Des cours constitutionnelles "politisées ou politiques"?
Dans la plupart des états qui comptent parmi leurs institutions une cour constitutionnelle, le contentieux électoral est attribué à différentes étapes au juge constitutionnel. L’étendue des compétences des cours constitutionnelles en matière électorale est assez diverse selon l’état (1).
De manière générale, les attributions des cours constitutionnelles sont principalement liées à l’exercice du contrôle des normes. Le contentieux des élections a pour objet la vérification de la régularité des actes électoraux et de la validité des résultats des scrutins. Il peut aboutir à la confirmation, à la réformation ou à l’annulation de l’élection. Son originalité réside essentiellement dans la nature des pouvoirs conférés au juge (2).
Qu’est-ce que les peuples africains peuvent encore attendre ou espérer des différentes cours constitutionnelles qui s’éloignent davantage de leur mission originelle qui est de rendre une justice juste, et de ce fait, d’accompagner la consolidation de la démocratie? L’évidence de l’inféodation de la justice à la politique en Afrique n’est plus à démontrer. Les cours constitutionnelles en Afrique, plutôt que d’être les piliers principaux de la démocratie, adoptent des attitudes qui la contrarient voire qui la dénient. Où est passée l’indépendance de la justice dans ce continent?
"De manière générale, les attributions des cours constitutionnelles sont principalement liées à l’exercice du contrôle des normes. Toutefois, le prestige du juge électoral et sa position privilégiée dans le système juridictionnel ont incité le constituant et le législateur à lui confier de surcroît des compétences importantes en matière électorale" dit Snejana Sulima dans son article sur le rôle des cours constitutionnelles dans les scrutins politiques.
De ce fait, la justice électorale, en fonction de son objet spécifique, peut souvent comporter un fort caractère politique. "L’intervention d’un organe indépendant comme la cour constitutionnelle pourrait pourtant apporter l’impartialité et l’objectivité indispensable au jugement" poursuit Sulima.
Dans les pays africains, il est aujourd’hui établi que les cours constitutionnelles sont de plus en plus des caisses de résonnance ou des instruments du pouvoir politique. Des outils de conservation des pouvoirs illégitimes le plus longtemps possible. Elles sont des cartes introduites dans le jeu politique, à un moment bien précis, pour agiter et dénier la démocratie. Les illustrations en sont nombreuses: la Côte d’Ivoire en 2010, le Congo-Brazza en 2016, le Burundi en 2015, la RDC en 2016, le Gabon en 2016,...
Cela s’explique par le fait que les animateurs de ces cours sont des clients politiques nommés par des dirigeants aux gênes dictatoriaux, avec pour mission vicieuse de les maintenir au pouvoir au-delà des mandats constitutionnels. Elles fonctionnement donc de manière clientéliste sur base du principe de "parallélisme de forme" ou de "la théorie de l’acte contraire", c’est-à-dire celui qui nomme, c’est celui qui révoque. C’est cela qui fonde toute leur allégeance aux politiques au mépris de leur mission.
On a l’impression, malheureusement évidente, que les animateurs ne sont pas nommés pour rendre justice dans des conflits qui relèvent de l’application de la constitution mais que leur nomination relève d’une stratégie politique de tripatouiller les principes démocratiques (universels et constitutionnels) en inversant leur compréhension au mépris de la volonté du peuple. La constitution se trouve au sommet de la hiérarchie des normes nationales. Sa complexité, sa précision ou au contraire ses flous donnent au juriste constitutionnaliste, la possibilité d’en jouer dans l’intérêt du politique et avec sa complicité. Comme qui dirait "Dis-moi ce que tu veux, je te dirai comment y parvenir!"
Ce tripatouillage s’appelle parfois "interprétation" ou "arrêt" de la cour constitutionnelle… Ces interprétations ont souvent force de lois. Quand la cour constitutionnelle a parlé, il n’y a plus de recours. "Roma lukuta, causa finita". A l’époque romaine, lorsque l’empereur Caesar avait parlé, il n’y avait plus de cause à soulever, c’en était donc fini. Aujourd’hui lorsque vous contestez un arrêt de la cour (quel qu’il soit), vous êtes susceptible d’une infraction de rébellion dont la peine est sévère en RD Congo. Mahatma Gandhi disait pour sa part que lorsque vous constatez que les lois de votre pays sont des lois iniques, vous devez vous révolter, et d’ailleurs le droit de désobéissance civile est reconnu par de certaines constitutions en Afrique, bien que l’encadrement juridique de ce droit fasse problème encore...
