alors une période de transition politique décidée et convenue au dialogue inter-congolais en Afrique du Sud. Ce dialogue politique amena au pouvoir tous les protagonistes par la formule de 1+4 (un président et quatre vice-présidents issus des rébellions). Certains acteurs clés de la société civile se retrouvèrent alors au pouvoir au détriment du combat populaire qui n’avait du reste pas encore abouti. Ce débauchage des acteurs déséquilibra tant soit peu la société civile et ce fut le début de son déclin.


De 2006 à 2011: une société civile embrouillée car débauchée par la politique du consensus pour le partage du pouvoir, une société civile confuse et politisée.


Elle a vendu son combat, son identité et ses acteurs à la politique.

L’entrée en politique de certains acteurs de la société civile suscita l'envie chez d’autres et devint un moyen facile pour les politiciens de flouer et de déséquilibrer cette force sociale.
Le pouvoir, longtemps menacé par cette force sociale, a vite perçu les faiblesses de certains acteurs de la société civile à partir de leur prestation lorsque ceux-ci sont eux-mêmes arrivés au pouvoir: ils n’ont pas fait différemment. Les politiciens se sont mis alors à corrompre et à se moquer de cette société civile. Ainsi certains acteurs changèrent leur fusil d’épaule.
Beaucoup entrèrent ou fondèrent des partis politiques et devinrent candidat aux élections de 2006. D'autres devinrent dépendants des politiciens. Mais leur indécision et leur ambivalence furent une menace réelle pour la crédibilité de la société civile jusqu'aujourd'hui.


De 2011 à nos jours: une société civile équivoque, désemparée, infiltrée, avec des acteurs avides d’argent et de prestige social.


Ils sont praticiens de la politique par le bas si on prête le terme à J-F Bayart. Leurs interventions peuvent être réduites à quelques mots ambigus tels que "à chaque jour suffit sa peine", "capitaliser les enjeux",…
Le pouvoir politique s’est ensuite fabriqué sa société civile et ses propres acteurs. Que ce soit au niveau national ou local, la société civile est disloquée en plusieurs tendances.
Beaucoup d’organisations et d'acteurs sont des produits des hommes politiques pour infiltrer et fragiliser totalement le combat du peuple. Plusieurs idéologies circulent dans la société civile. Les grands piliers de cette société civile tels que l’église catholique (dans le fait de certains animateurs surtout) et l’élite intellectuelle (professeurs et étudiants,…) ont perdu leur crédibilité sociale et cela a favorisé le dictat du pouvoir.
Bref, nous sommes en face d’une société civile dévergondée idéologiquement, qui ne fait plus l’unanimité et est incapable de porter les aspirations de la population car décrédibilisée pour avoir mangé dans l’assiette du pouvoir.
Petit à petit la société civile prend les allures de tremplin, ce qui gâche tout son combat et ternit son image.

Du point de vue organisation et fonctionnement, dans ses années de gloire, toutes les organisations de la société civile ont su mettre sur pied une charte qui définissait clairement leur mission et leur identité, leur organisation et leur mode de fonctionnement mais aujourd’hui cette charte a été délibérément torpillée par ces infiltrés des politiques, du moins dans certains de ses aspects.

La société civile est organisée en 10 composantes selon les thématiques d’interventions à la base : le développement, les droits de l’homme, les femmes, les jeunes, la composante culturelle et philanthropique, la composante scientifique, la composante à intérêt économique, les confessions religieuses, les syndicats et corporations, les personnes vivant avec handicap.
Actuellement on estime à plus de 3000 les organisations affiliées à la société civile de Bukavu sans compter les réseaux et plateformes.


De la résistance


La résistance a suivi le même parcours historique que la société civile puisque c’est elle qui donnait de l’impulsion et canalisait les revendications populaires. A coté de la résistance portée par la société civile, elle s’est organisée indépendamment face à une armée nationale discréditée: une résistance armée pour défendre l’intégrité territoriale et lutter contre la domination des pays agresseurs, contre le pillage systématique des ressources naturelles,…
Mais cette résistance a été aussi infiltrée et torpillée si bien qu’aujourd’hui il n’en reste presque rien. Entre-temps les bandes armées étrangères et quelques militaires loyalistes ont continué à piller et à violer massivement les droits de la population civile sans que rien n’y soit opposé!

Deux causes majeures ont concouru à cette situation : la paupérisation de la population et l’usure de la guerre. Mais il reste tout de même un "petit noyau" conscient de son rôle et de sa mission en tant qu’acteur de la société civile. Il travaille contre vents et marées.
La jeunesse du Sud Kivu, qui a constitué le fer de lance de la résistance, a été tellement clochardisée, manipulée et divisée qu'actuellement elle ne constitue plus une force sociale à craindre aux yeux du pouvoir en place. Mêmes certains grands leaders de la jeunesse d’hier sont devenus des nouveaux mandarins du pouvoir en place. Ceci constitue un élément d'inquiétude pour leurs collègues qui sont restés dans la logique du combat pour la résistance.
Les trois grandes superstructures mobilisatrices de la société, c'est-à-dire les églises, les universités et les associations, ont été tellement fragilisées et flouées que l'intensité et l'adhésion populaire à la résistance a sensiblement disparu. Le caractère de contrepoids qui est l'essence même de la société civile s'est commuée en une "étroite collaboration" avec le pouvoir alors que la situation de la gouvernance publique, des droits de l'homme, de la vie sociale dégénère chaque jour davantage. L'insécurité, le chômage, la déscolarisation, l'analphabétisme, l'injustice, l'impunité, la corruption, etc. sont toujours permanents.

La nécessité et l'urgence de mener aujourd'hui une démarche de reconsolidation et de redéfinition de la société civile s'impose avec persistance. Un distinguo entre "la société civile d’en-haut" et "la société civile d’en-bas", pour reprendre la classification de François Houtart, doit être un objectif. Ceci exige par conséquent une nouvelle identification des partenaires, des acteurs au nord comme au sud mais aussi une nouvelle redéfinition de leurs rôles.