mercredi 5 septembre 2018

RDC: Cap vers les élections, cap vers de nouveaux mensonges…

Depuis une année et près de huit mois, c’est-à-dire depuis le 19 décembre 2016, date marquant la fin du deuxième et dernier mandat constitutionnel du président Joseph Kabila, les congolais attendent impatiemment d’aller aux élections générales pour renouveler une classe politique qui visiblement a échoué sur toute la ligne. Plusieurs dates ont été projetées et aucune d’elles n’a été celle du rendez-vous électoral, toutes ont été fausses et renvoyées aux calendes grecques pour des raisons politiciennes moins convaincantes.

A l’issue du dialogue politique piloté par les évêques catholiques, une autre date avait été convenue pour la tenue de ces élections politiques, le 23 décembre 2018. Depuis huit mois, à en croire les discours de la commission électorale nationale indépendante (CENI), on a l’impression que tout va bien dans les préparatifs et que rien ne pourrait plus empêcher l’organisation des élections. Les congolais veulent bien y croire mais il est des faits liés à l’environnement électoral qui créent des doutes sur la tenue effective de ces scrutins, leur crédibilité et leur caractère d’être libres, transparentes et démocratiques.

L’accord politique de la Saint-Sylvestre qui avait fixé la date de décembre 2018 pour la tenue de ces élections avait émis des conditionnalités sine qua non pour sa bonne tenue; par ailleurs, le calendrier électoral publié par la CENI était lui aussi assorti de 17 contraintes réparties en quatre axes qui devaient être toutes satisfaites pour espérer avoir des élections respectant les normes voulues. Où en sommes-nous par rapport à ces conditionnalités et contraintes? Il se peut qu’aujourd’hui, nombre de ces contraintes n’ont pas été vidées: la décrispation du climat politique, l’inclusivité, la libération du budget voté, la logistique, etc. A ce stade, seuls près de 25% du budget attendu a été libéré. Il ne reste plus que quatre mois de préparation, le gouvernement saura-t-il encore mobiliser tous ces millions restant et remplir le panier de la CENI? Entre-temps, l’on récuse toute aide extérieure susceptible de suppléer à ses efforts financiers dans l’organisation de ces scrutins sous prétexte que les élections relèvent de la souveraineté nationale.

Le climat politique reste très tendu, des arrestations arbitraires, les prisonniers politiques non libérés, l’astreinte aux libertés fondamentales, l’insécurité s’accroit. Au niveau politico administratif il y a surpolitisation des institutions et des services publics de l’Etat, un chambardement dans l’administration militaire du pays, un nouveau dispositif avec des officiers dont certains sont de repris de justice et d’autres avec un passé très chargé par des violations des droits de l’homme. Tout cela suscite de réelles inquiétudes?

Comme si de rien n’était…
Les partis politiques se mobilisent froidement

Et, comme si de rien n’était, les ambitieux du pouvoir se mobilisent plus que jamais sans s’en convaincre et dans une incertitude qu’ils ont du mal à cacher. Qu’il s’agisse de ceux qui sont au pouvoir ou de ceux qui y aspirent: personne n’assure ni ne rassure. Certains ont-ils peur de leur lendemain politique (être réélu) avec un peuple qui, à tout prix, veut sanctionner le régime pour n’avoir pas donné satisfaction à ses desiderata? D’autres ont-ils peur de se dépenser pour des élections d’office douteuses, non démocratiques et non transparentes?

L’imposition de la machine à voter par la CENI pose de grosses questions. Des voix fusent de partout (à l’interne et à l’externe du pays) pour la refuser. Mais hélas, la CENI fait la sourde oreille et annonce sans rire que sans cette machine à voter que d’aucuns qualifient de « machine à voler », il n’y aura pas d’élection le 23 décembre. Ceci explique en partie la raison de toutes les critiques acerbes qu’essuie cette institution d’appui à la démocratie. Autant cette machine à voter présenterait des avantages selon la commission électorale indépendante, autant elle risque d’être à la base des contestations post-électorales virulentes si son utilisation ne requiert pas le consensus voulu par les parties prenantes avant le temps. Faut-il des élections pour des élections ou des élections qui stabilisent le pays après décembre 2018 ?

Entre-temps, les jours avancent et le calendrier électoral va de plus en plus à rebours.