Le comportement des cours constitutionnelles dans beaucoup de pays africains relance le débat sur les rôles, la responsabilité et le fonctionnement des institutions de la république dans la consolidation de la démocratie et ou de la dictature: comment faut-il appréhender aujourd’hui dans les réalités africaines, le principe de la séparation des pouvoirs cher à Montesquieu? Le pouvoir sensé arrêter le pouvoir? Sur le plan juridique, les cours constitutionnelles ont, dans le cadre de l'élection présidentielle, un rôle plus large que celui du contentieux et de la validation. Au Gabon avant le scrutin par exemple, la cour est consultée sur toute mesure ou décision concernant le scrutin. Et en sa qualité d'organisatrice, elle valide et dresse la liste officielle des candidats.
Que ce soit au Niger avec l’affaire Tandja, en Côte d’Ivoire avec la décision rocambolesque du conseil constitutionnel du 3 décembre 2010 proclamant la victoire de Laurent Gbagbo, au Gabon d’Ali Bongo en septembre 2016 le proclamant vainqueur contre Jean Ping, au Congo Brazza de Sassou Ngwesso en 2016 après 15 années au pouvoir, au Burundi avec la décision de la cour constitutionnelle du 4 mai 2015 autorisant Pierre Nkurunziza à briguer un 3e mandat, ou qu’il s’agisse encore du conseil constitutionnel sénégalais et de sa fameuse décision controversée du 29 janvier 2012 sur le 3e mandat inconstitutionnel d’Abdoulay Wade ou de la décision en certains points similaires du conseil constitutionnel burkinabé du 14 octobre 2005, ou enfin au Congo Kinshasa de Joseph Kabila en 2016 avec l’interprétation de l’article 70 de la constitution… il faut reconnaître que nombreux sont les juges constitutionnels à avoir montré leur insuffisance, leur incapacité même à constituer à un véritable contre-pouvoir.
La perversion du droit constitutionnel est largement utilisée en Afrique, surtout francophone. Beaucoup d’arrêts et ou avis rendus par les différentes cours constitutionnelles dans le cadre des élections ont souvent plongé les pays dans une spirale de violences meurtrières, ou à tout le moins dans des polémiques publiques fortes liées soit à l’interprétation "politisée" de la constitution, soit à la confirmation de faux résultats électoraux.
En RD Congo, l’article 70 de la constitution dit ceci: "Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu." Mais dans son arrêt rendu le 11 mai 2016 et lu par son président Benoit Luamba, la cour l’interprétant dit "suivant le principe de la continuité de l’État et pour éviter le vide à la tête de l’État, le président actuel reste en fonction jusqu’à l’installation du nouveau président élu".
Cette interprétation ignore volontairement le prescrit de l’article 73 de la même constitution qui dit : "Le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la Commission électorale nationale indépendante, quatre-vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice."
L’article 70 dit que le Président actuel reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu: on ne dit pas jusqu’à l’élection du nouveau président. L’installation suppose qu’il y a eu élection et qu’il y a eu un président élu, ce que Kabila n’a pas fait. Toute la polémique sur l’interprétation de la cour se cristallise à ce niveau alors que le citoyen lambda pense que la cour aurait dû trancher définitivement sans ambages. Cette interprétation favorise la majorité au pouvoir qui s’en prévaut, contre les avis largement partagés par une population qui interprète différemment ces articles.
