La République Démocratique du Congo (RDC) a connu jusque ce jour plusieurs gouvernements depuis son accession à l’indépendance. Différents régimes se sont succédés. Aucun de ces gouvernements n’a sorti le peuple de l’ordinaire jusqu’à marquer la mémoire collective. Pourtant chacun d’eux n’a cessé de vanter ses mérites… Et au peuple de toujours « on n’a rien vu… ». Est-ce par insatisfaction humaine ou par désespoir?
Le pays a connu et connaît encore plusieurs difficultés dans différents secteurs de la vie nationale que trop souvent l’on cherche à tempérer par des mises en place de nouveaux gouvernements. Chaque fois, à peine un chef de gouvernement a pu asseoir une certaine cohésion de son équipe pour l'efficacité de son action, qu’il se voit remplacer par un autre gouvernement, ou qu’on lui colle de nouveaux acteurs…
Matata serait-il l’oiseau rare que Kabila n’a cessé de chercher durant ses 13 ans de règne ? Est-ce vraiment l’homme de la situation pour les citoyens congolais ou pour les puissances internationales, prédatrices de la RDC?
On l’entend de la bouche de certains: excepté Patrice Lumumba, Matata Ponyo serait le Premier Ministre que le Congo n’ait jamais connu en termes de performances. Peut-être oui, peut-être non. Certes, par sa première équipe gouvernementale, on lui reconnaît quelques mérites sur le plan de certaines politiques/stratégies publiques du pays, par exemple, le processus de bancarisation (qui aura permis de canaliser des millions de dollars qui s’évaporaient des salaires du personnel de carrière de l’Etat ainsi que de l’armée et de la police surtout pour des milliers d’agents fictifs ainsi que des commissions sur les salaires), la stabilisation monétaire (car le taux du Franc Congolais est resté autour de 920 francs/dollar pendant plus de 3 ans d’affilée.), la victoire des FARDC fût-ce avec le concours diplomatique de la Communauté Internationale sur les M23 (Matata a disponibilisé des moyens de l’Etat pour une réelle prise en charge des unités combattantes au front du Nord-Kivu). Il y a lieu de se rappeler que cela n’a pas créé que des heureux dans les hautes sphères même dans le rang du pouvoir où certaines complicités étaient soupçonnées. D’aucuns pensaient même que cela allait coûter au Premier Ministre son fauteuil etc.
Mais hélas, les défis restent toujours incommensurables car l’insécurité est restée récurrente, le vécu quotidien demeure un casse-tête pour la majorité de la population congolaise qui doit vivre au jour le jour. Ceci pourrait transparaître dans les attitudes et comportements des millions des congolais appelés à passer dans la méditation les festivités de Noël et de Nouvel An 2015.
En décembre 2014, Matata Ponyo a été reconduit par ordonnance du Président de la République (Ordonnance n°014/078 du 07 décembre 2014 portant nomination des Vice-premiers Ministres, des Ministres d’Etat, des Ministres et des Vice-ministres) à la tête d’un gouvernement dit de cohésion nationale. A quoi le peuple doit-il maintenant s’attendre?
Après les concertations nationales de novembre 2013, sur 700 recommandations, l’une d’elle était de mettre en place un gouvernement de cohésion nationale, intégrant toutes les forces vives de la nation, à savoir le pouvoir, l’opposition et la société civile. Ce gouvernement aura attendu une année avant de sortir. Logiquement, il devra travailler pour les deux ans qui restent du mandat Kabila…
D’abord sur le plan de sa structuration, on ne sent pas la prise en compte sérieuse des préoccupations populaires ni de l’image du pays à l’extérieur. Ça sent l’incohérence et le manque de finesse politique. Tenez! Un gouvernement pléthore de 47 ministres. Des ministères décomposés et vides de contenus. Comment peut-on avoir un Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, un Vice-Ministre de la Coopération Internationale et de l'Intégration Régionale et y ajouter un Vice-Ministre des Congolais de l’Etranger sans alors penser à un Vice-Ministre des affaires étrangères qui s’occupe de l’administration de notre diplomatie? A quoi tout cela peut-il bien rimer?
La santé est une préoccupation importante de la population mais avec tous les problèmes de santé du pays et toutes les sollicitations nationales, régionales et mondiales il n’y a pas un Vice-Ministre de la Santé alors que le Chef de l’Etat sous la tribune de Nations Unies avait par exemple déclaré que le pays avait une grande expérience dans la lutte contre Ebola et qu’il allait créer une école de formation contre cette maladie mondiale. Mais rien ne se dessine qui puisse rassurer par ailleurs.
Comment concevoir tout un gouvernement qui se veut de cohésion nationale sans Ministère des Affaires sociales en son sein? Le Ministère des Affaires sociales est l’un des ministères clefs dans l’échafaudage de tout gouvernement qui veut répondre aux préoccupations sociales d'un pays dont les urgences et catastrophes sont le lot quotidien, d'un pays en proie aux guerres, aux conflits, aux catastrophes naturelles, d'un pays hautement vulnérable sur de nombreux autres aspects. Ceci est quand même paradoxal face à l’afflux d’ONGs internationales qui injectent des millions de dollars dans le social et l’humanitaire.
Sur le plan de l’éducation et de l'enseignement, il y a un Ministre de l’Ecole Primaire, Secondaire et Professionnel (EPSP) associé à l’initiation à la Nouvelle Citoyenneté mais aussi un Ministère de l’Enseignement Technique et Professionnel, ainsi qu’un Ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire et un Ministère de la recherche scientifique et technologique. Cette structuration prête et prêtera à confusion dans l’action des ministres commis à ces fonctions. Quelle est la différence entre ces ministères?
