dimanche 8 janvier 2017

RD Congo: l'issue d’un Dialogue à la croisée de l’absurde et/ou de l’impasse.

Crash à l’atterrissage!

Cette analyse devait paraître en septembre 2016. Il n’a pas été possible de la rendre publique. Nous vous invitons cependant à la lire pour mieux comprendre l’article suivant qui analyse les derniers soubresauts consécutifs à la signature de l’accord signé en RDC le 31.12.2016.

Voici une semaine que circule dans les salons politiques et les débats publics ce projet d’accord politique issu du Dialogue tel que remis aux participants du Dialogue pour analyse, approbation et publication. Bien au-delà des divergences de fond, ce ballon d’essai a vite été taxé d’assassinat pur et simple de la Constitution (sic Busa, député de l’opposition)… Pour les non-partants, l’actuelle situation (d’impasse pour les uns et d’absurde pour d’autres) était bel et bien prévisible. Mais, une partie des participants se dédit que c’est encore possible d'organiser l'élection présidentielle dans le délai alors que le Vice-président de la CENI vient de la déclarer pour 2018 dans les médias (1).
Dorénavant, ce projet d’accord en question tel que conçu, vient de susciter d’énormes méfiances jusqu’à être perçu comme étant une provocation de la majorité présidentielle, apprend-on. En substance, selon quelques juristes, le dit projet serait en violation de la Constitution dans beaucoup de points au seul but de "prolonger le contrat du chef au-delà de son mandat".

Quels signes avant-coureurs du crash ?

Le Dialogue pour les élections apaisées aura été décrété par le Politique et non pas par la volonté de la population et, de surcroît sur fond d’une crise qualifiée d’artificielle. Il va de soi dès lors que jusqu’à la fin du Dialogue, de fortes suspicions sur la sincérité de l’Accord persisteront. La tâche aura davantage été compliquée par le fait de non-inclusivité des sensibilités politiques au pays. En effet, si dans le chef des acteurs à l’écart du jeu, pareil dénouement était prévisible, cette fois, c’est dans le camp des pro-dialogues que les derniers soulèvements du 19 septembre 2016 appelant l’alternance, ont quelque peu suscité du recul. A contrecoup, la détermination des manifestants devant une répression sanglante de la Police et de l’armée aura poussé les protagonistes à plus de responsabilité dans la suite des travaux et probablement dans l’adoption finale dudit accord politique.
Par ailleurs, tant que le Dialogue et son accord politique ne régleront pas les problèmes sociaux (vitaux), le malaise persistera et ira de mal en pis, et les manifestations des différents groupes et mouvements citoyens se succéderont, de même que les représailles se poursuivront. Ce qui laisse à présager que pour les trois mois qui nous séparent de la fin 2016, le bras de fer pourrait se durcir malgré l’existence d’un accord monté entre politiciens. Ainsi, tant que la confrontation persistera entre les tenants du pouvoir et les manifestants, le risque d’in-gouvernabilité devra inévitablement contaminer toutes les provinces en signe de solidarité avec Kinshasa, la Capitale du pays. Ceci est dit par expérience du passé…

Ce jour, rien qu’en parcourant quelques déclarations incendiaires des porte-voix de la majorité présidentielle, on se rend de plus en plus compte que rien ne pourra empêcher l’actuel pouvoir de commettre davantage de bévues voire encore des pertes des vies humaines. Tout prête à croire qu’il s’y était plus concentré que de préparer les élections budgétées à 250 millions de dollars par an. Vraiment, rien n’empêchera ce Pouvoir d’utiliser son matériel pimpant neuf acheté de l’Ukraine en 2015 pour mater les manifestations publiques pendant que le budget d’éducation, de la santé sont restés à moins de 5% avec un taux de réalisation inférieur à 50%, et que celui de la Présidence de la République connaît chaque année un dépassement de plus de 250%. Devant cette situation, la communauté internationale semble moins menaçante, peut-être pour éviter d’être taxée de jouer à deux-poids-deux mesures face au silence qu’elle entretient vis-à-vis des cas similaires dans la région. (Rwanda, Burundi, Congo Brazzaville, Ouganda, et tout récemment le Gabon…)

L’objectif final des politiciens était de faire table rase, d’enterrer définitivement l’actuelle Constitution juste après le Dialogue. Encore une fois, l’inclusivité leur aura fait défaut.