In fine, cette situation pose la question des critères de nomination et de la constitution des membres des différentes cours dans les pays africains. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la nomination des membres de la cour relève du pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat, en tous cas dans nos pays africains. Ailleurs, cela se fait sur base d’une série des critères objectifs mais en Afrique, la plupart du temps, c’est sur le clientélisme et d’autres critères du genre identitaire, géopolitique et même sur base des liens familiaux. Au Gabon, par exemple, la présidente de la cour constitutionnelle Marie Madeleine Mborantsuo avait fait deux enfants avec feu président Omar Bongo Ondimba, père d’Ali Bongo le président actuel. L’opposant Jean Ping, quant à lui, a fait des enfants avec la sœur d’Ali Bongo et donc il est beau-frère de ce dernier et tous deux ont des liens transitifs et réflexifs de famille avec la présidente de la cour constitutionnelle gabonaise… Quelle neutralité ou indépendance attendre de ces juges nommés sur base des liens de famille?
En RD Congo il faut combiner le critère d’allégeance politique fort à celui du régionalisme dans la nomination des juges de la cour constitutionnelle. Tous ces critères subjectifs sont savamment utilisés par le régime pour s’en servir le moment venu de nuire à la démocratie.
Comment repenser le rôle et la responsabilité de la justice dans une Afrique jeune aspirante à la démocratie? Ou mieux, comment repenser le rôle des institutions publiques dans la consolidation de la démocratie africaine et l’effectivité de la séparation des trois pouvoirs classiques? Il faut retenir que dans la théorie du constitutionnalisme actuel, ces cours ou conseils sont un élément essentiel, si ce n’est primordial de l’équilibre des pouvoirs et de la limitation du risque de coup d’état constitutionnel.
La démocratie africaine est menacée par la surpolitisation des institutions et de l’administration publiques mais aussi par un populisme qui crée des hommes forts au lieu des institutions fortes. Par conséquent les gens sont derrière des individus au lieu d’être derrière les principes: on sacrifie les lois de la République au profit des intérêts égoïstes. Pour s’en sortir, les nouvelles générations devraient "se déconnecter" et "imposer de nouvelles règles du jeu" en empruntant les termes de l’économiste Samir Amin et Malcolm X. La démocratie, dit-on, est le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. C’est la seule règle de jeu que tout le monde devrait respecter.
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(1) Parmi les pays dans lesquels les cours constitutionnelles connaissent du contentieux électoral en conformité avec leurs constitutions on compte: l’Algérie, le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, le Gabon, Madagascar, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, la RD Congo, le Tchad, le Togo...
(2) Jean-Claude Masclet, Droit électoral, Presses Universitaires de France, Paris, 1989, p. 312.
De manière générale, les attributions des cours constitutionnelles sont principalement liées à l’exercice du contrôle des normes. Le contentieux des élections a pour objet la vérification de la régularité des actes électoraux et de la validité des résultats des scrutins. Il peut aboutir à la confirmation, à la réformation ou à l’annulation de l’élection. Son originalité réside essentiellement dans la nature des pouvoirs conférés au juge (2).
Qu’est-ce que les peuples africains peuvent encore attendre ou espérer des différentes cours constitutionnelles qui s’éloignent davantage de leur mission originelle qui est de rendre une justice juste, et de ce fait, d’accompagner la consolidation de la démocratie? L’évidence de l’inféodation de la justice à la politique en Afrique n’est plus à démontrer. Les cours constitutionnelles en Afrique, plutôt que d’être les piliers principaux de la démocratie, adoptent des attitudes qui la contrarient voire qui la dénient. Où est passée l’indépendance de la justice dans ce continent?
"De manière générale, les attributions des cours constitutionnelles sont principalement liées à l’exercice du contrôle des normes. Toutefois, le prestige du juge électoral et sa position privilégiée dans le système juridictionnel ont incité le constituant et le législateur à lui confier de surcroît des compétences importantes en matière électorale" dit Snejana Sulima dans son article sur le rôle des cours constitutionnelles dans les scrutins politiques.
De ce fait, la justice électorale, en fonction de son objet spécifique, peut souvent comporter un fort caractère politique. "L’intervention d’un organe indépendant comme la cour constitutionnelle pourrait pourtant apporter l’impartialité et l’objectivité indispensable au jugement" poursuit Sulima.
Dans les pays africains, il est aujourd’hui établi que les cours constitutionnelles sont de plus en plus des caisses de résonnance ou des instruments du pouvoir politique. Des outils de conservation des pouvoirs illégitimes le plus longtemps possible. Elles sont des cartes introduites dans le jeu politique, à un moment bien précis, pour agiter et dénier la démocratie. Les illustrations en sont nombreuses: la Côte d’Ivoire en 2010, le Congo-Brazza en 2016, le Burundi en 2015, la RDC en 2016, le Gabon en 2016,...