Le dépôt des candidatures: les ambitions se bousculent

Les candidats potentiels à la députation provinciale et nationale voire présidentielle s’organisent et construisent lentement encore des mensonges à vendre au peuple pour se faire élire. Beaucoup d’eux (elles), mêmes les plus problématiques, les moins solidaires et les moins humanitaires du quartier deviennent sages, sociaux(ales), entreprenant(e)s, solidaires, généreux(ses), attentifs(ves), etc. Des gens qu’on a plus revu depuis belle lurette manifestent encore leur présence et leur solidarité dans les quartiers… à bon mentir qui vient de loin dit-on.

Pour cinq cent sièges à l’Assemblée nationale, 15.515 candidatures à la députation nationale ont été reçues dont 56 déclarées non conformes, 102 rejetées pour différentes raisons évidentes. Donc 15.202 candidatures déclarées recevables et 283 irrecevables pour des raisons d’irrégularité soit formelle ou juridique. Pour la présidentielle, sur 25 candidatures reçues, 19 ont été déclarées recevables et 6 non recevables dont l’ancien vice-président et sénateur Jean-Pierre Bemba, les anciens premiers ministres Antoine Gizenga et Adolphe Muzito, tous deux du même parti politique le parti lumumbiste unifié (PALU), Samy Badibanga; Moka Paul et Yves Mounga. Plusieurs raisons ont été avancées par la CENI pour expliquer l’irrecevabilité de ces candidatures: défaut de nationalité d’origine, défaut de paiement de caution de 100.000 dollars américains non remboursables et 1.000 dollars aussi non remboursable pour les candidats députés, défaut de qualité pour agir (signature non conforme sur les fiches et les autres), condamnation par un jugement, conflit d’intérêt avec son parti politique ou défaut de qualité de la personne qui a signé sur les actes de procédure.

Le retour de la démagogie...


« Il faut craindre les grecs même quand ils donnent des cadeaux.»


Depuis 2006, l’expérience électorale et la subculture politique qu’elle suscite rappelle bien l’expérience de Pavlov et son chien. À chaque approche des élections, plusieurs personnes candidates deviennent de plus en plus généreuses qu’elles ne l’ont jamais été dans leur vie et dans leurs communautés respectives. Elles se rappellent par exemple que telle structure sanitaire a besoin de ceci ou de cela, que telle avenue ou tel autre quartier a besoin d’une servitude, des escaliers ou de ponts par ici ou des tôles pour telles écoles par-là, des ambulances, des livres, de l’éclairage public… et même à manger!
Pourtant la période légale pour la campagne électorale n’a pas encore commencé.
Depuis le dépôt des candidatures à la députation provinciale, nationale et présidentielle, des projets de réhabilitation de certaines bretelles de routes et autres infrastructures affluent progressivement sans que les bénéficiaires en aient cette fois exprimé une demande expresse, avec des mentions « Don de x à… ». Des candidats qui promettent monts et merveilles, ciel et terre, on en voit partout maintenant mais réellement sans projet de société sérieux. Des mots et rien que des mots mielleux. Des futurs candidats qui font des promesses au-delà de ce que la loi leur définit comme rôles. Bref, la politique du mensonge…

Cette générosité instantanée, saisonnière et intéressée et éphémère qui ne durera que trop peu de temps et n’a pour autre objectif que l’achat des consciences du peuple pour se faire élire. Aussitôt la campagne électorale terminée tout s’estompera : pour ceux qui sont parvenus à se faire élire ce sera le temps de récupérer leurs dépenses électorales et pour ceux qui auront échoué, ils déchanteront; tout cela constitue les bases des conflits interpersonnels, intra-groupes post-électoraux parfois virulent qu’il faut gérer.

« Affamez-les pour mieux les soumettre! »


L’un des plus grands défis de la démocratie congolaise c’est celui d’amener les électeurs à se défaire de cette pratique de votes achetés.

On sait que l’une des stratégies du régime en place a été d’affamer le peuple pour mieux le soumettre. Comment faire pour qu’au cas où il y aurait effectivement élections, les citoyens se passent de ces cadeaux empoisonnés et élisent sur base d’un certain criterium des programmes et des personnes intègres?

Comment faire pour quitter le snobisme électoral aveugle dans lequel les politiciens ont placé les gens lors des scrutins de 2006 et 2011.

Seule la fin justifiera les moyens. Tout cela ne sera évalué qualitativement qu’après les élections en décembre, si jamais elles se tiennent et que ses résultats reflètent le changement d’acteurs et de politique auquel aspire le peuple: mais rien n’est sûr. Le processus électoral en cours reste avec beaucoup d’embûches qu’il peut toujours basculer. D’ailleurs, une frange de la population et de certains acteurs ne cessent de réclamer une transition sans Kabila. Auront-ils raison sur le temps ? C’est ce que nous attendons de voir…

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