Entre le « J’y suis et j’y reste » et le « Ôte-toi de là que je m’y mette »...
L’envol de la démocratie au Congo est toujours tiré par le bas par les politiciens congolais qui ne jurent qu’au seul nom de leurs intérêts et ambitions personnelles.
Pour rappel, après 1990, vint la conférence nationale souveraine (CNS) ce grand concert politique, qui prit 18 mois de discussions sans fin, entre politiciens dont beaucoup se battaient pour des positionnement politiques alors que tous avaient directement ou indirectement géré le pays avec Mobutu. Ce sont toujours les mêmes qui se battent encore aujourd’hui depuis Laurent–Désiré Kabila jusqu’à Joseph Kabila, pour continuer à piller le pays tout en créant des situations chaotiques. Tous des pêcheurs en eau trouble. Bref, nous aurons vécu trois bonnes décennies de confusion politique générale et généralisée dont le pays ne s’est jamais libéré à en croire l’actualité aujourd’hui.
Toutes ces périodes d’acharnements entre politiciens ont la plupart du temps été gérées par des compromis politiques (accords) souvent équivoques, et précaires sur le fond, la forme et encore plus dans l’application toujours au détriment de la constitution. Cela serait-il devenu une seconde nature de la politique congolaise?
La CNS a conduit à une transition politique avec des institutions telle que le Haut Conseil de la République - Parlement de Transition (HCR-PT) dirigée par Monseigneur Monsengo Pasinya Laurent alors archevêque de Kisangani. Ensuite, ce fut les guerres de libération (AFDL) et de rectification (RCD) qui donnèrent lieu à une autre transition de près de 4 ans convenue au dialogue inter congolais tenu à Sun City en Afrique de 2001 à 2003 avec un régime spécial de 1+4 soit un Président de la République et quatre vices-présidents, matérialisé dans tous les services publics de l’Etat. Cette transition déboucha sur l’organisation de l’élection référendaire de la constitution du pays et des premières élections libres en 2006 et 2011. Mais l’organisation du référendum constitutionnel et des élections n’a jamais été une garantie de stabilité politique, du bien-être de la population et de consolidation démocratique. On est toujours dans l’éternel retour… Nous avons aussi vu et vécu les accords issus des concertations nationales en 2014 qui ont produit près de sept-cent recommandations et qui, malheureusement, ont accouché d’une souris, puis le dialogue de la cité de l’OUA avec l’accord du 18 octobre 2016, ensuite le dialogue du centre interdiocésain sous la médiation de la conférence épiscopale du Congo (CENCO) qui continue à défrayer indéfiniment les chroniques. Ce dialogue aux accords qui vont marier l’opposition et la majorité dans un seul gouvernement d’union nationale et qui crée en outre, une autre institution d’appui à la démocratie, le comité national de suivi des accords qui devait être dirigé par le sphinx Etienne Tshisekedi que la mort a rappelé le mercredi 1er février 2017 à Bruxelles. Tout cela sans que la vie des citoyens congolais ait connu un moindre signal d’amélioration. La mort d’Etienne Tshisekedi va changer la donne au niveau des accords déjà signé et même dans le paysage politique congolais.
Les dialogues sans fin… pour quelle raison ?
Aristote et Platon entendaient par politique, l’art de faire du bien ou l’art de pacifier la société en lui évitant les guerres et les divisions. Les princes de l’Eglise catholique congolaise s’y déploient en organisant un deuxième dialogue plus inclusif au centre interdiocésain de Kinshasa qui a débouché sur un accord dit de la « Saint Sylvestre » entre les différents acteurs politiques congolais… Mais visiblement et délibérément cet accord trottine pour son application. Les plus véreux lui crée des contours et guet-apens invraisemblables dans ce qu’ils appellent « arrangements particuliers ». L’on se rappellera qu’il y a eu précédemment, en octobre 2016, un autre dialogue très contesté sous l’égide du togolais Edem Kodjo (envoyé de l’Union africaine) entre la majorité présidentielle et une frange de l’opposition politique.Les bons offices de la CENCO pour le dénouement de la crise politique…
Après avoir claqué la porte du premier dialogue à la cité de l’Union africaine pour raison de non inclusivité et face à la persistance de la crise, les évêques catholiques ont décidé d’offrir leurs bons offices pour sauver la nation de l’hécatombe annoncée au 19 décembre 2016 dernier, date de la fin du deuxième et dernier mandat constitutionnel de Joseph Kabila. Il sied de remarquer que si le dialogue de la cité de l’Union africaine a eu un soubassement juridique qui le convoquait, c’est-à-dire un décret présidentiel signé à cet effet, celui des évêques n’a aucun soubassement juridique qui l’organise et le convoque, est-ce là sa première faiblesse ?Les évêques catholiques ont-ils été piégés dans leur bonne foi par les politiciens qui, pour des raisons individualistes, multiplient des diatribes de mauvaise foi dans le dénouement de la crise politique actuelle ? En effet, les politiciens congolais souffrent d’un égoïsme « pathologique » que même les prélats catholiques, malgré toute la puissance spirituelle qu’on leur reconnaît, n’ont pu les en délivrer… Ces politiciens ne voient que leurs intérêts privés au détriment de ceux de la nation entière. Devant les micros, ils s’affichent comme des grands patriotes nationalistes pendant qu’en réalité, ils sont surtout patriotards par opportunisme…