Cela s’explique par le fait que les animateurs de ces cours sont des clients politiques nommés par des dirigeants aux gênes dictatoriaux, avec pour mission vicieuse de les maintenir au pouvoir au-delà des mandats constitutionnels. Elles fonctionnement donc de manière clientéliste sur base du principe de "parallélisme de forme" ou de "la théorie de l’acte contraire", c’est-à-dire celui qui nomme, c’est celui qui révoque. C’est cela qui fonde toute leur allégeance aux politiques au mépris de leur mission.
On a l’impression, malheureusement évidente, que les animateurs ne sont pas nommés pour rendre justice dans des conflits qui relèvent de l’application de la constitution mais que leur nomination relève d’une stratégie politique de tripatouiller les principes démocratiques (universels et constitutionnels) en inversant leur compréhension au mépris de la volonté du peuple. La constitution se trouve au sommet de la hiérarchie des normes nationales. Sa complexité, sa précision ou au contraire ses flous donnent au juriste constitutionnaliste, la possibilité d’en jouer dans l’intérêt du politique et avec sa complicité. Comme qui dirait "Dis-moi ce que tu veux, je te dirai comment y parvenir!"
Ce tripatouillage s’appelle parfois "interprétation" ou "arrêt" de la cour constitutionnelle… Ces interprétations ont souvent force de lois. Quand la cour constitutionnelle a parlé, il n’y a plus de recours. "Roma lukuta, causa finita". A l’époque romaine, lorsque l’empereur Caesar avait parlé, il n’y avait plus de cause à soulever, c’en était donc fini. Aujourd’hui lorsque vous contestez un arrêt de la cour (quel qu’il soit), vous êtes susceptible d’une infraction de rébellion dont la peine est sévère en RD Congo. Mahatma Gandhi disait pour sa part que lorsque vous constatez que les lois de votre pays sont des lois iniques, vous devez vous révolter, et d’ailleurs le droit de désobéissance civile est reconnu par de certaines constitutions en Afrique, bien que l’encadrement juridique de ce droit fasse problème encore...
Le comportement des cours constitutionnelles dans beaucoup de pays africains relance le débat sur les rôles, la responsabilité et le fonctionnement des institutions de la république dans la consolidation de la démocratie et ou de la dictature: comment faut-il appréhender aujourd’hui dans les réalités africaines, le principe de la séparation des pouvoirs cher à Montesquieu? Le pouvoir sensé arrêter le pouvoir? Sur le plan juridique, les cours constitutionnelles ont, dans le cadre de l'élection présidentielle, un rôle plus large que celui du contentieux et de la validation. Au Gabon avant le scrutin par exemple, la cour est consultée sur toute mesure ou décision concernant le scrutin. Et en sa qualité d'organisatrice, elle valide et dresse la liste officielle des candidats.
Que ce soit au Niger avec l’affaire Tandja, en Côte d’Ivoire avec la décision rocambolesque du conseil constitutionnel du 3 décembre 2010 proclamant la victoire de Laurent Gbagbo, au Gabon d’Ali Bongo en septembre 2016 le proclamant vainqueur contre Jean Ping, au Congo Brazza de Sassou Ngwesso en 2016 après 15 années au pouvoir, au Burundi avec la décision de la cour constitutionnelle du 4 mai 2015 autorisant Pierre Nkurunziza à briguer un 3e mandat, ou qu’il s’agisse encore du conseil constitutionnel sénégalais et de sa fameuse décision controversée du 29 janvier 2012 sur le 3e mandat inconstitutionnel d’Abdoulay Wade ou de la décision en certains points similaires du conseil constitutionnel burkinabé du 14 octobre 2005, ou enfin au Congo Kinshasa de Joseph Kabila en 2016 avec l’interprétation de l’article 70 de la constitution… il faut reconnaître que nombreux sont les juges constitutionnels à avoir montré leur insuffisance, leur incapacité même à constituer à un véritable contre-pouvoir.
