mardi 14 mars 2017

La parité homme-femme, vœu pieux en RD Congo!

Les promesses aux femmes et le pouvoir aux hommes…


Le mois de mars est un mois consacré à la promotion des droits de la femme à travers le monde. Ce mois suscite beaucoup de jubilations mais peu de questionnement. Questionnement sur les succès et les ratés dans le combat pour les questions du genre et de la parité. Souvent, le faste du 8 mars s’est réduit dans certains coins du globe, en RD Congo par exemple, au phénoménal. Pourtant, les questions du genre et de la parité homme-femme dans ce pays sont encore une pilule amère à avaler dans la vie nationale en dépit des nouvelles lois ainsi que les différents discours politiques prononcés çà et là par les différents acteurs socio-politiques. Les avancées sont réelles, si on compare à la situation d’il y a trente ans, mais elles sont maigres. Faut-il en rester là ?

La Constitution congolaise, en son article 14, souligne que la femme congolaise a droit à une représentativité équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales, que l’Etat garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions. Tandis que la loi n°15/013 du premier août 2015 portant modalités d’application des droits de la femme et de la parité à son article 4 stipule que l’homme et la femme jouissent de façon égale de tous les droits politiques, que la femme est représentée d’une manière équitable dans toutes les fonctions nominatives et électives au sein des institutions nationales, provinciales et locales, en cela y compris les institutions d’appui à la démocratie, le conseil économique et social ainsi que les établissements publics et para-étatiques à tous les niveaux. A cette liste, il faut ajouter la résolution 1325 des Nations Unies ainsi que d’autres traités et accords internationaux sur les droits des femmes ratifiés et signés par l’Etat congolais. Tout cela paraît bien beau pour être vrai. Les femmes sont toujours à la traîne dans les postes de prise de décision, avec une faible représentation non conforme au prescrit des lois de la république.

Pour s’en rendre compte, passons en revue la représentation (1) de la femme dans les différents gouvernements qui se sont succédé les dix dernières années du règne Joseph Kabila :
  1. Le gouvernement Antoine Gizenga 1, du 5 février 2007 au 25 novembre 2007, soit 293 jours avec six ministres d’Etat dont 0 femme; 34 ministres dont 4 femmes et 20 vice-ministres dont 5 femmes qui fait un total de 9 femmes soit 15% de femmes;
  2. Le gouvernement Antoine Gizenga 2, du 25 novembre 2007 au 7 octobre 2008, soit 320 jours avec six ministres d’Etat dont aucune femme; 34 ministres dont 4 femmes et 20 vice-ministres dont 5 femmes, ce qui donne un total de 9 femmes soit 15%;
  3. Le gouvernement Adolphe Muzito 1, du 26 octobre 2008 au 19 février 2010, soit une année et 116 jours avec 3 vice premiers ministres dont zéro femme; 37 ministres dont 3 femmes et 13 vice-ministres dont une femme. Au total 4 femmes, soit 7,5%;
  4. Le gouvernement Adolphe Muzito 2 ,du 19 février 2010 au 11 septembre 2011, soit une année et 204 jours avec 3 vices ministres dont zéro femme, 33 ministres dont 4 femmes et 7 vices-ministres dont une femme, ce qui donne un total de 5 femmes soit 11,6%;
  5. Le gouvernement Adolphe Muzito 3, du 11 septembre 2011 au 6 mars 2012, soit 117 jours avec 2 vice ministres dont zéro femme, 32 ministres dont 3 femmes et 10 vices-ministres dont 2 femmes qui fait un total de 5 femmes soit 11,4%;
  6. Le gouvernement Augustin Matata Ponyo 1, du 6 mars 2012 au 7 décembre 2014, soit deux ans et 276 jours avec 2 vices premiers ministre dont zéro femme, 26 ministres dont 3 femmes et 8 vices-ministres dont 2 femmes qui font un total de 5 femmes soit 13,9%;
  7. Le gouvernement Augustin Matata Ponyo 2 du 7 février 2014 au 16 décembre 2016, soit deux ans et neuf jours avec trois vice premiers ministres dont zéro femme; deux ministres d’Etat dont aucune femme; 33 ministres dont trois femmes et dix vice-ministres dont trois femmes également qui fait un total de 6 femmes soit 12,5%. Et de ces six femmes, une d’elle n’avait occupé son poste que neuf mois et dix-huit jours soit du 7 décembre au 25 septembre 2015 avant qu’elle ne soit contrainte à la démission.
  8. Le gouvernement Samy Badibanga du 20 décembre 2016 jusqu’au moment où nous écrivons cet article, avec trois vice ministres dont aucune femme, 7 ministres d’Etat dont zéro femme, 34 ministres dont 5 femmes et 23 vices-ministres dont 2 femmes seulement, ce qui donne un total de 7 femmes soit 10,4% de représentation.
Il ressort de ce tableau qu’aucun gouvernement durant les deux mandats constitutionnels de Joseph Kabila n’a respecté le pourcentage légal reconnu par la Constitution de la République qui parle de 30% de femmes dans les institutions et la loi sur la parité qui veut que les femmes soient à 50% dans les institutions.