Dans le contexte actuel où, le Président Joseph Kabila reste le seul maître de céans. On attend qu’il se prononce sur le fait qu’il ne se représentera plus, ou qu’il puisse libérer les médias, les prisonniers d’opinions, le socio-économique…Il se tait ! Comprenez donc qu’il agira à son gré, comme il l’entendra et quand il le voudra. Mais si la population est conscientisée sur ses droits et ses prérogatives régaliennes, les forces politiques attendront en vain le quitus du Président pour faire changer les choses. C’est clair, devant son obsession de rester au pouvoir, Monsieur le Président donne les allures de jusqu'auboutiste pour son maintien à la tête de l'État, tant que personne ne l'en empêche. Dans ces conditions, les chances d’une solution politique consensuelle pacifique deviennent minimes.
Au demeurant, si le Président et son camp ne le perçoivent pas encore, tout au moins les signes de temps sont déjà là pour le signifier et, l’histoire de ce pays regorge d’exemples depuis la fin tragique du règne de Mobutu. D’ailleurs, nombre d’entre les partisans de Mobutu œuvrent aujourd’hui aux côtés de l’actuel pouvoir.
Quant à la population, au bord du désespoir, elle s’en prend activement à la Communauté internationale, chuchotant que celle-ci connait tout ça mais qu’elle hésite, remet, attend pour se reprocher plus tard que : "Nous n’avons pas pu… Nous aurions dû…"

Voilà autant d’ingrédients qui poussent à penser à quatre scénarios tragiques et probablement réalisables soit cumulativement soit simultanément ou encore séparément. Tous les quatre dans l’optique de maintenir l’actuel régime. Dès lors, le Dialogue s’avère n’être qu’un leurre pour les populations mais un véritable deal pour les politiciens de la majorité, de l’opposition et dans la moindre mesure pour quelques acteurs opportunistes de la société civile plurielle.
Et dans ce cas, seuls les mouvements citoyens du genre de Filimbi, Lucha, les Indignés jouissant de plus d’indépendance, placés à l’écart de ce jeu seront encore crédibles pour porter les revendications légitimes de la population.

Quatre scénarios probables


Scénario 1: enlisement et pourrissement à la burundaise ou à la syrienne...

... où Bachar Alassad reste au pouvoir contre la volonté d’une partie de sa population et malgré les pressions internationales. C’est dans ce sens que le Président sortant pourrait à son tour tenter de trouver quelques soutiens externes qui pourraient le tirer d’affaires. Dans cette optique, en Afrique, on compte six chefs ayant intériorisé la même logique, dont le Rwanda voisin qui, par le passé, a bénéficié du règne du Président congolais. Rien de plus reconnaissant que de lui venir en aide dans ce sens! En rappel, dans une des grandes réunions des Nations Unies, on a suivi à la télévision le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki Moon s’adresser sciemment, en blaguant ou par mégarde, au Président Kagame, citant le Président de la RD Congo… Devant cette boutade peut-on se permettre de supposer ce dernier être pour Joseph Kabila ce que Poutine est pour Bashar Alassad?


Scénario 2 : tabula rasa, table rase

Ce serait pratiquement une rébellion qui devra tout effacer (trouble - terre brûlée - insurrection…) qui pourrait bénéficier de plusieurs bases arrières placées dans les pays voisins. Les guerres de 1998 ont permis au Rwanda, Burundi, Ouganda, Angola, Namibie, Zimbabwe d’entrer en RD Congo et pour s’en départir, il a fallu des années et d’âpres négociations internationales jusqu’au reniement de la souveraineté nationale. Aussi, à l’interne du pays on trouve encore plusieurs groupes armés nationaux et étrangers qui n’ont jamais déposé les armes et qui n’attendent qu’une étincelle sur une brindille pour accompagner une nouvelle rébellion sur le territoire congolais. Si ces rébellions ont décimé des milliers de personnes innocentes, nombre des personnalités actuellement aux affaires sont l’émanation de ces guerres d’agressions et des rébellions de 1997 à nos jours. Que de fois on a entendu que, pour être considéré et avoir des avantages dans ce pays, il faudrait avoir son groupe armé pour faire entendre sa voix. La guerre leur a payé mieux que ce qu’un homme ordinaire pourrait gagner dans des situations normales. En effet, c’est pendant les guerres aussi que certaines personnes, quelques firmes ont eu à s’enrichir follement. A force de l’usure, quelques mouvements citoyens à la une n’hésiteraient pas d’être tentés à prendre part à ce festin pour autant qu’ils prétendront de l’intérieur mettre fin à l’injustice et aux inégalités. On peut penser que ce scénario serait le plus probable car il occasionnerait encore une fois l’invasion du pays par les nostalgiques de leurs temps de gloire à réitérer leur exploit et en tirer des dividendes. Ceci parce que le peuple congolais a plus que tout horreur de la guerre et a accepté toute concession pour éviter la guerre. Le gouvernement atypique 1+4 en a été une illustration. Mais aussi, pour gagner les élections de 2006 avec un score olympique de plus de 80% du suffrage exprimé dans les provinces de l’Est endolories par les multiples guerres répétées, l’actuel pouvoir et même les églises disaient que voter pour Joseph Kabila était voter pour la paix et le contraire était entendu voter pour la guerre. L’actuel pouvoir est le produit de la rébellion, en majeure partie appuyée par le Rwanda. Les derniers événements de ces deux années passées pourront mieux illustrer la question: en janvier 2015 et septembre 2016, destructions importantes sans réserve ni respect des réalisations du pouvoir, morts avec l’appui des acteurs du secteur de sécurité (PNC, FARDC, ANR, DGM, GR…).