La perversion du droit constitutionnel est largement utilisée en Afrique, surtout francophone. Beaucoup d’arrêts et ou avis rendus par les différentes cours constitutionnelles dans le cadre des élections ont souvent plongé les pays dans une spirale de violences meurtrières, ou à tout le moins dans des polémiques publiques fortes liées soit à l’interprétation "politisée" de la constitution, soit à la confirmation de faux résultats électoraux.
En RD Congo, l’article 70 de la constitution dit ceci: "Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu." Mais dans son arrêt rendu le 11 mai 2016 et lu par son président Benoit Luamba, la cour l’interprétant dit "suivant le principe de la continuité de l’État et pour éviter le vide à la tête de l’État, le président actuel reste en fonction jusqu’à l’installation du nouveau président élu".
Cette interprétation ignore volontairement le prescrit de l’article 73 de la même constitution qui dit : "Le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la Commission électorale nationale indépendante, quatre-vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice."
L’article 70 dit que le Président actuel reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu: on ne dit pas jusqu’à l’élection du nouveau président. L’installation suppose qu’il y a eu élection et qu’il y a eu un président élu, ce que Kabila n’a pas fait. Toute la polémique sur l’interprétation de la cour se cristallise à ce niveau alors que le citoyen lambda pense que la cour aurait dû trancher définitivement sans ambages. Cette interprétation favorise la majorité au pouvoir qui s’en prévaut, contre les avis largement partagés par une population qui interprète différemment ces articles.
De l’indépendance des juges constitutionnels
In fine, cette situation pose la question des critères de nomination et de la constitution des membres des différentes cours dans les pays africains. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la nomination des membres de la cour relève du pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat, en tous cas dans nos pays africains. Ailleurs, cela se fait sur base d’une série des critères objectifs mais en Afrique, la plupart du temps, c’est sur le clientélisme et d’autres critères du genre identitaire, géopolitique et même sur base des liens familiaux. Au Gabon, par exemple, la présidente de la cour constitutionnelle Marie Madeleine Mborantsuo avait fait deux enfants avec feu président Omar Bongo Ondimba, père d’Ali Bongo le président actuel. L’opposant Jean Ping, quant à lui, a fait des enfants avec la sœur d’Ali Bongo et donc il est beau-frère de ce dernier et tous deux ont des liens transitifs et réflexifs de famille avec la présidente de la cour constitutionnelle gabonaise… Quelle neutralité ou indépendance attendre de ces juges nommés sur base des liens de famille?
En RD Congo il faut combiner le critère d’allégeance politique fort à celui du régionalisme dans la nomination des juges de la cour constitutionnelle. Tous ces critères subjectifs sont savamment utilisés par le régime pour s’en servir le moment venu de nuire à la démocratie.
Comment repenser le rôle et la responsabilité de la justice dans une Afrique jeune aspirante à la démocratie? Ou mieux, comment repenser le rôle des institutions publiques dans la consolidation de la démocratie africaine et l’effectivité de la séparation des trois pouvoirs classiques? Il faut retenir que dans la théorie du constitutionnalisme actuel, ces cours ou conseils sont un élément essentiel, si ce n’est primordial de l’équilibre des pouvoirs et de la limitation du risque de coup d’état constitutionnel.
La démocratie africaine est menacée par la surpolitisation des institutions et de l’administration publiques mais aussi par un populisme qui crée des hommes forts au lieu des institutions fortes. Par conséquent les gens sont derrière des individus au lieu d’être derrière les principes: on sacrifie les lois de la République au profit des intérêts égoïstes. Pour s’en sortir, les nouvelles générations devraient "se déconnecter" et "imposer de nouvelles règles du jeu" en empruntant les termes de l’économiste Samir Amin et Malcolm X. La démocratie, dit-on, est le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. C’est la seule règle de jeu que tout le monde devrait respecter.
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(1) Parmi les pays dans lesquels les cours constitutionnelles connaissent du contentieux électoral en conformité avec leurs constitutions on compte: l’Algérie, le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, le Gabon, Madagascar, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, la RD Congo, le Tchad, le Togo...
(2) Jean-Claude Masclet, Droit électoral, Presses Universitaires de France, Paris, 1989, p. 312.
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