Certes, certaines paroles peuvent être malheureuses et
laisser croire à une telle dérive. Certes, il n’est pas totalement à exclure
que les souffrances, l’humiliation et les rancœurs accumulées ne se
transforment un jour en haine ethnique...
Il faut pourtant nuancer le propos et surtout analyser et
comprendre les tenants et aboutissants.
Les Congolais doivent
bien entendu être attentifs à ces dérives possibles, et aux sensibilités de l’opinion occidentale quand on évoque les mots de « génocide,
xénophobie… », d’autant que, nous y reviendrons, Kagame et son régime
usent habilement de ces sensibilités pour « vendre » le génocide et
obtenir jusqu’aujourd’hui un blanc seing des puissances occidentales pour ses
politiques de domination et de conquêtes. Il y a là une bataille de l’opinion
internationale, et occidentale en particulier, dont il ne faut pas minimiser
l’importance et l’impact.
Cela dit, il est nécessaire aussi de faire comprendre à
l’opinion publique la réalité des faits et veiller qu’elle ne réagisse pas de
façon excessive en fonction de son propre traumatisme non encore dépassé, suite
au génocide juif perpétré par les nazis.
Si des guerres tribales ont émaillé l’histoire des peuples
des grands lacs bien avant la colonisation, il est vrai également que les
échanges furent nombreux. Les différences ethniques existaient certes, et il
serait sot d’en nier la réalité et de n’attribuer celles-ci qu’aux politiques
colonialistes. Il n’en demeure pas moins que les colonisateurs usèrent
habilement de ces différences, et les ont exacerbées dans le but de diviser
pour mieux asseoir leur domination. Déjà alors ils ont favorisé des migrations
et déplacements de populations au gré de leurs intérêts économiques. Des
Rwandais furent ainsi massivement utiliser pour travailler dans les mines
Congolaises.
A la veille de l’indépendance encore, en 1959, plusieurs
vagues de Rwandais ont franchi la frontière pour s’intégrer et s’assimiler aux
populations locales, sans que ces dernières en fasse problème… Ils ont pu
intégrer la fonction publique, accéder à de nombreux postes de responsabilité
dans des secteurs divers, y compris dans des secteurs aussi stratégiques et
sensibles que la Police, l’Armée…Mobutu prendra même, durant de nombreuses
années, un directeur de cabinet Rwandais! Ils ont administré plusieurs
entités territoriales telles celles de Masisi, Rutchuru, Kalonge, les Hauts
plateaux de Kalehe, Mimenbwe... On pourrait multiplier les exemples de bon
accueil de ces populations congolaises, au regard desquels, soit dit en passant,
l’accueil réservé aux immigrés arrivant en France, en Belgique, en Allemagne… est
bien plus problématique.
Plus tard, les Congolais découvriront qu’invariablement, ces
Rwandais résidents envoyaient discrètement leurs garçons faire l’armée au
Rwanda, en Ouganda, en Erythrée…
Mais les choses basculeront vraiment dans la foulée du
génocide Rwandais de 1994 et des guerres qui s’en suivirent. Les Congolais accueilleront alors d’abord ceux qui fuyaient
les génocidaires, leur portèrent secours et les aidèrent, malgré leur peu de
moyens. Ils devront ensuite recevoir les génocidaires qui, protégés par l’armée
française, fuyaient l’avancée du FPR et ses massacres de masse commis en
représailles. Ils seront des centaines de milliers à s’entasser dans des camps
de réfugiés et à tenter de survivre, provoquant au passage une déforestation
dont les conséquences sont encore dramatiques.
Kagame prend le pouvoir. Médusés, les Congolais verront
alors une majorité de ceux qui vivaient parmi eux depuis des décennies, sous
l’appellation de banyamulenge, quitter de leur plein gré le Congo pour
rejoindre le Rwanda et servir le nouveau régime et cueillir sans doute les
fruits de la victoire… (Ils n’y seront d’ailleurs pas toujours si bien
accueillis…) Certains auront alors vendu maison et biens, déchiré leur carte
d’identité congolaise aux postes frontières de Kamenbe, Kiliba, Kaminvira…
Moins de deux ans plus tard, en 1996, ils reviendront en force
avec l’AFDL et l’armée Rwandaise. La population Congolaise connaitra alors les
pires brimades, humiliations et exactions diverses perpétrées par les mêmes
qu’ils avaient accueillis et hébergés auparavant!
Sollicitude trahie, bafouée, payée en retour par de nombreux traitements inhumains, dégradants et d’une cruauté inouïe. Là des femmes enterrées vivantes, ailleurs des corps vivants empalés sur des bambous, des viols d’une sauvagerie indescriptible. Des centaines de milliers de Congolais et plus sans doute, sont morts de ces guerres et de ses suites. Début des années 2000, dans le Sud-Kivu, le taux de mortalité infanto-juvénile était de 460/1000 !