James Freeman Clarke disait que "la différence entre l’homme politique et l’homme d’Etat est que le premier pense à la prochaine élection tandis que le second pense à la prochaine génération." Au Congo il n’y a rien de tout cela. Nous sommes en face d’hommes qui ne veulent pas penser à la prochaine élection et encore moins à la prochaine génération. En analysant de plus près les agissements des uns et des autres, on ne peut conclure que les politiciens congolais – majorité comme opposition - veulent vraiment aller aux élections pour une alternance civilisée et démocratique. Aucun d’eux ne pense aux générations futures. Ils ne voient que leurs propres intérêts, ce qui dénature le Congo comme République. C’est cette volonté de ne vouloir voir que leur propre moi qui fait que les dialogues politiques, au lieu d’apporter diligemment solution aux questions qui se posent à la société, tirent à longueur afin qu’ils amassent assez de per diem.
Et même quand l’accord aura été signé avec ses annexes (arrangements particuliers), rien n’assure son application et son respect effectifs pour plusieurs raisons: d’abord, beaucoup de politiciens n’ont pas de ligne politique ou idéologique qu’ils défendent, la seule chose qui compte, c’est comment chacun d’eux se retrouve dans le gouvernement... Ce que François Bayart appelle la politique par le bas. Ensuite, ils n’ont aucune constance politique. Ce manque de conviction politique est un réel défi qui discrédite les politiciens congolais au point d’émettre souvent des réserves sur les actes qu’ils posent voire les accords qu’ils signent. Ils peuvent dire et se dédire, ils peuvent signer et renier leur signature le lendemain, au gré de leurs intérêts immédiats. Ceci renforce le citoyen lambda qui pense que la politique est une activité sale, dégradante renvoyant à des calculs stériles et dangereux pour la société, à des bavardages interminables et des ambitions démesurées ou effrénées.
Eu égard à ce qui précède, comment les évêques catholiques s’y prendront-ils pour faire appliquer et respecter l’accord issu de leurs bons offices? Rien n’est sûr, devant les acteurs qui se battent bec et ongles pour le « J’y suis et j’y reste » et le « Ôte-toi de là que je m’y mette » avec une population engagée pour la tenue des élections libres, transparentes et démocratiques dans un délai d’une année seulement. Le risque de voir les évêques revenir dans leurs diocèses respectifs avec un accord non appliqué est prévisible: seront-ils alors prêts à activer leur « Plan B au cas où…» qu’ils essayent de brandir sans en dévoiler la quintessence? Wait and see! Sinon l’image de l’église catholique n’en sortira pas indemne…
Et la population dans tout cela…
L’usure de la souffrance, de la misère, de la pauvreté, des discours démagogiques et de la guerre à répétition a certainement lassé la population qui ne sait plus à quel saint se vouer.Si pour ceux qui se battent pour le « J’y suis et j’y reste », il faut se passer de la Constitution votée au référendum et constituant ainsi un contrat social entre le pouvoir et la population ou, à la limite, changer les règles de jeu démocratique contenues dans cette constitution en faveur de ceux qui veulent absolument s’accrocher au pouvoir; pour les partisans du « Ôte –toi de là que je m’y mette », c’est le moment pour eux aussi de prendre les rênes du pouvoir après l’avoir loupé à l’issue des élections de 2011, tout avoir, tout contrôler ou rien.
Dans les deux cas de figure, l’organisation des élections reste le cadet des soucis tant que chacune des parties aura trouvé son compte pendant que le maître-mot de la population - théoriquement souveraine primaire - reste « Ne touchez pas à ma Constitution, nous voulons des élections le plus vite possible ». Devant cette volonté populaire de vouloir les élections, les politiciens, toute tendance confondue, font semblant et pourtant… personne ne prend à corps ni ne défend les aspirations et les intérêts du peuple. Du coup, comme toujours la population risque d’être la perdante prise pour le dindon de la farce.
En tout et pour tout, la situation de la population est laissée pour compte et renvoyée au second plan. Reste à elle, en tant que souveraine primaire, de décider de son sort face aux politiciens qui ne veulent rien lâcher…
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