vendredi 15 août 2014

Les églises au Congo, un opium du peuple!

La configuration actuelle des églises ainsi que celle de leurs animateurs locaux n’offrent aucune chance à une quelconque libération du peuple congolais. Beaucoup de pasteurs sont devenus des collabos indéfectibles du pouvoir et des bourreaux du peuple. Que ce soit du côté des catholiques comme chez les protestants et autres. Le message de libération, d’amour du prochain apporté par Jésus-Christ et les autres croyances se trouve de plus en plus aliéné par des antis valeurs, qui gangrènent et caractérisent les églises et leurs hommes. Avec ces Eglises, aucune révolution n’est possible au Congo sauf si elles se ravisaient. Les comportements des pasteurs désorientent et déçoivent tellement le peuple qu’il se sent délaissé voire trahi par certains de ses bergers. Beaucoup de congolais attendent finalement des miracles célestes pour être libérés de la situation socio-politique critique qu’ils vivent.

D’après Cleas Nlemvo, hormis les partis politiques congolais, les églises de réveil présentent aussi un fort taux de pénétration en RDC. Leur nombre ne cesse de s’accroître, jour après jour. Vu leur prolifération, il paraît évident que ces groupuscules religieux deviennent une affaire lucrative dans laquelle les autoproclamés hommes de Dieu se remplissent les poches de toutes les manières possibles. Beaucoup d’églises sont pleines d’opportunistes en quête d’argent quelles que soient leurs origines. Les politiciens passent par elles pour se faire une base électorale en faisant des dons aux différents chefs spirituels (grosses sommes d’argent, voiture VIP, parcelle ou maison,…). Et là où il y a des résistances, ils opposent et divisent les acteurs religieux entre-eux. Ainsi on voit des prêtres qui, au nom des intérêts politiques privés, n’obéissent plus à leurs évêques malgré leur vœu d’obéissance; des pasteurs qui se disputent entre-eux et qui n’émettent pas un même point de vue sur certaines questions sociopolitiques, etc. Beaucoup de prêtres, voire des évêques, n’ont plus toute l’estime sociale ni même la sacralité qu’on leur reconnaissait il y a seulement quelques années.

Selon les statistiques de la division de la justice, jusqu’au 10 mai 2014, le Sud-Kivu comptait à lui seul 577 églises répertoriées, toutes tendances confondues (catholique, protestantes, églises de réveil et musulmans). Les églises de réveil foisonnent à l’instar des ONG, des associations sans but lucratif mais sont en réalité des associations à but lucratif.

La force des églises est que chaque citoyen congolais prie quelque part et est prêt à mettre en pratique les recommandations de son pasteur. Ceci est un atout qu’elles devraient exploiter pour aider le peuple de Dieu à travailler aux fins de se libérer des liens sociaux, politiques et « mystiques » au lieu de s’adonner seulement à la prière magique, salvatrice.

Les églises comme les écoles font partie de ce que le sociologue français Louis Althusser appelle les appareils idéologiques de l’Etat. Ces derniers, contrairement aux appareils répressifs d’Etat qui utilisent la contrainte, utilisent la persuasion pour assurer la légitimité de l’idéologie dominante. Ils ont pour fonction justement de produire et de diffuser l’idéologie de la domination.

Les Eglises congolaises actuelles, sous réserve d’une mince exception, jouent bien aujourd’hui ce qu’Antonio Gramsci a appelé la fonction intégrative de l’idéologie. Selon lui dans chaque système politique, il y a toujours une situation d’hégémonie à un moment donné de telle sorte que toute action contraire ou toute idée sont taxées de subversives. Cette hégémonie est souvent produite, assurée et diffusée par des intellectuels liés au pouvoir, les intellectuels organiques. C’est la domination des intellectuels. Et très souvent les classes ouvrières, celles des dominés, se joignent à ces intellectuels empêchant ainsi toute révolution de se faire. L’auteur continue et soutient que le lieu de rassemblement et de production de réseaux d’amitiés et de croyance qui empêche les dominés de percevoir leur situation de dominé, c’est l’église.

A l’Est de la RD Congo, certains chefs rebelles étaient eux-mêmes pasteurs, évangélistes ou fervents pratiquant ou croyant des églises protestantes. C’est le cas de Laurent Nkundabatware du CNDP, Jean-Marie Runiga du M23, Azarias Ruberwa du RCD/Goma,… La capacité de mobilisation reconnue aux pasteurs des églises est devenue très mitigée et discutable.

La situation de nos églises vue, vécue et analysée de très près est telle qu’elles sont tombées dans le guet-apens du capitalisme sauvage; devenues trop lucratives, du moins beaucoup de leurs animateurs, elles n’ont plus le message de libération et de liberté apporté par Jésus il y a 2000 ans. Beaucoup d’entre elles se sont laissé soudoyer par le pouvoir, elles ont reçu et reçoivent encore des biens et argent des politiciens... Il y en a qui ont un salaire mensuel dit-on. Les exemples sont légions. Bref, beaucoup d’elles sont devenues des lieux par excellence du lucre, des antivaleurs : corruption, mensonge, détournement, clientélisme, tribalisme qui a détruit l’universalisme reconnu à l’Eglise. Avec une interprétation alambiquée de la Bible.

Néanmoins, même si les choses semblent être les mêmes un peu partout, il sied de remarquer toutefois que l’église catholique demeure encore hiérarchisée et organisée en dépit de quelques dérapages regrettables de certains prêtres, certains évêques et beaucoup de fidèles. Elle manque de plus en plus d’autorité sur ses prêtres et fidèles. Les évêques catholiques restent unis sur la doctrine et l’enseignement de l’Evangile: unis, ils le sont à travers la conférence épiscopale des évêques du Congo « CENCO » mais cette unité semble être fragile surtout lorsqu’il s’agit des questions politiques nationales. Il n’y a pas souvent unanimité sur certaines prises de position politiques, pourtant il est clair selon Saint-Augustin, que la cité terrestre prépare à la cité de Dieu.

Les églises dites de réveil sont une création de la CIA américaine pour, non seulement fragiliser et contrecarrer l’église catholique, mais aussi pour distraire les populations afin qu’elles n’aient pas le temps de penser profondément à leur situation socio-politique mais qu’elles s’en remettent à la prière et à Dieu. C’est aussi une injection des germes de la pauvreté et du sous-développement dans la société puisqu’en s’adonnant trop à l’église, beaucoup oublient de travailler et pensent vivre l’évangile qui dit que les oiseaux du ciel ne cultivent ni ne moissonnent mais le Dieu du ciel leur donne toujours à manger.

Dans tout cela, le dommage pour l’église catholique qui perd progressivement sa puissance de conviction et de persuasion à cause de plusieurs raisons, pour vouloir arrêter le départ de ses fidèles vers ces églises de réveil, commence à les imiter lentement dans leur façon de faire, ce qui perd encore son authenticité. On doit plutôt réformer et élever la morale de l’église catholique pour qu’elle espère gagner encore la confiance de ses fidèles et les fidéliser davantage.

Pourtant si les printemps arabes ont réussi dans l’Afrique du Nord, c’est aussi grâce à l’implication et au soutien des leaders religieux aux mouvements des populations qui voulaient se libérer des régimes dictatoriaux.

Il va falloir que les églises congolaises s’inspirent bien de la théologie de libération qui a permis au peuple sud-américain de prendre conscience de sa situation et de briser les chaînes qui le liaient. Il faut changer le théisme avilissant par un théisme libérateur.

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