Ensuite, sur le plan politique, il y a eu violation grave de la Constitution. La Constitution consacre la parité mais ce gouvernement ne compte que 7 femmes contre 40 hommes. C’est injuste. Mais aussi sur le plan de la représentation régionale consacrée par la loi fondamentale, il y a un déséquilibre géopolitique. Certaines provinces sont mieux représentées que d’autres. C’est le cas, par exemple, du Katanga, du Maniema et du Bandundu…
Analyse faite, pareil déséquilibre est d’autant plus contre-productif dans une vaste RD Congo où l’on peut constater que les nominations-désignations tiennent moins sur l’expertise des acteurs mais sur leur provenance ou leur identité ethno-tribales. Le Katanga étant la Province du chef de l’Etat, le Maniema, celle du Premier Ministre lui-même et le Bandundu, celle d'Antoine Gizenga… Et par la suite, quand de nouvelles autorités sont nommées, elles évacuent le personnel engagé par leurs prédécesseurs et on revient indéfiniment à la case départ avec un manque à gagner financier incroyable...
Bref, ce gouvernement risque de fonctionner sur fond de frustrations internes et externes. Internes par rapport aux autres partis de la majorité présidentielle, externes par rapport aux autres couches de la population non représentées telles que les jeunes et les femmes ainsi que la vraie opposition qui réclame le vrai dialogue conformément aux accords d’Addis Abeba du 24 février 2013.
En quoi sera-t-il dès lors un gouvernement de cohésion nationale? C’est en effet, un gouvernement de tous les enjeux politiques pour le maintien ou non du Rais Kabila pour un autre mandat après ses deux mandats constitutionnels quoi qu’il en coûte. Cependant, en annonçant un gouvernement de cohésion nationale, il était de bon augure que d’autres concertations dans les regroupements et/ou entités politiques en présence se tiennent pour désigner leurs délégués au sein de ce gouvernement. Hélas, ce qui n’a pas été le cas car sitôt publié, l’UDPS, le MLC se prononçaient en faux pour le Vice Premier Ministre Thomas Luhaka et Germain K. Ces derniers ont été radiés illico de leurs partis respectifs et ne pourront les représenter au sein de ce gouvernement dit de cohésion nationale.
Enfin, sur le plan des individualités, l’entrée, le retour et le maintien de certaines personnalités au sein de ce gouvernement Matata 2 pose quelques questions à la population. A titre illustratif, Evariste Boshab, auteur du livre qui avait jeté le pavé dans la mare en disant qu’il y aura inanition de la nation congolaise si on ne donnait pas à Joseph Kabila un troisième mandat et défenseur acharné de la révision constitutionnelle, a reçu un ministère important. Il est Vice-Premier et Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité. En conséquence de quoi, il encourage la reconduction du Chef de l’Etat aux affaires. Il a actuellement en charge les Affaires Intérieures qui devra organiser le recensement de la population, gérer les élections, commander la police et les services de sécurité des personnes et de leurs biens mais aussi de toute la territoriale avec les chefs coutumiers et les entités territoriales décentralisées…
Il faudra retenir que sur le plan du parti politique, Boshab, Secrétaire Général du PPRD, parti présidentiel, est le chef de Matata Ponyo qui est cadre du même parti. Mais ce dernier est le chef du gouvernement… Le poste de responsabilité politique appartient au parti politique et pas aux individus… Enfin, en tant qu’originaire du Kasaï, province d’Etienne Tshisekedi, l’Opposant, sa désignation aux hautes fonctions de l’Etat ne pourra que détruire la cohésion au sein de l’électorat de ce dernier en faveur de l’actuel chef de l’Etat…
Par ailleurs, sur le plan pratique, le budget que le chef de l’Etat va promulguer était initialement conçu pour 37 ministres, maintenant on en a ajouté dix autres. Cela ne passera pas inaperçu quand on sait combien pèse en dizaines de milliers de dollars le coût mensuel pour un seul Ministère national et qu’en outre plus de la moitié (60%) du budget national serait consommé par les institutions de la République c-à-d la Présidence, le Parlement, le Sénat, etc... Le Parlement et le Sénat consommeraient ensemble 15.000.000 de francs congolais par mois pour leur fonctionnement (Emoluments, administration,…).
Quoi qu’il en soit, loin de nous tout pessimisme. Le nouveau gouvernement Matata 2 est quand même un gouvernement des plus atypiques qui donne lieu à de fortes spéculations portant sur une cabale ourdie contre tout un peuple au regard de son architecture telle que remodelée, de la carrure des animateurs clefs remis sur scène, de la position prononcée du gouvernement face à l’attention portée par la communauté internationale aux dangers d’une révision de la Constitution, aux pamphlets faits à la CENCO suite au message de fermeté des évêques aux chrétiens catholiques...
Tout ceci ne présage pas de bonnes choses pour la population ordinaire mais plutôt un véritable stratagème en vue de perpétuer/pérenniser l’actuel pouvoir aux affaires d’Etat.
Dorénavant, le dernier mot revient au peuple en tant que souverain primaire. Celui-ci doit être encadré pour éviter de glisser dans des débordements où la seule violence pourrait se transformer en mouvement anarchique et être contre productive pour une véritable transformation de la société.
Wait and see, dit-on...
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