Quelles en sont les causes ?

Certaines raisons expliqueraient cette insuffisance manifeste de la participation de la femme à la gestion de la chose publique:


Le manque de volonté politique des hommes

Cette situation s’explique donc fondamentalement par le manque de volonté politique de la part des hommes au pouvoir qui, non seulement n’ont pas la culture du respect des textes légaux et de la parole donnée, mais aussi se cachent derrière la tradition africaine qui n’a pas donné assez de rôle visible à la femme. Son rôle aussi important dans la société est toujours resté discret. Pourtant, "Autre temps, autre mœurs" dit-on. Il faut ajouter l’égoïsme masculin qui fait croire que la politique est un domaine réservé. Dans les partis politiques par exemples, les femmes n’occupent quasiment pas de postes à responsabilité qui les mettent au-devant de la scène politique pour la visibilité et ainsi les prédisposaient à être ciblées en cas de nomination politique.

La mauvaise perception de l’approche genre et parité homme-femme par les femmes elles-mêmes

Il faut admettre que du côté des femmes congolaises, l’approche genre et parité a été mal comprise et confondue par certaines à l’égalité de sexe, voire à une sorte de revanche contre l’homme en essayant aussi de le dominer. Ce genre d’attitude et de comportement a fait que ces notions ont été jusqu’aujourd’hui mal accueillies par la société puisque certaines femmes sont allées jusqu’à compromettre leur vie sociale dans leurs foyers pour la plupart. En Afrique, on ne s’appartient pas, on appartient à la communauté, or le mariage est une grande valeur de la communauté qui doit être protégée au-delà de tout. Ainsi le mauvais écho que cela a donné, c’est qu’une femme politique est une femme impossible, divorcée, dominatrice. Conséquence, les femmes ne se soutiennent ni ne se supportent entre-elles pour arracher ce que les hommes leur ont ravi. Cela est plus visible pour la femme rurale que pour la femme urbaine. La guerre froide entre la modernité et la tradition domine encore le combat pour la promotion de la femme.

La vulgarité de la politique

La société congolaise est convaincue qu’éduquer une femme c’est éduquer toute la nation. Or, de plus en plus, la politique est prise dans son sens le plus vulgaire comme une activité sale, dégradante, renvoyant à des calculs stériles et dangereux pour la société, de bavardage interminable et des ambitions démesurées ou effrénées. Un domaine qui exige que la femme abandonne sa famille la nuit comme le jour et parfois pour de longs moments pour aller répondre à ses obligations politiques. Cette vision entortillée des choses porte préjudice au combat pour l’égalité de chance entre homme et femme congolais.


On n’oublie pas la pauvreté économique de la femme qui fait d’elle le maillon faible de la communauté et la place dans une situation de dépendance vis-à-vis des hommes politiques qui ont l’argent, sale ou pas, et qui l’utilisent pour manipuler intentionnellement la femme par trafic d’influence ou achat des consciences jusqu’au point où celle-ci oublie momentanément la discrimination dont elle est victime depuis des années.

Voilà pourquoi, cette parité, tant chantée au Congo, reste un rêve. Les femmes ne reçoivent que des promesses mais lorsqu’il s’agit du partage des responsabilités politiques, toutes les manœuvres sont activées pour que le pouvoir reste une chasse gardée des hommes.

Le travail d’éducation et de sensibilisation des masses devra commencer dans nos familles respectives et remonter dans tous les appareils idéologiques de l’Etat tels l’école, les universités, les églises pour qu’on arrive un jour à l’effectivité intégrée de la parité homme-femme dans la société congolaise… Mais qui a intérêt que cela soit ainsi fait?

Un proverbe africain dit que tant que les animaux n’auront pas leurs propres historiens, les exploits de chasse racontés par les chasseurs ne seront jamais corrects. Les femmes et les hommes acquis à la cause de la femme doivent se battre éperdument pour que la parité homme-femme devienne une réalité à tous les niveaux de la gouvernance du pays. Le combat pour l’effectivité de cette parité est loin d’être gagné en République démocratique du Congo.

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(1) Déclaration de la composante femme de la société civile du Sud-Kivu sur la participation de la femme congolaise à la gestion de la chose publique en RD Congo rendue publique le 25 janvier 2017.

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