En 2004, quand les bandes armées de Laurent Nkunda et
Mutebusi prirent Bukavu, on assistera dans certains quartiers à des ratissages
maison par maison, pillages et viols collectifs à l’appui. On ne compte pas les
fosses communes à Bukavu et dans la province.Sollicitude trahie, bafouée, payée en retour par de nombreux traitements inhumains, dégradants et d’une cruauté inouïe. Là des femmes enterrées vivantes, ailleurs des corps vivants empalés sur des bambous, des viols d’une sauvagerie indescriptible. Des centaines de milliers de Congolais et plus sans doute, sont morts de ces guerres et de ses suites. Début des années 2000, dans le Sud-Kivu, le taux de mortalité infanto-juvénile était de 460/1000 !
Ces dernières semaines, lors de la prise de Goma par le M23,
soutenu par Ougandais et Rwandais, les cruautés furent de retour, massivement.
Il n’y a pas plus de quatre semaines, une femme vendant de l’alcool dont le M23
venait d’interdire la vente, eut une altercation chez elle avec des hommes
armés du M23. Elle a été tuée, on lui a ouvert le ventre à la machette. On a tué
son bébé en lui tordant le cou et on placera son petit corps sur le ventre
ouvert de sa mère… D
Des récits de ce genre sont légion.
Tout cela s’est passé dans le silence assourdissant de la
Communauté Internationale.Des récits de ce genre sont légion.
A l’Est du Congo, nul mémorial pour honorer nos morts… Pendant
ce temps, le mémorial du génocide à Kigali fait recette et est visité par de
nombreux visiteurs qu’on veille bien à éviter qu’ils ne se posent des questions
sur les responsabilités et les ressorts du génocide rwandais. Et qu’il s’en
pose encore moins sur l’étrange sélectivité qui a présidé aux choix de la
présentation de plusieurs génocides de
l’histoire humaine.
Loin de nous de minimiser les faits de 1994, ni de simplifier
l’analyse de ceux-ci.Mais il nous est difficile d’avaler la propagande qui utilise ces horreurs de 94 pour cacher et mystifier l’opinion sur ses crimes d’aujourd’hui. De très nombreux Rwandais partagent cette opinion et sont les premiers à souffrir d’un Etat policier qui sévit et étouffe toute expression critique sur les inégalités sociales qui aujourd’hui, recouvrent très largement des différences ethniques dans ce pays, sous prétexte d’incitation à la haine en vue d’un nouveau génocide des Tustsis.
Les génocides d’hier
doivent être pleinement reconnus et il est indispensable de combattre le
négationnisme qui s’exprime parfois. Cela étant, ils ne peuvent pas non plus,
d’aucune manière, justifier les politiques criminelles menées par d’aucuns qui
s’en servent comme fond de commerce, que ce soit en Israël ou en Afrique
Centrale.
S’il est aujourd’hui une haine qui monte, c’est d’abord et
avant tout celle de l’occupant et de ses terribles exactions. Il se fait que
celles-ci soient imputables pour l’essentiel à une communauté ethnique qui
détient le pouvoir dans son pays. Cela fait-il de cette haine bien
compréhensible une haine raciale, basée sur des préjugés ethniques ? Nous
ne le pensons pas, même si nous sommes conscients des risques possibles de
dérive et du travail de conscientisation à réaliser sur cette question. Le
peuple Congolais sait bien qu’on ne peut incriminer le seul Rwanda et son
pouvoir dans les drames du Congo. Les responsabilités internes au pays sont
très lourdes. On sait aussi que le régime de Kigali ne pourrait rien faire s’il ne bénéficiait de la complaisance et de
l’appui de certaines puissances.
Il est urgent que la Communauté Internationale reconnaisse
pleinement les souffrances du peuple congolais et soit à ses côtés dans son
combat pour retrouver la dignité et des conditions décentes de vie et de
développement. Et que soient mises enfin
en place les conditions politiques pour qu’il en soit ainsi. Les Communautés
d’Etats, économique, ou autres, ne peuvent fonctionner valablement que sur
base de relations égalitaires entre les Etats. Si on souhaite qu’elles soient
durables et fécondes, elles doivent constituer une réelle avancée pour toutes les populations concernées.
Ce n’est pas, hélas, le chemin qui est pris.Les craintes sont grandes que les frustrations accumulées, la colère qui monte, l’humiliation insupportable ne dégénèrent et ne se transforment en violence aveugle et extrême.
L’Afrique des Grands Lacs reste une poudrière.
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