Scénario 3: un coup de force (coup d’état civil ou militaire)

Déjà, à l’aube de l’Indépendance de ce pays, pendant que les congolais raffolaient de la fin de la colonisation pour enfin aspirer à un idéal de liberté et de leur souveraineté, Mobutu, appuyé par les mêmes grandes puissances colonisatrices déboutera le gouvernement Kasavubu et Lumumba sera tué. Présentement, le probable coup de force serait monté et réalisé par des acteurs loin de tout soupçon d’être de mèche avec l’actuel pouvoir. En gage de réussite, le putschiste pourrait même habiller les desideratas des communautés pour s’attirer la sympathie de la population au départ, quitte à être dévoilé plus tard à partir des actes et des positions en contradiction avec quelques questions de souveraineté nationale. La caution de la Communauté internationale (les faiseurs des rois) sera indispensable. Au fait, pour que ce coup de force survive, le putschiste serait potentiellement de l’obédience de l’actuelle écurie qui a beaucoup d’intérêts existentiels à protéger et des vies à sécuriser. Ceci au regard du fait que jusqu’à quelques jours de la fin de son mandat, le Président n’aura pas proposé à son camp un seul dauphin qui ferait sa succession comme il est acquis que l’actuelle constitution ne lui autorise pas de postuler malgré son obstination à se maintenir. De ce coup d’état, il surgirait un outsider qui feindrait tout au début d’être l’homme de changement mais qui par la suite ne sera placé que pour protéger les intérêts des pays voisins ainsi que ceux de certains partenaires internationaux à travers tant de contrats signés pour des décennies…

Scénario 4: Les élections dans un court délai

Devant une pression constante, et seulement si elle est bien canalisée, le camp présidentiel (MP) pourrait toujours arriver à précipiter l’organisation les élections à la sauvette. Ceci juste pour couper l’herbe au pied des négociateurs dans le cas où ces derniers arrachaient une transition sans JK. Ceci serait autant possible au regard de l’arrivée des kits électoraux qui sont en train de venir au pays ces derniers jours. C’est curieux que tout en invitant la population à l’apaisement la communauté recommande de faire le Dialogue dans le respect de la Constitution et de la résolution 2277 des Nations Unies. Difficile de comprendre quand on sait que l’Accord Politique tel que conçu ne pourra cheminer de pair avec la Constitution. Mais si la pression s’éternisait ; ils pourront rapidement les organiser et, au besoin les boutiquer à partir de la base où ils auront placé les leurs dans les nouvelles circonscriptions.

En définitive

La question à ce niveau serait de savoir lequel des 4 scénarii (enlisement-pourrissement, table rase, coup d’état, ou élections à la sauvette) serait porteur de moins de casses en premier pour les plus forts (occidentaux et leurs alliés) et ensuite porteurs du moins d’effets collatéraux dans la communauté congolaise meurtrie. Toutefois, il n’est pas exclu que, dans tous ces scénarii, la répression puisse être de la partie car le pouvoir manifeste actuellement beaucoup d’agressivité.
Pour mémoire, en 2001 pour faire passer sans casse l’actuel chef de l’Etat à la tête du pays, ses mentors, qui maîtrisaient bien la politique du Congo savaient que le défunt Kabila était aimé de son peuple. C’est ainsi qu’il a fallu montrer que le jeune président entrant, fils de son père, en était l’émanation. Dans les cérémonies d’intronisations coutumières on dit souvent: "Le roi est mort, vive le roi".
Mais comme aujourd’hui on sait que la plupart des congolais ne veulent plus de celui-ci, on a tenté de créer une opposition factice avec Moïse Katumbi, les G7, qui jusqu’à ce moment ne semble pas avoir emballé la majorité du peuple congolais. Ce qui mettrait cette communauté internationale dans l’embarras.
Dans certains milieux on a entendu dire que: "le Président Joseph Kabila serait le dernier président de la RD Congo sous l’actuel format d’un Congo uni." En d’autres mots, après lui, c’est le Congo en morceaux. Mais à lire dans le passé, on se rend tout de même compte que c’est dans des moments comme celui-ci que les congolais montrent qu’ils sont unis. Dans nos conclusions en rapport avec les élections passées au pays, nous avions révélé que "si les élections ont divisé les congolais avec l’éveil de l’identitaire territorial/tribal, par contre la guerre et les autres rébellions les ont plus poussé à l’unité". Ce qui a permis de désillusionner les tenants de la thèse de la balkanisation de l’est pour aider le Rwanda.
29/09/2016

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(1) 
Propos de Norbert Basengezik recueillis sur la Télévision nationale ce vendredi 30 septembre devant la diaspora congolaise de l’Afrique du Sud où ce dernier se trouvait en mission officielle d’acquisition du matériel.

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